Pour le partisan, la différence est subtile. A peine visible à l’œil nu. Mais pour les joueurs, cet équipement peut leur sauver la vie.
Publié à 1h38
Mis à jour à 8h00
Dans la Ligue américaine de hockey, le port du protège-cou est obligatoire depuis le début de la saison. Un changement irritant pour certains, malgré des bénéfices indéniables.
Il y a un an presque jour pour jour, Adam Johnson décédait à l’âge de 29 ans. Le centre avait le cou lacéré par la lame du patin d’un adversaire lors d’un match de Champions Cup en Angleterre.
Sa mort a provoqué un séisme dans tous les vestiaires du monde.
«Ça a été un choc», admet l’attaquant des Bruins de Providence Jeffrey Viel, qui était à Laval pour affronter le Rocket. Cela remet beaucoup de choses en question. Cela vous fait réaliser que cela pourrait vous arriver. »
«On a joué le même soir que lui, à la même vitesse de jeu», ajoute son coéquipier Frédéric Brunet. On ne sait jamais si quelque chose va arriver. »
Pour les Bruins, la mort de Johnson a eu un impact immédiat. « Un coéquipier a vu que j’avais un protège-cou dans mon sac, que je ne portais pas. Je lui ai laissé le soin. Je ne connaissais pas encore Johnson… », raconte Frédéric Brunet.
Quelques jours plus tard, l’organisation commande 100 protège-nuques pour toute l’équipe. Elle a « fortement » encouragé ses joueurs à en porter un, explique Brunet.
Il aura fallu un an à la Ligue américaine pour imposer l’équipement. La ligue s’associe alors à la Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF) qui impose aux joueurs de le porter lors de ses compétitions. La Ligue junior de l’Ouest (WHL) a également emboîté le pas, imitant la LHJMQ et l’OHL, qui l’exigeaient déjà.
La tendance n’a pas atteint la LNH, où le port d’un protège-nuque est « fortement encouragé » mais reste facultatif.
Il faut dire qu’imposer un équipement représente une tâche colossale dans un monde conservateur comme celui du hockey. Les joueurs suivent des habitudes particulières et sont très pointilleux sur leur équipement. Une petite chose peut perturber leurs habitudes. Parlez au défenseur du Rocket Tyler Wotherspoon, qui, comme de nombreux autres vétérans, redoutait de porter le protège-cou.
« Au début, je pensais que ça me dérangerait. Pour être honnête, la transition s’est déroulée en douceur », a déclaré le joueur de 31 ans.
« Les gars qui sont dans la ligue depuis longtemps, quand ils devaient mettre un protège-cou, ils ne trouvaient pas ça amusant, ils se sentaient coincés. Ils disent qu’il leur faudra du temps pour s’adapter», confirme Frédéric Brunet.
Jeffrey Viel avoue avoir dû tester « deux ou trois modèles différents » avant de s’y habituer. « Mais c’est comme le protège-dents : on s’y habitue. J’imagine que c’était pareil pour les gars qui n’avaient pas de visière, quand ils l’ont imposée », raconte-t-il.
“Si ça peut rassurer ma mère”
Pour les plus jeunes, la transition se fait en douceur. Il n’y a pas si longtemps, la plupart des joueurs au début de la vingtaine portaient le protège-cou chez les mineurs. L’adaptation a donc été immédiate.
«Nous voulons rendre le jeu plus sécuritaire, le moins que nous puissions faire est de porter un protège-cou», explique l’attaquant du Rocket Luke Tuch. Le jeu est rapide, les gars patinent à plus de 30 km/h, avec des lames qui ressemblent presque à des couteaux aux pieds. »
« Je pense que cela donne à chacun un petit sentiment de sécurité. Cela nous enlève un peu de poids par rapport à ce qui pourrait arriver sur la glace», explique Brunet.
Ce pourraient donc être des jeunes, une fois appelés dans la LNH, qui généraliseront le port des protège-nuques. «Plus les joueurs le porteront, plus les gars s’y habitueront, plus ils le porteront dans la LNH», a déclaré Jeffrey Viel. C’est un processus. »
Mais comme tout processus, rompre avec les habitudes peut prendre du temps. Par exemple, même si Jeffrey Viel vante le port d’un protège-cou, il ne croit pas qu’il le porterait s’il était appelé à jouer à nouveau dans la LNH.
«Pour l’instant, je dirais non», dit-il après une longue hésitation. Mais j’y réfléchirais, c’est sûr. »
Frédéric Brunet n’hésiterait pas en cas de rappel. « Je ne me sentais pas stressé sur la glace sans protège-nuque, mais si ça rassure ma mère, je vais en porter un. »
«Je m’y suis habitué, donc le protège-nuque ne va nulle part d’ici la fin de ma carrière», conclut-il, devant le large sourire de maman Brunet, qui est probablement en train de lire ces lignes.
Une imposition violée
Deux Québécois sont décédés tragiquement suite à des lacérations au cou lors de matchs de hockey dans les années 1980. En réponse, le port de protège-nuques est devenu obligatoire pour les joueurs mineurs en 1986, ainsi que pour les joueurs de tous âges qui n’en ont pas. n’a pas joué chez les pros en 1992. Malgré cette imposition, plusieurs Québécois ont quand même risqué leur vie au cours de la saison 2013-2014. À cette époque, seulement 45 % des joueurs de la province portaient des protège-nuques, selon une étude de l’Association québécoise des arénas et installations récréatives et sportives (AQAIRS).