2024 reflète l’ambiance de la planète en musique. Spleen et introspection face à l’apocalypse des armes, et des œuvres magistrales marquant une tendance à affiner l’œuvre comme si la fin était proche.
On ne peut pas nous accuser d’hermétisme. Le choix est large et les genres musicaux couvrent un large spectre. La parité, sans être voulue, est également là. Quatre femmes au pouvoir d’évocation captivant, aux styles bien définis. Notre choc de fin d’année restera la sépulcrale Michelle Gurevitch, d’ascendance slave au ton de jais et aux mélodies baroques avec le magnifique « It Was the Moment », suivi dans le même esprit quoique plus raffiné sur le plan instrumental, par l’album « Lives Outgrown » de Beth Gibbons, ex Portishead, qui donne du folk symphonique sans friser l’indigestion dans des matières trop grasses. Premier véritable album solo de Beth Gibbons, 16 ans après le dernier Portishead, la durée lui convient parfaitement.
Du Douro à la scène audoise
Non loin du Douro, la chanteuse de Fado Lina, que nous avons découverte lors de sa première tentative de collaboration avec le producteur catalan Raül Refree et qui a fait exploser les dogmes du Fado, revient avec « Fado Camoes », plus orthodoxe que son prédécesseur, évitant ainsi le défenestrations en cascade des caciques du style. Quatrième Miss Music 2024, franco-américaine et audoise d’adoption, Marina Anne Nolles et sa bande d’incorruptibles MAN & The Maniacs, poussent leur album « Fight the Culture » vers des bords psyché rock dans une effervescence d’électricité qui redonne une grande vigueur au Une scène musicale audoise, et une stature qui s’exporte sans problème.
The Cure, 16 ans après
Les quatre hommes de notre sélection visent également l’excellence. Le plus incroyable reste l’opus « Iechyd Da » de Bill Ryder-Jones, qui crée un monument de mélodies au romantisme fiévreux. Ailleurs, la collaboration toujours précise du guitariste Serge Teyssot-Gay ex-Noir Désir et du oudiste Khaled Aljaramani sur « Waslat » mêle les sonorités douces du oud à celles de la larme électrique de Teyssot-Gay et de leur duo Interzone. Plus au nord, le dernier Matt Elliott revisitant ses « Drinking Songs » en live, avec des versions allongées, l’impose comme le Sensei de ce folk sombre à la douce lueur des candélabres. Terminons avec les grands vétérans qui, 16 ans après leur dernier effort en demi-teinte, font même pleurer les retraités de l’UMP. The Cure bien sûr et son alchimiste Robert Smith ont joué pour gagner du temps et ont bien fait. « Songs of a Lost World » est dessiné au fusain. Un abîme sans fond où se perdre reste encore une expérience mélodique enivrante. Bonne année musicale, lecteurs mélomanes.