Un campeur qui a mis le feu à son papier toilette condamné à une amende

Un campeur qui a mis le feu à son papier toilette condamné à une amende
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C’est l’histoire d’un geste en apparence anodin mais aux conséquences catastrophiques. Le 6 novembre 2020, un incendie se déclare dans la nuit sur les hauteurs du Piton Maïdo, non loin du belvédère. Un site au cœur du Parc National et déjà fortement impacté par des incendies de forêt de grande ampleur en 2010 et 2011.

Alertés, les pompiers ont été dépêchés sur place pour contenir l’incendie. Cela a été fait à 00h05, pour une surface impactée de 3000 m2. Du moins, en apparence. Car à peine une demi-heure plus tard, à 00h37, un deuxième incendie était signalé dans le secteur.

Un incendie dévastateur cette fois, puisqu’il couvrira en quelques jours une superficie de 200 hectares (l’équivalent de 275 terrains de football), nécessitant un déploiement de forces colossal, durant plusieurs semaines. Il faudra en effet attendre le 14 janvier 2021 et les fortes pluies apportées par Danilo pour que l’incendie soit officiellement déclaré éteint.

“Amoureux de la nature”

Dans les jours qui ont suivi le début de l’incendie, l’enquête confiée à la gendarmerie a progressé rapidement. Et un suspect est identifié. Un campeur de 36 ans, venu bivouaquer sur place dans son camping-car, et qui a alerté les pompiers.

Placé en garde à vue, Ronan (le prénom a été modifié) reconnaît les faits. Mais il plaide un accident total. Selon ses dires, c’est après être allé satisfaire un besoin naturel que ce “amoureux de la nature”en se présentant, décide de mettre le feu au papier toilette usagé, “afin de ne laisser aucune trace.” Mais la végétation, en cette saison sèche, s’enflamme vite. Au moment où il monte dans son camion chercher de l’eau, l’incendie est déjà hors de contrôle. Il appelle alors le 18. “Nous n’avons pas affaire à un pyromane, mais à un amoureux de la nature qui souhaitait laisser le moins d’impact possible sur le site.”, déclare alors son avocat, Me Mihidoiri Ali. Ajouter: “Il était dépassé par les événements.”

Mis en examen pour destruction involontaire, le trentenaire a été libéré sous contrôle judiciaire, avec interdiction de quitter la Réunion, où il ne faisait que passer. Le début d’une longue enquête visant à établir les intentions du suspect, les causes de l’incendie et les éventuelles responsabilités associées dans la propagation de l’incendie. (voir encadré).

« Lien probable » entre les deux incendies

Sollicité, l’institut de recherches criminelles de la gendarmerie nationale (IRCGN) va produire un rapport d’analyse. Ne trouvant aucune trace de produit accélérateur, les experts ont dû se contenter de la théorie du papier toilette brûlé. Ils ne pourront pas non plus « déterminer avec certitude un lien entre le premier et le deuxième incendie ». Cependant, ils supposent un “lien probable” entre les deux maisons à travers « une faible répartition ou dans les couches inférieures du sol »et conclure “d’origine humaine fortuite, sans acte malveillant.”

Après deux ans et demi d’enquête, Ronan a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour « Destruction involontaire par feu de forêt pouvant causer des dommages irréversibles à l’environnement, violation manifeste d’une obligation de sécurité et exercice, au cœur d’un parc national, d’une activité interdite. » Des délits punis de cinq ans de prison et de 100 000 euros d’amende. L’affaire, examinée jeudi dernier devant le tribunal correctionnel, donnera toutefois lieu à une sanction bien inférieure à la peine encourue.

Le ministère ne fait pas de gros efforts

Face au président, le prévenu réitère ses explications en se disant “Désolé”mais maintient qu’il ne s’estime pas “pas responsable” des conséquences du deuxième incendie.

De l’autre côté du bar, pas d’acharnement. Le SDIS, qui aurait pu réclamer des dommages et intérêts en raison des énormes moyens déployés, ne s’est même pas constitué partie civile. Quant au Département, propriétaire de la forêt du Maïdo, il ne réclame que l’euro symbolique. “Nous avons pris en compte le fait que l’incendie était accidentel, que le prévenu a fait amende honorable et qu’il est impécunieux, ce qui aurait obligé l’Etat à indemniser à sa place”explique Me Laurent Benoîton pour la communauté.

Dans ce contexte, le parquet n’aura pas la main trop lourde. Considérant que le jeune homme reste la personne à l’origine de l’incendie, le procureur requerra sa peine à quatre mois de prison avec sursis avec sursis, avec obligation de payer une amende de 2 000 euros.

La défense plaidera pour la clémence, soulignant “les manquements” du SDIS pour expliquer l’ampleur du sinistre, et rappelant « le déchaînement de discours de haine » subi par le prévenu sur les réseaux sociaux à l’époque des faits.

Le juge condamnera finalement Ronan à 200 jours-amende de 10 euros, transformables en jours de prison en cas de non-respect. L’équivalent d’une amende de 2 000 euros. A titre de comparaison, le randonneur qui avait incendié accidentellement 1 ha de végétation dans le cirque de Mafate en novembre 2010 avait écopé d’une amende de 1 500 euros avec sursis. Elle a en revanche dû verser 74 000 euros de dommages et intérêts à l’ONF, qui s’était constituée partie civile.

Sébastien Gignoux

> Aucune faute pénale du SDIS

Mis en examen le 15 novembre 2020, le campeur de 36 ans est prêt à assumer la responsabilité du premier incendie qui n’a détruit « que » 3000 m2, mais il refuse d’assumer les conséquences de son acte et des 200 hectares finalement ravagés par les flammes . Devant le juge d’instruction, sa défense fait valoir “un échec du SDIS”qui n’a pas jugé bon, une fois le premier incendie éteint, de laisser sur place un dispositif de surveillance.

« Pourtant, un forestier leur avait conseillé de le faire, mais ils ont décidé de partir », dira en substance l’avocat du campeur. Une demi-heure plus tard, l’incendie reprend et, au moment du retour des secours, il a pris les proportions massives que l’on connaît.

Lors des investigations, le juge d’instruction examinera donc l’éventualité d’une faute imputable au SDIS. Après analyse, le juge conclura néanmoins que le SDIS n’avait aucune obligation réglementaire de rester sur place et ne pouvait donc pas faire l’objet de poursuites pénales.

Reste que les circonstances particulières des faits, et cette reprise de l’incendie qui aurait peut-être pu être contenue, semblent avoir joué un rôle susceptible d’atténuer la responsabilité de l’accusé, et explique peut-être l’absence de constitution de partie. fonction publique du SDIS dans cette affaire.

SG

> Deux mois et demi de feu

Ce 7 novembre 2020, le Piton Maïdo est une nouvelle fois victime d’un incendie de grande ampleur, qui s’est rapidement propagé autour du Belvédère. Dans les jours qui ont suivi, l’incendie a progressé, parvenant à traverser, à l’ouest, la route forestière des Tamarins et à descendre, à l’est, dans le rempart côté Mafate.

De 6 au 11 novembre, entre 80 et 150 pompiers du SDIS 974 sont à pied d’œuvre. Plusieurs élus locaux se sont rendus sur place et ont discuté « un drame écologique et patrimonial ». Le 10, le ministre Sébastien Lecornu est venu de Paris pour assister aux opérations et annoncer des renforts nationaux. Le 12 novembre, 40 pompiers territoriaux et 40 militaires de la sécurité civile arrivent de France.

LE 19 novembre, l’incendie est déclaré maîtrisé. Mais l’extinction des points chauds et la surveillance renforcée se poursuivront jusqu’au 14 janvier 2021, date à laquelle le passage de la dépression Danilo permettra d’éteindre définitivement l’incendie.

Durant ces deux mois et demi d’opération, 22 camions de pompiers, six porteurs d’eau, cinq hélicoptères et le Dash de la Sécurité Civile ont été mobilisés.

Au total, l’incendie aura couvert près de 200 hectares, principalement des zones de planèze constituées de flore arbustive indigène, fortement envahies par un phytoravageur, l’ajonc d’Europe. L’incendie a également eu un impact important sur le rempart surplombant Mafate, donc sur l’habitat du « lézard Bourbon », et sur une trentaine d’hectares de tamarins hauts.

Un dommage écologique heureusement limité, puisque les zones sensibles du Grand et du Petit Bénare auraient pu être épargnées grâce aux lignes de défense prioritaires mises en place par les pompiers.

> En dix ans, trois incendies majeurs au Maïdo

Entre 2010 et 2020, la forêt du Piton Maïdo, qui fait partie du parc national de la Réunion et classée au patrimoine mondial, a été touchée par plusieurs incendies de grande ampleur. Le 25 octobre 2010, un incendie se déclare sur le site qui vient de recevoir son classement à l’UNESCO. En 12 jours, 780 hectares de végétation ont été détruits, et une extinction totale prendra encore plusieurs semaines.

Un premier avertissement car, un an plus tard, un nouvel incendie se déclare dans la même zone. Cette fois, 2 800 hectares de forêt ont été détruits malgré l’intervention, pendant près de trois mois, des 600 pompiers mobilisés, dont de nombreux renforts venus de France. Des incendies dévastateurs qui seront attribués à un pompier de métier, le caporal-chef Patrice Nirlo, condamné par la cour d’assises en 2016 à douze ans de prison pour ces feux de forêts criminels. Mais ces catastrophes dévastatrices auront au moins eu le mérite de réorganiser complètement la gestion des feux de forêt à La Réunion, avec, désormais, le Dash 8 prépositionné sur l’île pendant la saison sèche, et des moyens et compétences améliorés au niveau local. Cela aura probablement permis de limiter à 200 hectares les dégâts du troisième incendie majeur de la décennie, celui provoqué accidentellement par ce camping-car en novembre 2020.


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