Pour écrire un article sur l’intelligence artificielle, il faut tester sa puissance. J’ai donc cherché des outils capables de produire un PowerPoint en quelques secondes. J’ai cliqué presque par hasard sur une des premières occurrences proposées par Google (et il en existe des dizaines). Le site sur lequel j’arrive, qui utilise l’intelligence artificielle, m’invite à définir le thème de mon PowerPoint. Je tape alors : « Titres d’articles de presse : comment attirer le lecteur « . Je choisis le nombre de slides pour le rendu final et je clique sur « générer « .
En moins de secondes qu’il n’en faut pour comprendre ce qui se passe, l’IA a produit un PowerPoint sur le sujet. Dans le détail, que préconise-t-elle ? Utiliser des mots intrigants et originaux pour sortir du lot. Plus intéressant, il m’invite à créer de l’émotion et de l’urgence pour inciter les internautes à lire immédiatement. Surtout, elle m’encourage aussi à poser des questions pour éveiller la curiosité, et à utiliser des mots comme « découvrir “, ” révéler » pour une promesse d’exclusivité. Ce conseil est en réalité celui que les professionnels de l’audience en ligne donnent aux journalistes. Le tout avec des photos dont l’ambiance correspond à chaque conseil. Bluffant.
Produire du PowerPoint oui, mais…
Alors révolution ? “ Bien sûr, l’IA peut générer un PowerPoint automatiquement, le problème est que le contenu n’est pas très bon », estime Antonin Bergeaud, professeur d’économie à HEC et auteur d’une étude sur le risque d’automatisation de certains métiers par l’IA. Ce premier retour de spécialiste me surprend compte tenu de la qualité de la présentation que j’ai générée. Aurais-je eu de la chance avec ma demande ?
Cette fois, je vais poser la question à un expert PowerPoint, dont le métier est de réaliser les supports des réunions les plus importantes des entreprises du CAC 40. Et Sébastien Di Dio raconte le même récit que le professeur d’économie : » Les outils d’IA ne proposent que du contenu générique ! »
Pour lui, un bon PowerPoint est avant tout le résultat d’une réflexion approfondie. Son travail serait de trouver la manière de mettre en valeur au mieux une idée, de « trouver la bonne métaphore » qui fera mouche auprès du public.
En conclusion, que dire ? Oui, l’IA peut générer des PPT. Va-t-elle nous remplacer ? Tout dépend du niveau d’exigence attendu. Autrement dit, il est particulièrement adapté à un besoin rapide et à un support moins poli.
Attention aux présentations de plus en plus similaires
Et ce n’est pas le seul inconvénient. Utiliser l’IA pour créer des PowerPoints pousserait à la standardisation. ” On risque de se formater ! » craint Sébastien Di Dio pour qui l’IA reproduit les schémas de pensée, sans créer de surprise.
Voilà pour les pièges. Mais il n’est pas question de jeter l’IA avec l’eau du bain. S’il n’est pas recommandé d’y dédier l’intégralité de la création du PowerPoint, l’IA fait gagner un temps précieux dans la recherche d’informations, plus que Google. ” Récemment, je préparais une présentation pour une équipe cycliste et j’avais besoin de savoir quelles équipes avaient changé de sponsor au cours des dix dernières années. En deux secondes, j’ai pu obtenir la réponse », témoigne ce spécialiste PowerPoint.
Il en va de même pour les visuels. Si avant, Sébastien Di Dio, qui se présente comme un « concepteur de contenu » sur LinkedIn, pouvait chercher des heures la bonne photo, avec la bonne émotion, l’IA lui fait désormais gagner un temps précieux en faisant sourire, agrandir et si nécessaire inventer le décor manquant.
Excel, démocratisé plutôt que remplacé
Voilà pour PowerPoint, qu’en est-il d’Excel ? L’IA peut-elle nous éviter de comprendre cette interface austère et ses formules à peine plus chaleureuses ? Même démarche, je suis allé voir un expert Excel. “ Je pense que l’IA est très bonne pour les novices d’Excel, ceux qui ne connaissent pas les formules par exemple. Ils peuvent décrire à ChatGPT lesquels ils aimeraient avoir, et sa réponse sera suffisamment bonne », explique Loïs Tourneur, qui propose des services Excel aux entreprises.
L’IA permettrait donc d’utiliser Excel sans avoir à connaître son langage. Google et les forums ne donnaient-ils pas déjà accès à ces connaissances ? Oui, mais de manière dispersée. Ici, l’IA comprend notre demande et apporte une réponse sur mesure à notre problématique. ” En supprimant la barrière à l’apprentissage, l’IA permet d’ouvrir Excel à des personnes qui auraient été effrayées par l’outil, analyse Abdelmounaim Derraz, expert en IA et directeur exécutif du Metalab de l’Essec. Plutôt que de le remplacer, l’IA démocratise l’accès à Excel. »
Il y a aussi un revers : la vigilance. ” Sur le code (car on peut faire du code dans Excel, NDLR), l’IA peut parfois proposer de grosses bêtises. Pour débusquer l’erreur, encore faut-il la comprendre », prévient Loïs Tourneur, qui reconnaît néanmoins un faible taux d’erreur.
Faible ou pas, cela suffit à poser la question de l’adoption de l’IA en entreprise. ” Si l’IA ne se trompe que 1 % du temps, dans une présentation PowerPoint ou une feuille de calcul Excel, ce n’est pas acceptable pour les entreprises. », conclut Antonin Bergeaud d’HEC. Cela renforce ce sur quoi tous les spécialistes de l’IA insistent : l’IA peut nous faire gagner du temps à condition que nous, employés humains, renforcions notre esprit critique à son égard. A cette condition, cela libérera notre temps, que nous consacrerons à des tâches à plus forte valeur ajoutée.
Si l’IA nous libère du temps, que faire du temps ainsi libéré ?
Au cours des 150 dernières années, les progrès techniques et organisationnels nous ont permis d’être 30 fois plus productifs. Qu’avons-nous fait de ce temps gagné ? ” D’une part, nous l’avons utilisé pour produire 15 fois plus qu’il y a 150 ans. Par contre, on travaille 15 fois moins au cours d’une vie », explique Antonin Bergeaud, professeur d’économie à HEC.
