« À quand une Journée européenne de lutte contre le sexisme ? » – .

« À quand une Journée européenne de lutte contre le sexisme ? » – .
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Le sexisme en France ne diminue pas et pourrait même s’aggraver, notamment chez les plus jeunes. C’est le principal enseignement du dernier rapport du Haut Conseil à l’égalité, remis le 22 janvier au président de la République. Un an plus tôt, Emmanuel Macron avait proclamé le 25 janvier Journée nationale de lutte contre le sexisme. La première édition de la Fête nationale officielle a donc eu lieu le 25 janvier. L’aboutissement d’un travail de longue haleine pour le collectif Ensemble contre le sexisme, qui milite depuis plusieurs années pour la création de cette journée. Entretien avec Yseline Fourtic-Dutarde, étudiante avocate à Versailles et co-présidente du collectif.

AJ : Vous êtes coprésidente du collectif Ensemble contre le sexisme. Quand vous êtes-vous impliquée dans la défense des droits des femmes ?

Yseline Fourtic-Dutarde : D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été déterminé à parvenir à l’égalité entre les femmes et les hommes. Quand j’étais petite, je voulais devenir avocate : après une journée d’orientation organisée par le collège, j’avais la ferme conviction que le poste le plus élevé auquel une femme pouvait aspirer était… d’assistante de direction. Autant vous dire que lorsque j’ai annoncé ce changement de projet à ma mère, elle avait des doutes.

Militante au sein du syndicalisme lycéen et étudiant, j’ai très tôt vécu le sexisme et son cortège de propos humiliants, les violences psychologiques, l’affectation différenciée des militantes au niveau des responsabilités, le procès de légitimité permanent fait contre les femmes par les hommes de ma génération.

Après Sciences Po à Toulouse, j’ai effectué mon stage de fin d’études au Haut Conseil à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes. J’ai ensuite rejoint le cabinet ministériel de Laurence Rossignol, ministre de la Famille, de l’Enfance et des Droits des femmes, et surtout une militante féministe passionnante et brillante. J’ai souhaité la suivre au Sénat où je travaille à ses côtés depuis 2017, avec l’envie de faire du droit un moteur au service des causes des femmes. Des projets de loi et des propositions ont été déposés à intervalles réguliers depuis le début du mouvement #Moi aussi en 2017. Nous avons travaillé sur les violences faites aux femmes, les ordonnances de protection, les régimes de prescription des violences sexuelles, l’inceste, l’instauration d’une présomption de non-consentement pour lutter contre les violences sexuelles faites aux femmes. les enfants, etc

AJ : Vous devenez avocat. Pourquoi ce changement de parcours professionnel ?

Yseline Fourtic-Dutarde : Travailler dans le domaine du droit en tant que collaborateur parlementaire et activiste est à la fois passionnant et frustrant. Cela soulève de nombreuses questions sur la production de normes et la manière dont nous pouvons mobiliser les droits et libertés fondamentaux. Il y a beaucoup de travail pour le mettre à l’ordre du jour et le faire connaître. En revanche, lorsque nous sommes approchés par des victimes, et cela arrive souvent, le sentiment d’impuissance est latent.

J’ai d’abord souhaité reprendre mes études pour améliorer mes compétences en droit afin d’être un meilleur collaborateur parlementaire. Une chose en a entraîné une autre et j’ai finalement décidé de passer le barreau. Il s’agit pour moi de transformer ce sentiment d’impuissance en un moteur pour soutenir les femmes victimes de violences ou gênées par le sexisme, que ce soit dans leur vie privée ou professionnelle. J’ai obtenu le CRFPA en 2023 et je suis désormais des cours à la faculté de droit de Versailles. J’ai prêté le « petit » serment en janvier. En tant qu’avocate, c’est pour moi une autre manière de mener ces luttes féministes.

AJ : Quoi LLe collectif « Ensemble contre le sexisme », dont vous êtes co-président ?

Yseline Fourtic-Dutarde : En 2016, Laurence Rossignol a lancé la campagne « Le sexisme n’est pas notre espèce », qui visait entre autres à permettre une mobilisation générale contre la tolérance sociale à l’égard du sexisme. Dès le départ, l’organisation d’une Journée nationale de lutte contre le sexisme a été identifiée comme une revendication stratégique. Cette campagne a permis l’émergence d’un collectif d’une quarantaine d’associations, réseaux et structures engagés dans différents secteurs pour promouvoir les droits des femmes et lutter contre le sexisme. Dans ce collectif il y avait des structures comme l’Assemblée des Femmes, Osez le Féminisme, le Laboratoire de l’Égalité, la Fondation des Femmes, Femmes Ingénieurs… Toutes engagées à leur manière dans la promotion des droits des femmes, elles n’avaient pas pour autant les mêmes objectif militant et n’étaient pas habitués à travailler ensemble. Le but était de créer des synergies entre elles, de les rassembler pour parvenir à une mobilisation plus large et faire en sorte que toutes ces personnes apprennent à se connaître et développent ensemble des outils contre le sexisme dans la vie quotidienne et professionnelle des femmes. Cela a bien fonctionné : les associations ont aimé travailler ensemble. A la fin de la campagne, ils ont décidé de poursuivre à travers le collectif « Ensemble contre le sexisme ». Au départ, c’était un collectif informel qui se réunissait régulièrement pour organiser des événements. En 2022, ce collectif est devenu une association qui se mobilise chaque année pour dénoncer le sexisme dans toutes ses manifestations.

AJ : Quels étaient les événements organisés par ce collectif ?

Yseline Fourtic-Dutarde : En 2020, nous avons dénoncé l’impact des confinements sur la vie des femmes, qu’il s’agisse de risques en termes de sexisme, de violences intrafamiliales ou d’affectation à la sphère domestique, et nous avons mené un plan de déconfinement anti-sexiste. Lors de la dernière campagne présidentielle, nous avions plaidé pour un quinquennat antisexiste comprenant 22 préconisations et recommandations. Et enfin chaque année, vers le 25 janvier, nous organisons une grande manifestation contre le sexisme.

AJ : Quelles formes prend le sexisme aujourd’hui ?

Yseline Fourtic-Dutarde : Chaque année, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), organe consultatif indépendant chargé d’émettre des recommandations au gouvernement et aux assemblées, remet un rapport au président de la République. Ces rapports montrent que le sexisme ne diminue pas en France. Le dernier rapport, remis à Emmanuel Macron par Sylvie Pierre-Brossolette, présidente du HCE, le 22 janvier, montre même qu’elle se poursuit et que ses manifestations les plus violentes s’aggravent. Ainsi, près d’un quart des hommes âgés de 25 à 34 ans estiment qu’il faut parfois être violent pour être respecté. Et 40% des hommes, tous âges confondus, trouvent normal que les femmes arrêtent de travailler pour s’occuper des enfants… Comme le recommande le HCE et comme nous l’avons affirmé à plusieurs reprises, il faut un plan d’urgence global contre le sexisme. Nous devons continuer à rendre visible et dénoncer le sexisme auquel les femmes sont confrontées dans tous les domaines de leur vie, sous de multiples formes. Dans la vie professionnelle, elle peut être verbale ou non verbale, par exemple lorsque des femmes responsables sont affectées à des postes subalternes. La seule façon de faire en sorte que ce sexisme cesse de nous nuire est de le rendre visible et de donner les clés pour l’éradiquer.

AJ : Le 25 janvier était la première Journée nationale contre le sexisme. Quelle est la signification d’une telle journée ?

Yseline Fourtic-Dutarde : La Journée contre le sexisme est un outil, un levier, au même titre que la Journée internationale des femmes, le 8 mars, ou la Journée internationale contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre. C’est une manière de mettre à l’ordre du jour les revendications féministes. Ces journées appellent à la mobilisation et permettent année après année de mettre en lumière la défense des droits des femmes et de les faire progresser. La création d’une Journée nationale de lutte contre le sexisme est une revendication de longue date du collectif « Ensemble contre le sexisme ». Avant même que cela ne soit officiel, nous le célébrions chaque année autour du 25 janvier, en organisant des événements à cette date. Le fait qu’elle soit officiellement reconnue par le Président de la République a pour effet que d’autres organisations que la nôtre organisent des événements. Pour cette première édition, plusieurs initiatives ont déjà eu lieu. Cela montre que ce jour ne nous appartient plus. C’est une excellente nouvelle.

AJ : Était-ce difficile d’obtenir ce jour ?

Yseline Fourtic-Dutarde : Oui, ce fut un long combat, mené avec et avec les différents ministres chargés de l’Égalité entre les femmes et les hommes. C’est d’autant plus frustrant qu’il a suffi d’un communiqué du président de la République pour que la journée devienne officielle. Il y a des jours pour tout et n’importe quoi. Le fait qu’il soit si difficile d’obtenir cette journée contre le sexisme alors qu’il s’agit d’une mesure symbolique m’a posé beaucoup de questions.

AJ : Quelle était l’émission « Sexism TV Show » organisée cette année ?

Yseline Fourtic-Dutarde : Depuis l’année dernière, nous avons décidé de traiter le sujet du sexisme avec sérieux et humour, de mêler le jeu à des interventions approfondies et des témoignages livrés par des enseignants, des chercheurs et des militants. En 2023, nous avons porté le sexisme devant la justice en organisant le Procès du Sexisme, un événement qui a connu un grand succès. Ce procès, découpé en séquences impliquant chacune un juge, un procureur et un avocat, a défendu le sexisme par l’absurde, montrant qu’il s’agissait d’un système conservateur et réactionnaire. En 2024, nous avons souhaité garder ce ton, et avons choisi d’aborder cette année la manière dont le sexisme existe dans les représentations collectives. Parodier une émission de télévision nous a semblé la meilleure option. Nous avons ainsi abordé la question des représentations en parodiant plusieurs programmes télévisés : La Grande Bibliothèque, le Quiz Macho, Une Femme Presque Parfaite… Nous avons réalisé une émission télévisée de fiction avec un journal télévisé, une chronique judiciaire, une chronique sur le financement des droits des femmes, une chronique sur la télé-réalité, ou encore sur le monde politique. Une avocate a expliqué que lorsque les clients arrivent à son bureau et qu’elle les salue, ils la prennent pour la secrétaire. Lorsqu’ils réalisent qu’elle est l’avocate, ils clôturent la réunion. Ce sexisme s’imprime aussi dans l’institution judiciaire. Nous avons reçu Violaine de Filippis-Abate, porte-parole d’Osez le féminisme et auteur de livre Classé sans suite, un ouvrage sur le traitement judiciaire du discours des femmes. Elle a rappelé que le mouvement #Moi aussi a conduit à une injonction faite aux femmes de parler, mais celles qui le font voient leurs paroles largement discréditées et minimisées par la police et les magistrats. Nous nous sommes inspirés de Pascal Praud en organisant une table ronde sur le thème de l’andropause, phénomène de faible taux de testostérone chez l’homme, avec des femmes qui n’y connaissaient pas grand-chose comme intervenantes. Bref, on a décidé de rire d’un sujet sérieux, tout en rappelant que les conséquences peuvent être mortelles pour les femmes. On peut rire de tout, mais notre responsabilité en tant que militants est d’être conscients que les victimes des violences patriarcales sont partout, que la haine des femmes n’a pas de frontières… Mais notre sororité non plus.

AJ : Quels sont les projets du collectif aujourd’hui ?

Yseline Fourtic-Dutarde : Notre objectif numéro 1 est toujours le même : dénoncer le sexisme partout, tout le temps, pour que les femmes soient libérées des contraintes et des violences qu’il engendre. Pour cela, il faut convaincre et mobiliser le plus grand nombre.

Quant à notre action de plaidoyer, avec les élections européennes, nous nous engagerons notamment à défendre le droit à l’avortement et à la contraception à travers le continent, dans un contexte où les droits des femmes sont particulièrement attaqués par l’alliance des conservateurs, des réactionnaires et de l’extrême droite. . Nous serons vigilants sur les questions de parentalité et nous lutterons contre les injonctions d’une part à la maternité et d’autre part à l’affectation des femmes à la sphère domestique. Et puis, que notre journée soit officiellement devenue nationale, c’est bien, mais regardons plus loin : à quand une Journée européenne de lutte contre le sexisme ?

 
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