Cette vue aérienne montre des dunes de sable dans le désert libyen, entre Khofra et Dakhla.
Atlantico : Une équipe de scientifiques a récemment découvert comment calculer l’âge des « dunes étoilées » ou « dunes pyramidales ». De quoi s’agit-il ? Qu’est-ce qui rend ces dunes si spéciales ?
Anne Nédélec : Les dunes étoilées (ou dunes pyramidales) sont remarquables par leur forme et leurs dimensions, très éloignées des petites dunes en croissant appelées barchanes qui sont les dunes les plus communes. Alors que les barkhanes mesurent moins de 10 mètres de haut (en moyenne 3 m), les dunes étoilées dépassent les 100 m de haut et peuvent même atteindre plus de 300 m de haut.
Ils se ramifient dans plusieurs directions. Leur base occupe donc une grande surface.
La dune du Pilat (sur la côte aquitaine), haute de 109 m, a une forme linéaire ; ce n’est pas une dune étoilée. Les dunes étoilées sont rares.
Alors que les barkhanes se forment lorsque les vents soufflent toujours dans la même direction, les dunes étoilées se forment lorsque les vents soufflent dans des directions opposées.
Ainsi aujourd’hui au Sahara, nous subissons deux vents principaux venant de directions opposées : le sirocco (qui vient du sud-ouest) et le chergui (qui vient du nord-est).
Il est à noter que les dunes se construisent progressivement. Dans le cas qui nous intéresse, il s’agit du pied de la dune qui a 13 000 ans. Le sommet est beaucoup plus récent.
Les dunes se forment lorsque le sable n’est pas fixé par la végétation, ce qui correspond généralement à un climat aride (et venteux !). Notez que « aride » signifie « peu de précipitations », mais cela peut être dans un contexte chaud ou froid…
Qu’apporte cette découverte à la recherche scientifique, et quelles avancées permet-elle d’envisager ?
À l’échelle géologique, les dunes sont des formations relativement jeunes.
Il est intéressant de connaître précisément leur âge ou de déterminer les périodes pendant lesquelles ils se sont développés, et de relier ces données à ce que l’on sait du climat à ces époques.
L’âge de 13 000 ans n’est donc pas anodin. Cela correspond à une période froide, le Dryas, qui interrompt (pendant quelques milliers d’années) le réchauffement constant du climat depuis le dernier maximum glaciaire il y a 21 000 ans. La baisse des températures moyennes aurait été de 7°C dans l’hémisphère nord il y a 13 000 ans. Dans ce contexte de changement climatique, il n’est pas surprenant que le régime des vents ait été affecté en direction et en intensité. Mais ce sont les vents qui construisent les dunes.
Pour être complet et c’est tout aussi intéressant, il faut dire que l’article de Bistow & Deller (2024) identifie également une période de 8000 ans sans accumulation de sable après la période de croissance initiale. Ceci témoigne d’un climat encore différent durant lequel la dune aurait pu être stabilisée par la végétation. Finalement, la dune ne recommence à croître rapidement qu’au cours des 1000 dernières années. C’est même durant cette période récente que plus de la moitié de la hauteur de la dune a été construite.
Ces datations contribuent à une meilleure compréhension de l’environnement et du climat passés de la Terre. Dans le contexte africain, cela contribue à une meilleure connaissance du Sahara. Ainsi, on sait grâce à l’étude pollinique des sédiments lacustres que le Sahara était auparavant une savane verte peuplée d’animaux (voir les peintures rupestres du Tassili), précisément pendant une bonne partie de la période où la dune marocaine étudiée ne grandissait pas. Puis le Sahara a commencé à devenir de plus en plus aride et envahi par le sable il y a 4000 ans.
Ces approches indépendantes fournissent donc des résultats qui vont dans le même sens et se soutiennent donc mutuellement.
L’âge de ces dunes a été calculé par datation par luminescence. Est-ce une technique connue depuis longtemps ? Peut-il être appliqué à d’autres domaines de recherche ?
La datation par luminescence est une méthode connue depuis une quarantaine d’années qui permet de déterminer à quel moment un matériau (en l’occurrence des grains de sable de dune) a été exposé pour la dernière fois à la lumière. Il ne s’agit donc pas de l’âge des grains de sable, mais de l’âge du revêtement des grains étudié sous d’autres grains.
La méthode est utilisée en géologie (pour les périodes récentes) et en archéologie.
