La Croix : Le grand public vous a laissé les yeux pleins d’émotion cet été, lorsque vous avez obtenu vos deux médailles – l’or à la carabine à air couché à 10 mètres et l’argent à la carabine à air debout à 10 mètres. Peut-on parler d’un été de liesse ?
Tanguy de La Forest: Nous pouvons utiliser ce terme. Entre les émotions vécues sur le plan sportif et celles venant de la fête avec le public, tout était réuni pour que cela se réalise. Je n’ai pas un souvenir plus fort que celui que j’ai connu cet été, du moins sur le plan sportif.
L’émotion que j’exprime, au moment où je réalise que j’ai remporté ces médailles, reflète aussi l’aboutissement d’un travail de longue haleine depuis plusieurs années. J’avais déjà participé à cinq Jeux olympiques, frôlant parfois le podium. Le fait que cette fois, devant mon public, dans le plus bel endroit qui soit, j’arrive à atteindre cet objectif, c’est le sentiment du travail accompli.
Aux Jeux, il y a une émulation unique, du fait que tous les sports sont présents. C’est aussi l’occasion de présenter notre sport. En tant qu’athlète, nous avons un rôle supplémentaire : nous sommes des ambassadeurs. Cela joue également un rôle dans la mémoire que l’on garde d’un tel événement.
Il y a quelques mois, de nombreuses polémiques ont entouré l’organisation des Jeux de Paris 2024. Les Français ont-ils parfois du mal à se réjouir ?
T. de La F.: Dans tous les Jeux, il y a des controverses. Que ce soit sur le plan financier, organisationnel, écologique, sportif, etc. Les défis sont nombreux lorsqu’on organise ce type d’événement. On disait qu’on ne parviendrait pas à fédérer les Français autour d’un thème. Et puis le sport est arrivé. Personne ne s’y attendait, y compris le public français lui-même, qui s’est surpris à l’apprécier autant. Au-delà du contexte économique, politique ou social parfois difficile, les Français ont souhaité le devenir.
Ce succès populaire n’était pas gagné d’avance. C’est l’organisation réussie des Jeux et les résultats des athlètes français qui ont rendu cela possible. Les premiers succès lors des Jeux Olympiques ont créé un véritable engouement qui a profité aux Jeux Paralympiques.
Le public des Jeux Paralympiques n’était pas tout à fait le même, beaucoup de familles venaient, mais c’était très complémentaire du public des JO. C’est sans doute la grande histoire de Paris 2024. En tant que para-athlète, et donc directement concerné, nous jubilons également de voir cet intérêt porté à la cause du handicap.
Vous ne cachez pas votre foi catholique. La spiritualité entre-t-elle en jeu lorsqu’on aborde le défi sportif ?
T. de La F.: La spiritualité est présente en moi au quotidien, que ce soit dans les réussites ou dans les moments plus délicats. En fait, je ne vais pas prier différemment à l’approche d’un événement sportif. Je demande à Dieu de me donner la force de me dépasser, de me battre, d’être bon dans la journée, aussi bien quand je tire que quand je ne tire pas. Je le remercie pour ce qu’il me propose.
Il y a évidemment ce côté « grâce » qui entre en jeu lors de la réussite sportive, mais je dirai que ma foi m’accompagne encore plus dans ma vie associative et entrepreneuriale, où l’idée d’aider mon prochain reste omniprésente. Avec le fusil, nous sommes seuls.
Lorsque nous vivons un moment de liesse, craignons-nous le suivant ?
T. de La F.: Nous entendons beaucoup de retours dans ce sens de la part d’athlètes qui ont des difficultés à descendre. C’est encore plus vrai avec les Jeux de Paris, car certains ont parié sur ces Jeux chez eux. Et même quand on gagne, on peut être tenté de se dire : « Est-ce que je vais revivre ça ? »
J’ai la chance de concilier ma carrière sportive avec d’autres activités comme l’entrepreneuriat, mon rôle associatif (il travaille au Comité paralympique français, NDLR)et ma vie de famille. Tout cela m’anime au quotidien. Finalement, je n’ai pas rencontré cette difficulté au retour des Jeux, car j’ai d’autres projets à côté. Je sais que je suis privilégié de disposer de tous ces éléments qui me permettent de m’épanouir autrement que par le sport. C’est sans doute ce qui m’a aidé à décrocher la plus belle médaille.
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► Son inspiration : une devise
“Tout arrive à temps pour ceux qui attendent.” »
Citation attribuée à François Rabelais.