POINT DE VUE. Démocratie ou passion du service

POINT DE VUE. Démocratie ou passion du service
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L’exercice du pouvoir politique dans une démocratie présuppose, pour ses détenteurs, la distinction claire entre la personne privée et l’exercice public. C’est à cette condition fondatrice que son fonctionnement peut s’aligner sur sa fin : le service de la république, du bien commun. Autrement, nous courons le risque de la perversion et de l’inversion.

Visiblement, Donald Trump ne comprend toujours pas cela. Et on peut même estimer que les choses empirent de jour en jour. Il ne lui suffisait pas de tenter de dénaturer le résultat de l’élection présidentielle de 2020, le voici répandant des imprécations écumantes condamnant aux feux de l’enfer tous ceux qui ont offensé son narcissisme. Sa vengeance s’abattra sur eux, sans pitié, de manière Règlement de compte à OK Corral, à son retour aux affaires. Ce qui veut dire que le pouvoir, censé servir l’intérêt public, se retrouvera mis, sous son couvert, au service d’une vindicte personnelle impitoyable.

Il ne s’agit plus seulement de personnalisation du pouvoir mais de personnification conduisant à son abus confiscatoire. Comme si le pouvoir politique était une sinécure, que chacun peut utiliser à sa guise pour satisfaire ses préférences personnelles. Une telle confusion équivaut à un court-circuit entre public et privé, qui dégrade dangereusement la démocratie et la transforme en satrapie. Ceci est confirmé par la sympathie évidente de Trump pour Poutine, Xi Jinping et même Kim Jong-un, ses doubles exotiques.

Leur sensibilité commune est celle de « l’égocrate » (Soljenitsyne) gonflé de ses ego, le seul prisme pertinent dans l’approche des affaires publiques. Nous le voyons clairement à travers le conflit ukrainien, généré par le ressentiment poutinien habillé des atours d’un « rêve de grandeur ».

Mettre le « moi » en veilleuse

Le problème résulte d’une incompréhension totale du sens de l’occupation du pouvoir dans une démocratie. Il ne s’agit en aucun cas d’une possession à la manière dont Harpagon possède sa cassette ni à la manière dont Trump s’accrochait à la Maison Blanche, qu’il avait constituée comme sa propre propriété. Il s’agit de l’exercice d’une fonction, d’un rôle occupé à titre temporaire et par nature précaire. Ne parle-t-on pas aussi du « locataire » de l’Élysée pour désigner le président de la République ? S’il est là, certes, en raison de ses qualités qu’il a su mettre en valeur auprès des électeurs, il est là d’abord pour servir dans des responsabilités exercées pour autrui, selon la logique du service public. La personne du Président, ou tout acteur politique, doit se fondre dans le rôle, s’effacer et se sublimer derrière la mission, clé du sens de l’action.

Un grand philosophe politique, Claude Lefort, a créé les images les plus justes pour nous aider à comprendre cette énigme de la fracture démocratique. La démocratie moderne, écrit-il, est “le seul régime dans lequel le pouvoir est un lieu vide qui n’appartient à personne” […]interdite d’appropriation ». UN “endroit vide” qui ne tire sa plénitude que de la légitimité de ses conditions d’occupation et de sa finalité : le service au public.

Faut-il rappeler que la grande tradition républicaine française a fait du service public l’élément caractéristique de l’action de l’État. Et cela dans le sillage de l’esprit des Lumières, mais aussi dans celui du christianisme dont le fondateur proclamait haut et fort : « Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir (1). » Ce qui implique de mettre le « moi » entre parenthèses au profit du « nous ».

Membre de l’Association de soutien aux principes de la démocratie humaniste (ASPDH) et professeur émérite des universités (droit public, Brest-Quimper). (1) Jacques Dalarun, Gouverner, c’est servir,

Éditeur Alma.

 
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