Pour la contralto Marie-Nicole Lemieux, qui s’est produite dans les plus grandes salles de concert du monde, la pression est toujours à son comble lorsqu’elle monte sur scène chez elle, au Québec.
Rentrer à la maison, pour moi, c’est comme si je me sentais encore plus redevable
elle explique. Parce que je suis vraiment un produit purement québécois. […] Quand je reviens ici, je suis content, mais j’ai tellement peur de décevoir !
Les yeux qui me regardent sont des yeux que je reverrai
indique le chanteur. Quand je chante à Vienne, je suis un peu plus libre.
La chanteuse, lauréate du Concours Reine Elisabeth de Belgique en 2000, a grande peur de décevoir, quels que soient la reconnaissance et les compliments qu’elle reçoit. Ma nature est que je me remets tout le temps en question
souligne-t-elle.
Elle ne lit plus les critiques à son sujet : De toute façon, je suis mon pire critique
elle dit.
Marie-Nicole Lemieux profite de cette forte exigence envers elle-même pour se pousser à toujours être meilleure et faire de son mieux. Mon moteur est d’être à la hauteur de mes attentes
elle dit.
J’ai ce don de transmettre des émotions, mais sachant ça, cela m’entraîne des responsabilités.
Ses parents lui ont transmis son côté travailleur. J’aime quand je sais que je suis bien préparé, quand je sais que j’ai bien fait mon travail
explique l’artiste.
C’est ce qui l’a poussée, par exemple, à recourir aux services d’un mentor pour avoir une diction parfaite en italien lorsqu’elle interprétait Mme Quickly dans l’opéra de Verdi. Elle maîtrise également le chant en allemand et en russe.
L’attrait de l’opéra
Le père de Marie-Nicole Lemieux adorait les voix de ténor, ce qui a éveillé l’intérêt de sa fille pour l’opéra dès son plus jeune âge.
Lorsqu’elle entre au Cégep de Saint-Félicien, elle abandonne dans un premier temps toute forme de musique pour se concentrer sur son programme de sciences pures. Elle s’est vite rendu compte que ce n’était pas la bonne voie pour elle.
Au bout de six mois j’étouffais
elle dit.
C’était comme si je ne respirais plus. Il me manquait quelque chose. J’ai eu un vide.
La chanteuse s’inscrit ensuite au Cégeps en spectacle, où elle fait des imitations. Elle incarnait entre autres Ginette Reno, Céline Dion, Vanessa Paradis et Diane Dufresne.
Cependant, c’est son amour pour le chant classique qui était le plus fort. Je n’aimais pas ma voix pop
elle explique. Le son que je fais en chantant de la musique populaire, je ne l’aime pas.
Le contralto s’inquiète également du manque d’exposition à la musique classique, surtout dans les régions plus éloignées de Montréal.
J’ai peur pour les prochaines années
indique-t-elle. Nous avons une sorte d’épanouissement des talents, [mais] Je pense que ce n’est pas assez diffusé.
Chanter pour les bonnes raisons
Son premier professeur de chant au Conservatoire de musique du Saguenay, Rosaire Simard, fut fabuleux
elle dit.
J’étais une personne très gênée et très têtue
elle dit. Il m’a aidé à chanter pour les bonnes raisons.
Selon elle, il ne faut pas chanter pour être aimé mais pour faire ressentir des choses à son public.
Quand on est sur scène, il faut donner, il faut apprendre à aimer transmettre des émotions et trouver cela réconfortant.
Une vie de sacrifice
Marie-Nicole Lemieux parle des nombreuses difficultés inhérentes à son métier. Il y a des moments où je suis tellement fatiguée !
elle admet.
Elle explique qu’elle voyage seule et qu’elle n’a pas d’assurance-emploi. Si elle se blesse ou tombe malade avant le spectacle, elle ne sera pas payée, malgré toutes les heures de répétition.
Ça mine vraiment le moral
souligne-t-elle.
C’est une vie de privation, de sacrifice, de solitude et de questionnement.
Elle compare également son mode de vie à celui des sportifs. Je me surveille toujours
, elle dit. Par exemple, elle doit contrôler son alimentation et elle ne peut pas boire d’alcool car cela a un effet sur sa voix.
Malgré ses efforts et son désir d’être impeccable, Marie-Nicole Lemieux a déjà raté une note lors d’un concert à Paris. Ce n’était pas la fin du monde, ça arrive à tout le monde
elle rationalise aujourd’hui.
À l’époque, elle ne pouvait s’empêcher de s’adresser au public. J’ai réagi comme une petite fille
elle dit. : « Je voulais tellement que ce soit bien, je voulais tellement que ce soit parfait, je m’excuse ! […] Je ne sais pas comment va se dérouler la suite du concert, mais ça va être plein d’amour. » », « texte » : « Je leur ai dit : « Je voulais tellement être bien, j’aurais voulu être tellement parfait, je m’en excuse ! […] Je ne sais pas comment va se dérouler le reste du concert, mais ce sera avec beaucoup d’amour. » »}} »>Je leur ai dit : « Je voulais vraiment être bien, je voulais être parfait, je suis désolé ! […] Je ne sais pas comment se déroulera le reste du concert, mais ce sera avec beaucoup d’amour.
Marie-Nicole Lemieux sur scène à Paris avec l’Orchestre Symphonique de Montréal, le 19 mars 2019 (Photo d’archive)
Photo : Jean-Marc Abela
La musique, un réconfort
Même si Marie-Nicole Lemieux reste très humble quant à son talent, elle avoue que sa musicalité particulière s’est imposée à elle dès son plus jeune âge. [J’ai] un cachet reconnaissable
acquiesce le chanteur. : « Vous avez une voix signature. » », « texte » : « Les producteurs de disques m’ont dit : « Vous avez une voix signature. » »}} »>Des producteurs de disques m’ont dit : « Tu as une voix distinctive. »
Lorsqu’on lui demande quel répertoire musical elle préfère, la contralto répond qu’elle aime les musiques qui font réfléchir et qui réconfortent. Je suis la lumière qui va vers l’obscurité. J’ai un extérieur très ensoleillé, mais à l’intérieur je suis très sombre, très mélancolique et très anxieux
confie-t-elle.
Pour moi, la musique a toujours été un réconfort.
Je rêve de faire un projet où je chante à la maison
Marie-Nicole Lemieux vient d’enregistrer Le chant de la terre de Mahler avec des instruments d’époque. On a vraiment le son que Mahler aurait voulu donner à l’orchestre et c’est fascinant
elle explique.
Parmi ses projets, elle espère un jour enregistrer un album hommage aux chansons québécoises. Je rêve de faire un projet où je chante à la maison.
Je viens de tout ce qui est Gilles Vigneault, Félix Leclerc, Pauline Julien, Jean-Pierre Ferland, Richard Desjardins
elle énumère. Je veux le faire un jour pour rendre hommage à ce qui m’a formé, à ma musique.