Dans cette émission, on voit le monstre sacré du cinéma français, en Corée du Nord en 2018, multiplier les propos misogynes et insultants envers les femmes et en prononcer d’autres à caractère sexuel lorsqu’une petite fille à cheval apparaît à l’image. « Si jamais il galope, elle apprécie », raconte-t-il notamment. La famille de l’acteur s’indigne de « monstrueuses manipulations ». Ces propos concernaient une cavalière d’une trentaine d’années en arrière-plan, soutiennent Gérard Depardieu et l’écrivain Yann Moix, qui l’accompagnait.
Quand Macron s’en mêle
La séquence, issue des enregistrements de la société Hikari pour le 70e anniversaire du pays, est choquante. Devenu l’artiste le plus clivant de France, l’acteur met sa carrière entre parenthèses. L’enjeu rebondit au sommet de l’Etat : le 20 décembre, Emmanuel Macron dénonce une « chasse à l’homme ». Le président raconte, sur la séquence du haras : “J’ai vu les images, j’ai entendu aussi qu’il y avait des polémiques sur les propos qui étaient en décalage avec les images”. […] Les gens devront en débattre.
France Télévisions utilise une procédure rare : le passage du reportage, réalisé et produit par Hikari, est « authentifié » par un huissier. Ainsi, “il n’y a aucun doute et aucune ambiguïté sur le fait que c’est bien la jeune fille à l’image qui est visée par les propos de Gérard Depardieu”, assure le groupe public.
Or, l’huissier a écrit que, sur la cassette, “à 2’26”, M. Depardieu dit “si jamais il galope, elle jouit””. De l’or dans Enquête plus approfondiel’image projetée sur ces mots est celle de la petite fille mais filmée auparavant, vers 1’13”. Ainsi, la défense de l’acteur affirme que « le constat établit le montage frauduleux ».
« Risque de violation du secret des sources »
En mars, Gérard Depardieu contre-attaque donc. Il a contacté le régulateur de l’audiovisuel et convoqué Hikari et France Télévisions en référé pour obtenir les enregistrements et une expertise. Le 30 mai, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné la communication des enregistrements correspondant strictement à la séquence d’élevage.
Mais Hikari fait appel, tandis que Reporters sans frontières s’inquiète d’un « risque de porter atteinte au secret des sources », « pierre angulaire de la liberté de la presse ».
Dans un arrêt du 18 octobre, la cour d’appel de Paris souligne qu’« il ne fait aucun doute que le signalement » de Enquête plus approfondie vient d’un « travail journalistique » qui « a participé à un débat d’intérêt général » en plein mouvement #MeToo. Toutefois, « la société Hikari ne démontre pas que les enregistrements de la séquence d’élevage, réalisés en 2018, dans des circonstances mal définies […] constituent un élément du travail journalistique.
Le tribunal a donc ordonné une expertise afin de déterminer « avec précision toutes les opérations de rassemblement qui ont eu lieu » et d’indiquer « dans la mesure du possible » à qui Gérard Depardieu s’adressait. L’expert doit « visionner en présence des parties » les enregistrements litigieux.
Et maintenant ?
Christian Ardan, l’expert, doit rendre son rapport avant le 30 avril. Mais France Télé et Hikari ont demandé sa récusation, au motif que ce producteur de films a des liens avec Gérard Depardieu et son entourage. Par ailleurs, Hikari s’est pourvu en cassation, refusant de fournir les rushes (enregistrements bruts) constituant, selon eux, du matériel journalistique. « C’est uniquement parce que nous ne voulons pas créer un précédent », explique une Source proche. Car, « à l’avenir, cela signifierait que toute personne accusée pourrait demander accès à tous nos rushs et informations ».
L’avocat de Gérard Depardieu, Jérémie Assous, a directement cité Hikari, notamment pour « montage illicite » et « abus de confiance », arguant que le tournage était celui d’une fiction. Il souligne également des “gros plans trompeurs” sur l’enfant, alors qu’elle “se situe loin” de l’acteur, “contrairement à ce que voulait croire la partie adverse”.
La “preuve” étant “établie”, le producteur et France Télé ” répondront devant le juge pénal et seront condamnés à réparer le préjudice considérable causé à Gérard Depardieu “, se défend M.e Assus. Une audience devant le tribunal correctionnel de Paris est fixée au 6 mai. Mais selon l’avocat d’Hikari, Christophe Bigot, cibler le montage est “un écran de fumée” : “c’est une manière d’empêcher de parler de l’image désastreuse de Depardieu dans le documentaire”. , et ça fait diversion.
Accusé d’agression sexuelle sur le tournage de Volets verts en 2021, l’acteur devait être jugé en octobre. Son procès a été reporté au mois de mars pour des raisons de santé. Là aussi, il nie vigoureusement. Parallèlement, en août, le parquet de Paris a demandé son renvoi devant le tribunal correctionnel pour viols et agressions sexuelles sur Charlotte Arnould.