En France, « la demande a augmenté avec la crise sanitaire »

En France, « la demande a augmenté avec la crise sanitaire »
En France, « la demande a augmenté avec la crise sanitaire »

Niché dans une forteresse du XIXe siècle dans l’est de la France, un centre de recherche hébergeant plus de 800 singes de neuf espèces est dans le viseur des défenseurs des droits des animaux. Ses dirigeants invoquent un enjeu « géostratégique ».

Cette photographie montre un groupe de macaques rhésus (Macaca Mulatta) rassemblés au centre de primatologie de l’Université de Strasbourg, également appelé Silabe (Laboratoire Simian Europe), à ​​Niederhausbergen, dans l’est de la France, le 6 mai 2024.

AFP

Environ la moitié des animaux sont nés sur place, “l’autre partie est importée d’élevages agréés situés à Maurice ou en Asie du Sud-Est”, explique Pascal Ancé, directeur de la plateforme Silabe (“Simian Laboratory Europe”) qui gère le laboratoire. . Elle constitue la porte d’entrée de 15 % des primates arrivant en Europe.

Le centre de primatologie de l’Université de Strasbourg, installé dans le fort de Niederhausbergen construit par les Allemands en 1870 près de Strasbourg, a été créé en 1978 et s’étend sur sept hectares de terrain boisé.

Les primates sont utilisés pour différents types de recherche, de la recherche biomédicale à l’étude du comportement animal. Macaques rhésus, ouistitis, singes verts… ces animaux restent en quarantaine avant de partir vers des centres de recherche comme l’Inserm ou l’Institut Pasteur.

En laboratoire, des échantillons biologiques (sang, plasma, liquide céphalo-rachidien, urine, etc.) sont prélevés. Silabe peut également réaliser des études précliniques comme « administrer un traitement et s’assurer qu’il n’y a pas d’effets secondaires », explique Pierre-Henri Moreau, chef de projet.

Depuis des années, des associations militent pour la fermeture du centre, comme Pro Anima, qui défend une recherche scientifique n’utilisant pas d’animaux.

«Nous essayons vraiment de promouvoir les avancées de la science, qui montrent de plus en plus clairement que nous avons de moins en moins, voire plus, besoin d’animaux pour la recherche biomédicale», explique Lilas Courtot, conseillère scientifique à Pro Anima et oncologue à l’Institut. Centre de Recherche sur le Cancer à Toulouse (sud-ouest).

En février, Pro Anima a obtenu une réduction d’activité devant les tribunaux en raison de risques de contamination environnementale. Après deux mois d’activité réduite à des « affaires courantes », le centre a retrouvé son agrément après avoir organisé une enquête publique sur son impact environnemental.

Chine ou États-Unis

“Nous avons environ deux recours par an, en cinq ans nous avons dû en avoir au moins dix”, explique à l’AFP Michel de Mathelin, premier vice-président de l’Université de Strasbourg, dénonçant un “harcèlement administratif”.

Il affirme qu’il y a « un véritable enjeu, pour la France et l’Europe, de souveraineté » dans le maintien de centres de primatologie comme celui de Niederhausbergen.

Une fois quittés Silabe pour les laboratoires, les primates peuvent être utilisés dans la recherche de vaccins contre le SIDA ou pour les neurosciences (maladies de Parkinson et d’Alzheimer).

« Si nous n’avons pas accès aux primates non humains, cela signifie que ces recherches ne pourront pas être menées en Europe et devront être menées dans des pays comme la Chine ou les États-Unis. C’est donc un enjeu géostratégique et de santé publique », explique Pascal Ancé.

Ces débats se déroulent dans un contexte d’inflation des prix d’achat des primates destinés à la recherche, du fait d’une forte demande.

« La demande a commencé à augmenter fin 2016-2017 en raison de nouveaux traitements nécessitant l’utilisation et la validation par le modèle animal », explique Pascal Ancé. “A partir de cette date, nous avons eu une demande croissante, qui s’est accrue avec la crise sanitaire”, le développement de vaccins contre le Covid-19 nécessitant “beaucoup d’animaux”.

Par ailleurs, « la Chine a fermé ses frontières parce qu’elle sait très bien qu’il s’agit d’un enjeu stratégique : les Chinois gardent donc la ressource pour leur propre développement ».

Selon lui, si des plateformes comme Silabe devaient fermer, cela entraînerait « une délocalisation de ces activités vers des pays où la réglementation est beaucoup moins exigeante ».

« Forte demande »

Selon une directive européenne de 2010, l’utilisation d’animaux à des fins expérimentales n’est autorisée que lorsqu’il n’existe pas de méthode alternative satisfaisante.

Le nombre d’animaux utilisés doit être réduit au minimum et la douleur, la souffrance ou la détresse des animaux doivent être minimisées.

Responsable du bien-être animal depuis neuf ans à Silabe, Helen Beyer surveille leurs conditions de vie.

Par exemple, lorsqu’un singe reçoit une injection d’un vaccin, « un mécanisme de télémétrie mesure la température en temps réel pour détecter au plus vite quand un animal a de la fièvre et lui administrer le traitement adapté ». Avant de décider de mettre fin à la vie d’un animal, « on pèse le pour et le contre ».

Pro Anima souligne de son côté qu’il existe « des alternatives plus pertinentes pour l’homme et aussi plus éthiques » que « des procédures expérimentales très lourdes, qui peuvent faire souffrir l’animal même s’il est justifié que c’est au bénéfice de la santé humaine ». ».

Le modèle animal (dit « in vivo ») peut être remplacé dans certains cas par des méthodes « in vitro » comme l’utilisation d’organoïdes reproduisant certaines fonctions d’un organe, ou « in silico », c’est à dire au moyen d’ordinateurs.

Mais «les méthodes alternatives ne sont pas actuellement en mesure de remplacer complètement l’utilisation des animaux», écrit l’Institut Pasteur sur son site internet.

“Nous ne nions pas l’existence de méthodes alternatives ou de substitution et c’est très bien”, estime le directeur du Silabe Pascal Ancé. Mais « se passer des animaux à des fins scientifiques, aujourd’hui on n’en est pas encore là ».

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