Le gouvernement a-t-il raison de faire des économies sur les centres de formation d’apprentis ? – .

Le gouvernement a-t-il raison de faire des économies sur les centres de formation d’apprentis ? – .
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Les centres de formation d’apprentis (CFA), qui génèrent plusieurs milliards d’euros, ne sont pas exemptés du plan d’économies budgétaires de Bercy. Ils devront bientôt contribuer à hauteur de 200 millions d’euros, mais certains, plus que d’autres, devront se serrer la ceinture. Alors que le gouvernement fouille dans les maquis de formation pour décider lesquels supprimer, risque-t-il d’appauvrir injustement certains d’entre eux ?

Aujourd’hui, l’État, via France Compétences, l’établissement public chargé de répartir les fonds dédiés à la formation professionnelle et d’encadrer leur utilisation, dépense 9,2 milliards (chiffres 2022) rien que pour soutenir ces formations. Si l’on ajoute les primes aux employeurs versées par l’État, à hauteur de 8,4 milliards d’euros, le total atteint 18 milliards d’euros d’aide publique.

Mais choisir qui doit économiser de l’argent est loin d’être simple. Depuis la loi d’avenir professionnel du 5 septembre 2018, le gouvernement a lui-même libéralisé le financement des apprentissages. Elle a mis en place un guichet qui permet à tout CFA, voire à toute entreprise créant son propre CFA, de proposer des contrats d’apprentissage dont le coût est pris en charge par l’Etat et les cotisations des employeurs.

Victime de son succès, le système tourne à plein régime, sans savoir combien d’apprentis sont recrutés dans chaque secteur et si des abus peuvent survenir concernant le montant de ces formations financées par l’argent public.

Ce qui a le mérite d’être transparent, en revanche, c’est le détail du financement des CFA. Il est accessible en quelques clics seulement. Il suffit de consulter le référentiel des niveaux d’accompagnement à l’apprentissage sur le site de France Compétences.

4 900 euros pour former un réparateur moto ; 7 000 euros pour obtenir une licence en e-commerce et marketing digital ; 9 000 euros pour le travail d’agent de propreté et d’hygiène. Voici quelques exemples de sommes versées aux centres de formation lorsqu’ils forment des apprentis à ces métiers, et il y en a plusieurs…

Le tableau Excel recensant ces prix compte plus de 800 000 lignes. L’ampleur du dossier s’explique par le fait que chacune des 4 000 certifications accessibles par l’apprentissage comporte des montants forfaitaires appliqués pour quelque 215 branches professionnelles différentes. Même s’il est peu probable qu’un apprenti pâtissier apprenne son métier auprès d’un dentiste, un tarif existe également dans ce cas hypothétique.

Certains montants indiqués dans ce listing devront donc prochainement diminuer. Reste à comprendre pourquoi il y a autant de différences de prix entre les formations, si le gouvernement a choisi de prendre un sécateur de la bonne taille, et s’il coupe les bonnes branches.

Formation de 3 000 à 60 000 euros

Car à la lecture de ce cadre, on découvre qu’un apprentissage du diplôme national d’artiste de cirque, certifié par le ministère de la Culture, est rémunéré 59 820 euros. C’est trois fois plus que l’aide maximale versée pour une formation d’opérateur ferroviaire à la SNCF, d’ingénieur à l’Institut polytechnique de Grenoble ou de technicien de scierie en baccalauréat professionnel – le tout rémunéré entre 20 000 et 30 000 euros.

A l’inverse, la formation de préparateur en pharmacie ou de prothésiste dentaire peut être rémunérée 3 000 euros par certaines branches. Hors ces cas extrêmes, 92 % des financements s’inscrivent dans une fourchette de 6 000 à 11 000 euros.

Que signifient ces valeurs ? Différentes choses à la fois. Car chaque année, ce sont les branches professionnelles qui définissent, chacune à leur manière, leur niveau de financement pour la formation.

« Certaines agences demandent à leurs CFA d’augmenter leurs coûts. D’autres font référence à des données macroéconomiques, comme le coût moyen d’un apprenti. Ils peuvent également définir des priorités de financement. indique Renaud Bricq, le directeur de la régulation chez France Compétences.

Illustration au titre de responsable RH, délivré par le Conservatoire National des Arts et Métiers. Selon les agences, il est facturé de 4 620 euros à 6 030 euros.

« Nous avons d’autres diplômes à ce niveau à des coûts comparables qui sont financés autour de 7 000 ou 8 000 euros», explique Ariane Fréhel, directrice nationale de la formation en apprentissage.

Des succursales plus ou moins maîtresses des prix

Si les agences maîtrisent leurs prix au début de la procédure, elles ne sont pas totalement autonomes. Lorsque plusieurs d’entre eux se positionnent sur une même formation, France Compétences supprime 25 % des valeurs les plus élevées, qui doivent ensuite diminuer. Cette méthode peut freiner les branches, comme celles des secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux privés à but non lucratif.

« Prenons par exemple un chauffeur de bus dans un ITEP (Institut Thérapeutique, Éducatif et Pédagogique). Ce n’est pas, a priori, notre cœur de métier. Pour ce type de cas isolé, nous refusons de nous prononcer sur le niveau de prise en charge de sa formation. Mais d’autres branches n’hésitent pas à le faire contre nous”critique Alexandre Lebarbey, représentant de la fédération CGT de la santé et du social.

Ce mécanisme de convergence n’est pas toujours efficace. Exemple avec le diplôme d’artiste de cirque. Seules deux commissions ont proposé un tarif pour cette formation. Et environ 60 000 euros dans les deux cas. Pas de baisse, donc. C’est dans ce contexte que la syndicaliste Claire Serre-Combe, responsable de la branche des arts du spectacle, peut défendre le soutien record à cette formation.

Pour un apprenti voltige, trois personnes sont nécessaires pour le sécuriser au sol »explique le secrétaire général du Synptac CGT.

Cette intensité de travail limite donc la capacité d’accueil des étudiants, d’autant que la demande du marché du travail n’est pas excessive. Par rapport aux coûts d’un établissement, le coût d’un apprenti augmente donc mécaniquement.

Déjà deux coups d’avion

Cherchant à faire des économies sur l’apprentissage sans augmenter les cotisations patronales ni remettre en cause la prime versée aux employeurs, l’État a commencé à réduire les dépenses dédiées aux CFA.

Après une première réduction des financements en 2022, France Compétences a appliqué une nouvelle approche en 2023, consistant à réduire plus nettement les écarts entre coûts déclarés et niveaux de prise en charge…

Les « charges moyennes » observées ont ensuite été augmentées de 10 %, 20 % ou 30 % pour définir une référence dont les branches devaient se rapprocher. Près de la moitié des certifications ont ainsi été réduites. De quoi rendre les chambres des métiers et de l’artisanat, touchées sur le ” moitié ” de leur formation, disent-ils. En baisse de 9%, le CAP Boulanger est par exemple passé de 6 683 euros à 6 015 euros.

Basée sur des excédents a priori objectifs, cette méthode est néanmoins contestée. De nombreux acteurs s’attaquent à la fiabilité, voire à la pertinence, des données transmises par les centres de formation d’apprentis à France Compétences et servant de base de calcul.

De nombreux CFA ne disposent pas d’une comptabilité analytique réellement justifiée. Contrairement aux CFA mono-métiers, ceux qui en comptent des dizaines diviseront par exemple leur coût global par le nombre d’apprentis. On arrive alors à la limite de l’exercice. » fait valoir Laurent Munerot, vice-président de l’Union des entreprises locales (U2P).

A cela s’ajoute le fait que des CFA très différents par leur taille, leur gamme de métiers ou leur statut (commercial, associatif, public) peuvent dispenser la même formation. Ils déclarent des coûts différents mais reçoivent le même montant.

Et comme des moyennes plus ou moins larges régissent désormais le système, elles ne correspondent pas toujours à leurs coûts réels. Car ce ne sont plus les CFA dans leur ensemble qui sont financés, comme avant la réforme, mais les formations dispensées individuellement.

Programmes « Grandes écoles » jusqu’à 15 000 euros

Mais alors, qui devrait subir ces coupes ? Depuis 2022, le lobbying de différents secteurs et familles d’établissements s’intensifient pour survivre. Certains revendiquent le degré de tension dans leurs métiers, souvent manuels, et d’autres l’opportunité de relancer l’échelle sociale en facilitant l’accès des jeunes défavorisés à l’enseignement supérieur (car ils sont alors exonérés des frais de scolarité).

Attaqués en raison de leurs taux de marge plus élevés, les CFA privés se défendent en mettant l’accent sur leurs efforts de réduction des coûts. Et pourtant, la définition demandée de nouveaux critères de financement tourne toujours en rond.

Cependant, de nombreuses personnes s’inquiètent du coût élevé des formations « papier et crayon » dans le secteur tertiaire. Et aussi sur les programmes « grandes écoles », qui tournent autour de 9 000 ou 10 000 euros, voire plus : jusqu’à 15 300 euros pour l’ESC Montpellier, par exemple.

Comment ces formations peuvent-elles coûter plus cher que certains apprentissages nécessitant des plateaux techniques, et malgré une croissance numérique censée générer des économies d’échelle ?

« Les grandes écoles de commerce soulignent qu’elles répondent à des critères de qualité en plus de Qualiopi [la certification qualité obligatoire pour percevoir des fonds publics dans la formation, NDLR.] et peut les obliger, par exemple, à financer des chaires permanentes »précise Antoine Amiel, auteur d’une note sur le financement des apprentissages pour la Fondation Jean-Jaurès.

Rien d’illogique alors ? A moins que le problème ne soit dû à un manque de sobriété dans les dépenses… Voire à un certain talent comptable.

« Certains CFA ont clairement compris le pouvoir qu’ils avaient sur les niveaux de soutien. Ils peuvent choisir de surestimer le coût de certaines de leurs formations. »soupçonne un expert du dossier.

Il rappelle que les rapports de coûts à France Compétences sont pour le moment déclaratifs. Vérifier leurs mérites sous toutes les coutures n’est pas une tâche facile…

 
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