Cet arrêté royal, qui vise à protéger les consommateurs, concerne les opérateurs de jeux qui disposent d’une licence belge, mais pas la loterie nationale, qui en est exonérée. L’Union Saint-Gilloise, en football, ou l’équipe du Lotto, en cyclisme, ne sont donc pas concernées.
Comment les clubs ont-ils réagi ?
Au départ, les clubs se demandaient comment il était possible de survivre sans le parrainage des sociétés de paris, évalué à plus de 20 millions d’euros dans le football. “Les sites de paris font partie des rares secteurs qui acceptent encore de nous sponsoriser. disent de nombreux directeurs commerciaux. Rien que dans le football, 19 clubs sont concernés dont le Standard (Circus), le Club Bruges et Charleroi (Unibet). Même la Pro League, qui compte Ladbrokes et Bwin comme sponsors, est impactée.
Pour certains, la réponse à cet arrêté royal fut un pur et simple changement de sponsor. Il y a quelques semaines, Anderlecht a par exemple accueilli Sunweb comme sponsor maillot principal, en remplacement de Napoléon Sports&Casino. Mais tous les clubs ne s’appellent pas Anderlecht. Trouver un nouveau sponsor principal en cours de saison est extrêmement compliqué. En cyclisme, la fusion entre Bingoal et l’équipe Wagner-Bazin est notamment une conséquence de cette difficulté.
Au fil des mois et des réflexions, des alternatives se sont développées. Certaines équipes, comme Soudal Quick-Step en cyclisme, ont décidé de diviser leur activité en deux et continuent d’utiliser leur sponsor (Napoleon Sports&Casino) sur leurs maillots pour les courses à l’étranger. Mais il disparaîtra sur les routes belges, où l’arrêté royal s’applique.
En basket-ball, le Circus Brussels a dû changer de nom, devenant Brussels Basketball, pour se conformer à la nouvelle législation. La ligue belge de basket-ball a également perdu son sponsor principal : Pariez d’abord.
Mais d’autres solutions, plus alambiquées, ont également vu le jour. Pour tenter de contourner la loi, les avocats des clubs et fédérations l’ont étudiée en profondeur. Et leur conclusion a été la suivante : en utilisant une seconde marque indirectement liée à un opérateur de paris, on sort du champ d’application de la loi. Ainsi, Anvers a créé AntwerpFirst, en partie financé par Betfirst, comme sponsor principal. D’autres sites de paris sont allés plus loin en créant des filiales comme Unibet Experts, Star Casino Foundation, Ladbrokes News ou Circus Daily. Certains ont même officiellement embauché du personnel pour publier les dépêches de l’agence sur un fil d’actualité. Pour aller à l’essentiel et justifier l’existence d’une société sœur.
Conséquence : d’ici quelques jours, Uexpert (lire Unibet Expert, mais sans utiliser le nom Unibet) sera par exemple le sponsor maillot principal du Sporting Charleroi et du Club Bruges. Et Circus Daily sera présent sur les équipements de l’équipe Intermarché – Wanty (au dos du short).
Que risquent les clubs s’ils contournent la loi ?
Qui dit que la loi n’est pas respectée dit sanction. Mais dans ce cas, c’est un peu vague. En étant sponsorisés par des filiales qui ne disposent pas officiellement d’une licence belge d’opérateur de jeux, les clubs sont entrés dans la zone grise de l’arrêté royal, qui est vague et laisse place à l’interprétation. C’est presque un camouflet de la part d’un secteur sportif qui a déjà attaqué la législation en question devant le Conseil d’Etat (elle est jugée disproportionnée et contre-productive), sans réponse de ce dernier pour l’instant. Plus généralement, le secteur regrette le manque de concertation avec les politiques. Plusieurs réunions ont été demandées, sans succès.
Nous l’avons constaté en interviewant plusieurs acteurs : tout le monde marche sur des œufs. Chacun prend ses responsabilités comme bon lui semble, mais les tensions sont évidentes. Reste à savoir si le Conseil d’État prendra une position claire sur l’utilisation abusive des sous-marques des opérateurs de jeux. Ce qui pourrait donner lieu, en cas d’assimilation, à de longs recours et débats judiciaires. Un autre sport national.