Hier soir, j’ai vu l’amour – .

Hier soir, j’ai vu l’amour – .
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Fanny Ardant est au Studio Marigny à « La blessure et la soif », texte de Laurence Plazenet et mise en scène de Catherine Schaub pour quelques représentations exceptionnelles jusqu’à début juin. Elle est, sans hésitation, sans contestation, sans flagornerie, en toute objectivité, la plus grande actrice française. La voir nettoie votre esprit de toutes les bassesses du monde.


Jusqu’à présent – ​​j’aurai bientôt cinquante ans dans quelques semaines – je n’avais jamais vu l’amour sur scène. Montant amour, émotion et chute, le sismographe affolé par la rencontre de deux êtres que tout attire et empêche, l’impossibilité et la faute comme rédemption. La fatalité qui enflamme les âmes bien-aimées. Le refus du compromis et de la démission. Le feu qui laisse les corps inertes et les cœurs en désarroi, cette terre brûlée des amants interdits qui assèche les nuits. Malgré le chaos, les mœurs meurtrières et l’honneur bafoué, l’Histoire en marche, un mince espoir persiste, tambourine et n’abandonne pas. Ce filet de vie marque au fer rouge les couples touchés par la grâce et l’instinct de mort. L’amour est cet enfant indocile et capricieux qui vient impacter les caractères les plus endurcis, les plus résistants à l’abandon ne pouvant éteindre cette flamme incandescente. Il brille et consomme.

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J’avais bien vu des approximations, des tâtonnements, des attouchements, parfois convaincants et puis le sentiment s’enfuyait, s’enfuyait ; fugitif et impalpable, il passait comme un coup de vent. Un coup de vent et on oublie la représentation. Certaines actrices s’en sont approchées, l’ont rendu, l’espace d’un instant, vivant et brouillon, palpitant et désossé, leur talent et leur connaissance du métier ne suffisaient pas, elles étaient loin, très loin, de ce dédoublement. Ils pouvaient charmer, intriguer, amuser, sans jamais parvenir à l’éclat d’une voix, aux frissons intérieurs qui font tenir debout la chambre d’un seul homme. Hier soir, après une heure et demie, les applaudissements étaient interminables, les larmes coulaient sur les joues de mes voisins. Fanny Ardant n’est pas seulement possédée par le texte, elle en transpose toutes les nuances, toutes les crevasses, elle est souffle et virgule, excitation et larme, jouissance et noirceur, larmes et soleil. Elle ne récite pas, elle ne joue même pas, elle est la représentation la plus fidèle, la plus sincère, la plus optimiste d’une femme qui pendant trente ans a aimé son amant contre lui et contre elle-même.

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Dieu et la justice des hommes sont des remparts bien faibles devant une amante bien décidée à ne pas se trahir. Il m’a fallu une promenade nocturne dans un Paris presque gelé pour atterrir, retrouver le bon rythme de mes pas, ils ne savaient plus avancer, ces niais. Avais-je vraiment envie de quitter cette serre étouffante et merveilleuse où Fanny avait mis des émotions, des sensations réelles sur des élans incertains et des combinaisons intellectuelles ? Peut-être que certains spectateurs, au réveil ce matin, ont encore en eux le bruit de Fanny, la voix du désir qui monte et les meurtrissures d’un silence entêtant… Fanny Ardant est l’amour, dans ses fluctuations et ses atroces rétractations, dans son influence et sa vérité céleste. Elle est peau, fluide, bris et éclats, adoration et dévotion. Seule sur scène, Fanny est tout. Noblesse et chevauchement. Modeste et désirable. Dès qu’elle prononce les premières lignes du roman de Laurence Plazenet, la chambre est à l’unisson, la chambre est son miroir, la chambre est suspendue à ses lèvres, elle suit chaque mouvement, chaque infime inclinaison, chaque creux de ses poignets, chaque respiration. éteint. Dans la pureté d’une scène dénuée d’artifices, sur un sobre jeu de lumières allant de la rosée du matin à la terreur du soir, dans sa traîne bleu nuit, Fanny illumine le monde de son génie théâtral. Si jusqu’à hier soir je n’avais jamais vu l’amour, je n’avais pas non plus vu la lumière qui élève les actrices au rang de divinité. Dans une société où chacun se croit investi du pouvoir divin, Fanny rétablit les échelles de valeurs. Il n’est ni trop audacieux, ni trop présomptueux, ni trop bavard de dire que Fanny Ardant est, à ce jour, la plus grande actrice française.

Fanny Ardant dans « La blessure et la soif » – Studio Marigny Paris 8ème. Jusqu’au 1er juin 2024.

 
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