Origin Cinema a également été victime des dérives de ces derniers mois ; Malgré tout, vous avez décidé de rouvrir les portes du complexe le 6 novembre prochain. Racontez-nous…
Séverine Lathuillière : Nous avons été très impactés, le complexe a été entièrement pillé, il y a eu beaucoup de dégâts… Nous avons été très dévastés comme tous les Calédoniens. Mais il était fondamental pour nous de sauver les postes de nos salariés et de préserver la synergie que nous avions avec cette équipe de 30 personnes. La réouverture n’aurait pas été possible sans l’énergie colossale que nous avons déployée en juin, juillet, août, jour et nuit, pour relever la tête. Il reste encore quelques traces qu’on a décidé de laisser (elle montre une affiche de film encadrée avec un verre craquelé) en se disant qu’il ne fallait pas tout oublier. Ce lieu s’adresse à la population, pour la soutenir et l’accompagner dans ses changements et dans ses envies, dans ses combats aussi.
Il a toujours été essentiel pour vous d’être au cœur de Koutio ; Pour quoi ?
Dès le départ, l’idée était d’avoir un lieu qui ne soit pas seulement un cinéma mais un lieu de rencontre, de partage, de débat, d’écoute pour les jeunes et pour cette ville nouvelle. Dès notre arrivée ici, nous avons su que la population environnante était une population qui avait besoin de respect et d’écoute, d’où l’envie de faire un endroit beau. Les milieux défavorisés ou les classes sociales moins favorisées ont le droit d’accéder à la beauté et à l’art.
Vous parlez des différentes actions que vous menez au sein d’Origin Cinéma… Vous avez beaucoup travaillé auprès des jeunes, je pense notamment au hip-hop…
Pendant trois ans, nous avons accompagné les danseurs, nous les avons accueillis, nous avons organisé des événements avec eux, que ce soit des battles, le festival hip-hop, ou encore la proposition d’occuper les lieux gratuitement. Nous avons toujours été à l’écoute de ce qu’ils voulaient construire et comment construire des ponts entre l’Occident et les peuples autochtones, comment l’art peut s’approprier tout cela et faire le lien entre les deux.
Photo Marc Le Chelard / L Calédonie
Et les écoliers n’ont pas été oubliés….
Oui, il y a toujours eu une grande dimension avec les écoles. Nous avons plus de 10 000 élèves par an, de la maternelle au lycée, qui viennent voir des films dans le cadre des programmes scolaires mis en place par le Centre National du Cinéma. Ils ont accès à une programmation de trois films par an qui ne sont évidemment pas des blockbusters, qui appartiennent à des catalogues dédiés, et qui leur permettent d’avoir une éducation à l’image avec des échanges et des débats avec une volonté de construire avec cette jeunesse une réflexion sur la vie. , le monde, la société. Il nous semble que l’art et la beauté sont toujours des pistes de réflexion pour regarder ce qui se passe ailleurs, le mettre en perspective avec ce que « je » vis, moi, dans mon monde et voir que je ne suis pas le seul à vivre. et souffrir. Et comment puis-je surmonter cela et être résilient face à tout cela ? Nous avons aussi des divertissements, évidemment, mais des divertissements qui peuvent aussi se faire en version originale. La version originale est le premier moment où l’on commence à accéder au langage de l’autre par la parole. Même si vous ne le comprenez pas, vous avez sa musique, vous avez sa forme, sa rondeur, ses vibrations. La VO, c’est aussi une rencontre avec un langage extérieur, une première approche d’un monde différent et l’opportunité d’entendre comment ce monde différent résonne en soi.
Ce ne sont pas des films que la plupart des enfants ont l’habitude de voir ; Avez-vous vraiment l’impression que ces films les touchent ?
C’est indéniable. On voit vite la capacité des enfants à étudier un film avec les éléments de compréhension et de langage que nous leur avons donnés. Très vite, ils comprennent comment fonctionne le film et ce qu’il dit, pourquoi le fond et la forme sont liés et comment on fait passer un message à travers une narration et une image.
Les femmes et la nature occupent également une place importante dans votre système.
Oui, absolument. Mon point de vue en tant que femme est que l’état du monde aujourd’hui et l’état de la société sont largement liés au patriarcat et sont le résultat de centaines d’années de patriarcat. Comme nous le voyons, nous le supportons, que ce soit à cause de la manière dont les femmes accouchent. aujourd’hui, les pieds dans les étriers, à la façon dont le patriarcat et le capitalisme ont fondé ensemble une société organisée d’une certaine manière avec la méritocratie, le pouvoir et l’usage des forces actives. Donc, je ne vais pas révolutionner le monde avec ce lieu, mais en tout cas, pour moi, tout ça est aussi lié à l’écoféminisme, il y a un vrai lien entre tout ça, le respect de la nature et le respect de la femme. . Nous sommes évidemment dans un lieu que nous offre la nature et mon point de vue a toujours été que nous sommes les gardiens de cette nature qui ne nous appartient pas, nous sommes là pour l’accompagner. Nous faisons tous partie de la vie. A partir du moment où nous respectons la nature, la nature humaine et le vivant dans son ensemble, nous respectons aussi les femmes. Et à partir du moment où on met en place des synergies pour que tout cela soit écouté et regardé avec bienveillance, on ne peut plus être un guerrier. Nous pouvons nous défendre de plusieurs manières, mais l’important est de protéger cette nature et de protéger ceux qui la défendent.
Photo L Calédonie
-Concrètement, comment cela se manifeste-t-il chez Origin Cinema ?
Nous organisons deux festivals par an, la Semaine Bleue et la Semaine Verte, durant lesquels nous proposons des films aux thématiques importantes concernant la préservation de la planète, de l’eau, de la terre, de la biodiversité, accompagnés de débats. L’idée est aussi de trouver une cohérence dans toutes nos actions. Cela implique de faire attention à ce que vous mangez, car si vous avez un corps sain, vous avez un esprit sain. Nous avons donc fait un choix, décidant parfois de gagner moins d’argent et d’avoir des marges plus faibles. Le popcorn par exemple, qui constitue la principale source de nourriture au cinéma, en pèse 12 tonnes par an ! Nous avons donc choisi du popcorn issu de l’agriculture biologique. Nous y réfléchissons, c’est-à-dire à la fois proposer des travaux qui viendront appuyer ces démarches et qui expliqueront pourquoi les aliments doivent être conservés, comment on procède pour les conserver et quel est leur impact dans notre corps, et comment le lien entre corps et une décision sera prise… Évidemment, l’idée n’est pas d’être extrémiste et c’est un mot important aujourd’hui. Nous savons où les extrêmes nous mènent dans le monde…
Et pour revenir aux femmes…
Travailler sur les violences était fondamental pour nous, également parce que nous sommes le territoire français qui connaît le plus de violences envers les femmes et de violences intrafamiliales. C’est donc un vrai sujet. Mais comment aborder ce sujet ? Comment construire un cercle de discussion ? Comment utiliser un film pour parler de l’inceste, par exemple ? Mettons le sujet sur la table, et à partir de là, regardons-le en vrai… Alors, on choisit un film sur un thème puis on discute avec des intervenants invités. Et peu importe si nous ne parlons pas. Nous sommes là, nous avons participé à un échange, il y a des choses qui se passent dans l’invisible aussi et qui vont s’incarner d’une manière ou d’une autre, dans une pensée qui va évoluer.
Avez-vous de nouveaux projets pour 2025 ?
Au niveau de notre équipe, nous travaillons sur une nouvelle réflexion sur la synergie interne puisque nous avons une équipe très très jeune et nous souhaitons qu’elle monte en puissance. L’idée est de former et de transmettre. La transmission est vraiment fondamentale pour nous. Sinon, en 2024, on avait des projets autour du hip-hop qui ne pouvaient pas se faire. On va reconstruire, ce n’est peut-être pas tout à fait pareil, mais on va voir ce qu’on remonte. Mais nous en reparlerons car nous avons une réflexion qui était déjà prévue sur un thème global qui peut parler à tout le monde et qui peut se déployer de plusieurs manières possibles. Il est encore difficile de planifier à l’avance, mais il faut le faire. Il faut avancer.
Photo L Calédonie / Marc Le Chélard
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