PORTRAIT. Pour Éléonore Dujardin, « la Libération n’est pas qu’une histoire d’hommes »

PORTRAIT. Pour Éléonore Dujardin, « la Libération n’est pas qu’une histoire d’hommes »
PORTRAIT. Pour Éléonore Dujardin, « la Libération n’est pas qu’une histoire d’hommes »

l’essentiel
Première femme transgenre commissaire d’exposition, Éléonore Dujardin revisite au Castelet, avec des étudiants de l’EIMA, la Libération de Toulouse à travers le manga. Un événement sur le chemin de sa propre libération.

L’exposition « Août 1944, Libération de Toulouse en manga », réalisée par l’Ecole Internationale du Manga et de l’Animation pour Castelet, est unique à plus d’un titre. Premier événement à évoquer ce moment de notre histoire contemporaine en utilisant le vocabulaire des mangas et anime japonais, il se démarque aussi sur le fond, en privilégiant le point de vue des personnes « minoritaires ».

« Les femmes, les enfants et les Juifs sont généralement présentés comme des victimes, rarement comme des sujets d’histoire. Mais sans les femmes pour véhiculer les messages, la Résistance n’aurait pas pu agir. Il faut aussi rappeler que l’Armée juive, première cellule de résistance juive, est née à Toulouse. Le but de l’exposition est de transmettre une histoire commune autour de la Libération, qui n’est pas qu’une histoire d’hommes », explique Éléonore Dujardin.

Moment de triomphe mais moment difficile qui ne s’est pas produit sans morts dans les rues, la Libération de Toulouse résonne avec celle que vit actuellement le codirecteur de l’EIMA et commissaire de l’exposition. « La création de cet événement est liée à mon propre déploiement personnel. En février 2023, lors de la première rencontre avec David Madec, conservateur des monuments de Toulouse, pour discuter du projet, j’étais encore habillé en garçon. II est sorti en mai, dans un email envoyé à 900 personnes, terrifiées à l’idée de ne plus pouvoir travailler et de perdre des partenaires. La bonne volonté de la majorité n’a pas effacé les attaques, humiliations et insultes qui ont suivi dans la rue, ni le « dégoût » vu dans les yeux de ceux pour qui cela reste « une chose étrange ». Malgré des étapes difficiles, la transition de genre d’Éléonore Dujardin reste « magnifique » et pour elle le seul « antidote » capable de panser les blessures d’une enfance d’une rare violence.

De Toulouse aux Etats-Unis

« Je suis née de la rencontre improbable entre une jeune femme issue d’un milieu juif modeste et un catholique de Versailles qui se sont séparés le jour de ma naissance. J’ai vécu une horreur indescriptible au cours de mes dix premières années. Dès que je faisais quelque chose qui n’était pas correctement genré, j’étais victime de violence, physique à la maison et sociale à l’école.

« Sauvée » par les livres et par sa grand-mère paternelle, « une femme du monde au cœur ouvert », la première à l’avoir vue comme une personne, passionnée comme elle par l’art et la littérature, Éléonore Dujardin continue sa vie mouvementée à travers l’internat. école au lycée Raymond Naves de Toulouse, la faculté de psychologie puis le programme TBS Grande école.

Une fois mariée, elle s’envole pour les États-Unis où elle rencontre la célèbre danseuse Anna Halprin, dont elle devient l’élève, l’assistante, la traductrice et l’amie. Elle apprend ensuite à jouer de la flûte zen, séparée de son mari, s’occupe d’un cimetière naturel pendant neuf mois dans l’État de Washington et, au début de l’épidémie de Covid, se retrouve coincée au Mexique où elle renoue avec le judaïsme. De retour à Toulouse, Éléonore Dujardin rencontre Claire Pélier, le fondateur de l’EIMA avec qui elle mène Aujourd’hui école de manga. Son la décision de changer de sexe intervient en décembre 2022.

En quelques dates :

– 2010 : Diplômé du TBS

– 2013 : L’année de son mariage

– 2015 : Sa rencontre avec la danseuse Anna Halprin

– Été 2020 : Sa rencontre avec Claire Pélier, fondatrice de l’EIMA

– Mai 2023 : Son coming out officiel

« Le malaise devenait de plus en plus fort mais je ne parvenais pas à m’identifier comme femme trans. Lors d’une retraite spirituelle, les souvenirs reviennent, la répression explose. Je n’avais plus le choix. Je me suis dit : c’est ce que tu es, maintenant c’est toi qui commande. Dans une période « brûlante d’antisémitisme et de transphobie », Éléonore Dujardin accepte désormais le titre de première femme juive ouvertement trans et commissaire d’exposition. « Mais c’est effrayant de penser que je suis le premier. Où sont les autres?”

P.ratique : exposition « Août 1944, Libération de Toulouse en manga », du 11 juillet au 5 janvier au Castelet, 18 bis grande rue Saint-Michel. Métro ligne B, station Saint-Michel-Marcel Langer. Ouvert du mercredi au dimanche de 11h à 18h. Entrée gratuite.
 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV “C’était trop bien !”… Candice (Star Academy) parle de son passage dans la série – News Series on TV
NEXT Thomas Dutronc partage l’hommage « assez drôle » de Dunkerque à sa mère