La Banque centrale européenne doit-elle baisser rapidement ses taux ? – .

La Banque centrale européenne doit-elle baisser rapidement ses taux ? – .
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Dans les pays de la zone euro, l’inflation ralentit désormais de manière très significative. Attention cependant, cela ne signifie pas que les prix baissent, mais simplement qu’ils augmentent plus lentement (+2,4 % entre mars 2023 et mars 2024).

La Banque centrale européenne (BCE), l’institution garante de la stabilité des prix dans la zone euro, y voit le résultat de son action. Depuis juillet 2022, elle a en effet relevé 10 fois ses taux directeurs. Une augmentation historique. Dans le but d’augmenter le coût de financement des banques, de rendre le crédit plus cher et ainsi de ralentir l’activité, et donc in fine les prix. Du moins en théorie.

« La contribution du resserrement monétaire à la baisse de l’inflation est en réalité assez faiblenuance Christophe Blot, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Ce mouvement est principalement lié à la baisse des prix de l’énergie et des prix alimentaires, après la levée des goulots d’étranglement post-Covid et de la crise énergétique. »

Si l’efficacité de la BCE dans la réduction de l’inflation est débattue, il est clair que son action nuit actuellement à l’activité économique. Depuis 2022, la hausse des taux décidée par l’institution de Francfort aurait fait perdre à la France 1,2 point de croissance, a récemment calculé l’OFCE.

Inflation versus activité

D’où une question qui se pose de plus en plus pressante : la BCE doit-elle baisser rapidement ses taux ? « Il faut tracer la bonne voie entre deux risques : soit réduire trop tôt alors que l’inflation repart à la hausse, soit attendre trop longtemps et peser excessivement sur l’activité, a résumé le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau au journal belge l’écho. Désormais, le deuxième risque existe au moins autant que le premier. »

Malgré la baisse des prix constatée, la BCE a néanmoins refusé d’engager une première baisse de taux à la mi-avril. Pour plusieurs raisons : l’institution dit vouloir s’assurer que la tendance soit solide. Cependant, mis à part les prix de l’énergie, l’inflation reste toujours proche de 3% en mars.

Surtout, la banque centrale craint toujours que les salaires augmentent dans les mois à venir, alimentant une résurgence de l’inflation. C’est la fameuse boucle prix-salaire, « le monstre du Loch Ness de la BCE », ironise Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG. Cette hypothèse est en effet largement discutable. « Les salaires sont désormais plus dynamiques que l’inflation, » admet Christophe Blot en s’appuyant sur le cas français. Mais cela ne compense pas les pertes accumulées au cours des quatre dernières années. »

Dans la zone euro, même scénario : les salaires réels sont toujours inférieurs à leur niveau de 2019, reconnaît Piero Cipollone, membre du directoire de la BCE. Et cela, ajoute-t-il, alors que les profits restent élevés, et que la baisse des coûts pour les entreprises (liée à la baisse des prix de l’énergie notamment) crée des marges pour absorber d’éventuelles hausses de salaires sans que cela n’entraîne une hausse des prix à la consommation.

« Du point de vue de la rationalité économique, il est surprenant que la BCE n’ait pas déjà baissé ses taux.pointe Éric Dor. Mais compte tenu des rapports de force internes à l’institution, notamment de la domination des ordo-libéraux allemands ou néerlandais, ce n’est pas tant que ça. »

Au-delà de cela, la volonté désormais affichée des États membres de la zone euro de réduire leurs dettes et leurs déficits, ajoutant un frein supplémentaire à l’activité, plaide également en faveur d’un assouplissement de la politique monétaire.

Biais expansionniste

Pour d’autres, au contraire, il existe un risque à baisser les taux trop rapidement. « Pendant les années 1980, et de plus en plus, explique le chef économiste de Natixis, Patrick Artus, les banques centrales ont un biais expansionniste évident qui les pousse à rendre leurs politiques monétaires non restrictives très rapidement après des chocs inflationnistes ». En conséquence, ils permettent à des bulles de s’installer sur les marchés financiers et sur le marché immobilier, « Ces bulles éclatent ensuite et déclenchent des crises ».

“Il est clair que les prix de l’immobilier restent trop élevés, mais je ne pense pas que maintenir les taux de la BCE à leur niveau actuel soit la bonne manière de les faire baisser.répond Eric Dor. Il faudrait soit une intervention publique sur les prix, soit une augmentation de l’offre de logements pour inverser cette tendance qui pénalise particulièrement les jeunes générations. »

Par ailleurs, le dynamisme de l’économie américaine, supérieur à celui de la zone euro et qui se traduit par une inflation plus élevée outre-Atlantique, suggère que la BCE devrait baisser ses taux d’intérêt avant la banque centrale américaine (la Fed). Certains ne sont cependant pas favorables à cette temporalité, car ils craignent qu’elle conduise à une dévaluation de l’euro par rapport au dollar.

Lorsque l’euro perd de la valeur par rapport au dollar, cela augmente le prix des importations mais conduit au contraire à une compétitivité accrue pour les exportateurs. L’effet est donc ambigu »explique cependant Eric Dor.

« Les pays de la zone euro commercent principalement entre euxajoute Christophe Blot. Une part importante des échanges est certes libellée en dollars même si les échanges n’impliquent pas les Etats-Unis, mais cela risque d’avoir des effets uniquement sur des marchés particuliers comme celui de l’énergie, qui seront également atténués par les prix de reflux concomitants. »

La BCE a préparé les esprits à une première baisse des taux en juin. Mais le fait que son objectif d’inflation (2 %) ne soit en vue que pour le milieu de 2025 remet en question sa capacité à y parvenir. Dès lors, une solution serait peut-être de relever son objectif, par exemple à 3%, comme le suggèrent les économistes Christophe Blot et Francesco Saraceno de l’OFCE, dans la lignée des propositions similaires faites par Paul Krugman, prix de la Banque de Suède 2008, ou l’ancien économiste en chef du FMI Olivier Blanchard, « pour éviter de payer le prix en termes de croissance et de chômage, d’un retour forcé de l’inflation à 2 % ».

La question se pose d’autant plus que la transition écologique comporte des risques inflationnistes (augmentation du prix des fossiles, conséquence des catastrophes climatiques, etc.) et que la persistance « viser une inflation de 2 % pourrait nécessiter de longues périodes de resserrement monétaire, ce qui freinerait les investissements dans les énergies renouvelables et perpétuerait paradoxalement les tensions inflationnistes liées à la transition »concluent les deux auteurs.

 
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