Le Rochefortais Mnatsakan Movsesyan, boosté par son séjour aux Etats-Unis, vise les sommets

Il faut me suivre, parce que j’ai fait des choses très compliquées, dans des situations assez compliquées. » Pur concentré d’énergie et de détermination souriante, le boxeur rochefortais Mnatsakan Movsesyan a raison de prévenir. Celui qui disputera son premier combat professionnel devant son public, ce samedi au Polygone face au Toulousain Jonathan Bergam (en 64 kg), a toute une histoire. Formé à la SAR par Bob Chaddi, il vient de passer un mois aux Etats-Unis pour mieux se lancer dans le monde pro après des années de boxe olympique qui lui convenaient moins. Et à Los Angeles, il découvre un autre univers.

« Il faut être là pour se rendre compte de l’immensité de la chose. Et encore, ce n’est qu’à la maison, en ouvrant le téléphone le soir, quand je n’avais rien à faire, que je me demandais où j’étais, glisse le volubile jeune homme de 21 ans. C’était incroyable. » A l’origine, le natif d’Arménie n’osait pas se lancer. Mais « je me réveille en boxe, je mange de la boxe, je dors en boxe. Pour le football, c’est le Brésil, pour la boxe, c’est les Etats-Unis. C’est une religion. » Alors, quitte à devenir pro…

Intensité

Comment cet ancien élève du lycée Marcel-Dassault de Rochefort, diplômé et travaillant dans l’aéronautique, a prévu un mois de stage près de Glendale, dans la banlieue de « LA », où chaque quartier compte plusieurs clubs réputés, et où « il y a un beaucoup de gars à tirer » ? « On sort le portefeuille. Il faut des partenaires ou économiser de l’argent », répond-il, désarmant. Il avait prévu de s’entraîner au Wild Card, où Manny Pacquiao, multiple (et légendaire) champion du monde entre 1995 et 2021, s’est rendu.

“Il faut devenir champion de France puis d’Europe avant de vouloir conquérir le monde”

Arrivé un samedi, il y est resté lundi après s’être installé dimanche : « L’ambiance est très dure, on ne vous dit pas bonjour… Le coach voit que je m’échauffe et me demande si je veux être’. ‘sparring’. Je ne m’attendais pas à une telle intensité. Ici, on fait des tours de 3 minutes avec 1 minute de repos. Là, il n’y a que 30 secondes de repos, je n’en pouvais plus. » Mais il tient la route, du haut de ses 37 combats amateurs, face à un homme qui en compte plus de 100 et est déjà référencé au niveau pro mondial.


Mnatsakan Movsesyan pose à côté de l’étoile de Mohammed Ali sur Hollywood Boulevard.

Collection MM.

Mardi, il se rend dans « un magasin très connu » qui vend « des sacs de boxe pour les plus grands champions, fabriqués par des gens de la même origine que moi. Ils m’ont mis en contact avec la salle où s’entraîne Arsen Goulamirian, champion du monde français (moins de 91 kg, NDLR). Tu réalises ? (sourire). » Là, le célèbre entraîneur Edmond Tarverdyan lui offre une paire de gants à une trentaine de kilomètres.

“Je ne savais rien”

« Une salle immense, de la musique forte, pas de vestiaires… C’est vraiment un combat, mais avec des casques. Je fais 4 tours, les gars me disent « tu te rends compte de ce que tu viens de faire ? « . Il était classé 30ème mondial, avec 8 combats, 8 victoires… » Un autre Américain d’origine arménienne lui confie qu’un entraîneur aimait beaucoup sa boxe. Et voici Mnatsakan Movsesyan au New Era Boxing Club, affiné par l’entraîneur Deon Elam pendant un mois, avec une quinzaine de 6 à 8 rounds de gants organisés contre des adversaires comme Alan Garcia, Adam « Blunose » Lopez, Mathias Radcliffe…


Mnatsakan Movsesyan, au centre, aux côtés de Deon Elam (à droite).

Collection MM.

Il est revenu changé. « Avec Arsen, on a beaucoup parlé, ça m’a fait grandir. J’ai réalisé que je ne savais rien, confie-t-il. Avant, je pensais à ma préparation avant de monter sur le ring. Là, je ne me pose plus la question : mon métier, c’est d’apporter la victoire à mon club et à la maison. C’est tout. Je sais aussi comment mieux me gérer. Le premier jour où j’ai été surclassé, j’étais un peu nerveux. Mais c’est comme quand un chien aboie : au début on a peur mais si on reste calme, il se calme. C’est un exemple un peu bizarre, mais j’ai appris à contrôler mon adversaire. »

Pour quelle ambition ? Devenez un champion du monde. Il y a des étapes à franchir, il faut devenir champion de France puis d’Europe avant de vouloir conquérir le monde. Mais il faut viser le sommet pour dépasser ce qui nous attend. » Notamment donc ce premier combat pro au Polygone. « C’est bien de boxer à la maison mais sur le ring, tu es tout seul. Si je ne suis pas prêt, les amis peuvent crier autant qu’ils veulent, je n’en donnerai pas plus (rires). Mais je suis prêt. » Rochefort et les autres sont prévenus.

Deux ceintures régionales en jeu

Après 5 combats novices, à partir de 19 heures (tarif 10 euros), la SAR Boxe, toujours associée au Club Pugilistique Rochelais, propose 13 combats amateurs élites, puis 2 rencontres professionnelles : celui de Mnatsakan Movsesyan, puis, puis de la Rochelaise Megan Ouvrard, en 51 kg, contre Minerva Gutiérrez. Parmi les duels à suivre, deux aboutiront au gain d’une ceinture Nouvelle-Aquitaine : Salah Khadhzikhanov (CPR) sera opposé à un autre Maritime, Mathis Perpeau (Double Impact Saintais), dans la catégorie des 80 kg ; le Rochefortais Elie Lelaine, passé senior, défiera Samba Camara (Blagnac) en 75 kg. Le Rochefortais Axel Chusseau sera également suivi en 71 kg.


Salah Khadhzikhanov affrontera Mathis Perpeau.

Romuald Augé Archives / SUD OUEST

La connexion arménienne

Mnatsakan Movsesyan, 21 ans, boxe « depuis une dizaine d’années » à Rochefort, où il est arrivé après avoir fui la guerre en Arménie. « Mes parents ont tout vendu du jour au lendemain. A 9 ans, je me suis retrouvé dans un pays dont je ne parlais pas la langue, où il n’y avait pas mes amis. Mes parents n’ont même pas vendu la maison à moitié prix pour nous échapper, nous n’avions plus rien. »
« Nous sommes arrivés à Paris, puis à la Croix-Rouge à Poitiers, où il n’y avait pas de place, comme au 115. Nous sommes restés un moment dans la rue. Je me souviens qu’on dormait sur les bancs de la gare, que je demandais à mes parents pourquoi on dormait dehors et qu’ils ne savaient pas quoi me répondre, il sourit malgré tout. Nous étions avec mes parents et ma petite sœur. Mon père a aujourd’hui des problèmes d’épaule car il la portait tout le temps à l’époque, elle était trop grande pour la poussette. »
« Un soir, quelqu’un de la même origine que nous nous a emmenés chez Emmaüs à Châtellerault, qui nous a énormément aidé. Jusqu’à ce que nous trouvions une association qui nous accueillait à Rochefort, confie-t-il. Et c’est comme ça que je me suis retrouvé là-bas. Pour mes parents, ça a dû être très dur, c’est maintenant que je réalise tout ce qu’on a vécu. » Et aux Etats-Unis, où il retrouve notamment Arsen Goulamirian, la connexion arménienne est à nouveau pleinement en vigueur. : « À Glendale, je pense qu’il y a près de 300 000 Arméniens, j’ai perdu quelques mots, mais j’ai réussi à me faufiler et à trouver ce que j’avais besoin de faire (sourire). »

Ses échanges avec Arsen Goulamirian (à gauche) l'ont fait grandir mentalement.


Ses échanges avec Arsen Goulamirian (à gauche) l’ont fait grandir mentalement.

Collection MM.

 
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