Deux expositions, à Bourges et Paris, évoquent le Bérurier Noir, des luttes d’hier à celles d’aujourd’hui

On pourrait dire que l’histoire commence à Paris et se poursuit à Bourges. En 2021, deux anciens membres de Bérurier Noir, le chanteur Fanfan (François Guillemot, FanXoa) et le saxophoniste mastO (Tomas Heuer) ont fait don de leurs archives au département Musique de la BnF. On y trouve, couvrant une période de 1977 à 2000, des photographies, des affiches de concerts, des cahiers, des gribouillages, des brouillons de chansons, des accessoires de scène, des enregistrements…

Une centaine de pièces

Le tout sera progressivement mis en ligne sur Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF. Benoit Cailmail, directeur adjoint du département Musique de la BnF, et Émilie Kaftan, responsable des collections, en ont extrait une petite partie, une centaine de pièces, pour l’exposition, qui elle-même se déroule dans une seule salle.

C’est à la fois très peu et très riche. De quoi capter l’esprit d’une époque, l’écouter hurler ses révoltes, embrasser ses rêves, et sentir les années filer entre ses doigts. Quelque part, dans ce « lieu de mémoire », FanXoa a 14 ans et il écoute les Sex Pistols. Bientôt, il rejoindra le Bérurier Noir ; MastO arrivera plus tard. Le groupe vivra et mourra, et revivra (1983-1989/2003-2006).

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Photos, manifestes, affiches, vidéos racontent l’histoire. Les musiciens qui vont et viennent, les concerts, qui sont comme un spectacle et une performance, avec des choristes, des danseurs, des nez de cochon, des masques… Et puis, les principes. L’envie de ne pas entrer dans l’industrie du disque. Les positions prises, contre le racisme, le mal-logement, la répression policière… « En 2024, la jeunesse agace encore le FN », écrit un visiteur dans le livre d’or de l’exposition, en référence à un titre du groupe, Porcherie (1985).

On la retrouve à Bourges, cette référence à Porcherie, dans l’exposition collective Bonjour à toi. C’est le titre d’une lithographie de Damien Deroubaix. Ce n’est pas le seul pont entre les deux expositions. La plus évidente est l’évocation de l’arrivée du groupe dans cette ville, en 1986, à l’invitation d’une association d’étudiants des Beaux-Arts, Emmetrop. Quarante ans plus tard, elle perdure sous le nom d’Antre Peaux. Et c’est dans les friches qu’elle a investies qu’elle accueille Bonjour à toi.

Antre Peaux était complet samedi pour l’ouverture de Salut à toi

Au-delà de l’histoire du compagnonnage entre Emmetrop et les Bérus et de l’histoire du groupe, illustrée par quelques documents d’archives, l’exposition conçue par Julie Crenn donne la parole à treize artistes, issus de générations et d’univers très divers, qui sont d’une certaine manière leur héritiers. Les luttes politiques et sociales des années 1980 résonnent encore dans les années 2020 ; d’autres ont pris de l’ampleur, comme le féminisme ou l’écologie.

Les luttes de la communauté Queer

Les photos d’Estelle Prudent racontent les luttes de la communauté Queer (Queer Pride 9), les tapis de Juliette Vanwaterloo plongent dans des événements d’actualité encore d’actualité, comme les manifestations de janvier 2021, tandis que l’installation in situ de Babi Badalov (Feeling destroy is a sentiment créatif), constitué d’affiches, de dépliants, de photos… collectés lors de divers événements, est comme un concentré d’engagements collectifs.

Partie prenante de cet engouement, FanXoa et MastO exposent également à Bonjour à toi. Ici et maintenant, on les retrouve à un autre moment de leur vie. FanXoa, artiste et historien spécialiste du Vietnam contemporain, présente sur Le Mur des AgitéeX, des portraits de personnalités publiques et d’anonymes qui inspirent et font vivre la culture punk. MastO, qui a animé des ateliers dans les prisons de 2008 à 2020, a proposé Deboutun album inédit composé et enregistré dans une prison pour femmes.

Martine Pesez