Alex Perron | Bienvenue à Traditionville

Alex Perron | Bienvenue à Traditionville
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En résumé très simple, c’est un barbu, qui n’a visiblement pas encore trouvé la femme parfaite pour lui. labeur la mâchoire et un autre gars, pas barbu, qui nous expliquent la place que doivent occuper les femmes dans la société, mais surtout dans l’environnement de leur homme (lire ici : mari).

Je suis immédiatement tombée sous le charme poussiéreux de ces deux messieurs, de 1954 ! Mais je me sentais triste car ils ne s’adressent qu’aux couples traditionnels, homme et femme. J’aurais aimé qu’ils pensent à moi, un gay pauvre qui a lui aussi besoin d’être guidé vers un retour aux sources du bonheur conjugal. J’imagine facilement qu’ils préféreraient me guider vers les portes de l’enfer et de la dépravation, mais quand même, j’aimerais aussi vivre à Traditionville !

Mon futur mari serait un ouvrier du bâtiment assidu qui porterait le costume traditionnel de chanteur du YMCA !

Naturellement, dès que notre relation serait devenue sérieuse, j’aurais immédiatement arrêté ma formation de sténodactylographe. Plus besoin de devenir secrétaire de direction ! Je sais, je visais haut. Probablement beaucoup trop haut pour mon cerveau de gerboise.

Je le vois demander ma main à genoux devant mon père. Dès qu’il m’avait proposé à Anatole (c’est le nom de mon futur mari), mon homme se serait levé pour m’enfiler une bague de fiançailles que je n’avais pas choisie et qu’il avait forgée lui-même, comme Thor.

C’est avec les yeux pleins de beaux souvenirs de notre lune de miel à Niagara Falls que j’aurais passé les portes de notre bungalow à Traditionville, dans ces bras forts d’un gars qui fend des 2×4 à mains nues. Des bras musclés qui me protégeront toujours d’une attaque sournoise d’un écureuil venant visiter nos poubelles de banlieue. Ce sont mes cris aigus de terreur qui l’auraient alerté. Il aurait immédiatement arrêté de lire « La Gazette » pour me venir en aide.

Chaque jour, je voyais ma fierté grandir à mesure que je maîtrisais TOUTES les recettes de la bible culinaire de Jéhane Benoît. Le rôti de paleron n’aurait plus de secret pour moi ! Oh non ! Ne sèche jamais ! Et qu’en est-il de mon daiquiri aux fraises fraîchement infusé dans mon mixeur tout neuf j’attends mon homme à son retour du chantier. Je le vois siroter son cocktail, confortablement installé dans son fauteuil rembourré du salon, pendant que je défais ces bottes de travail recouvertes de sciure pour libérer ses pieds d’ouvrier ! J’adore la saleté ! Cela me donne l’opportunité d’utiliser ma grande nouvelle balayeuse Electrolux !

Plus besoin de choisir ma propre pornographie ! Mon mari sélectionnait soigneusement les clips qu’il aimait et nous les regardions ensemble.

Sans même avoir besoin de discuter, je comprendrais ce qu’il aimerait que je lui fasse ! Le soir, dans notre chambre conjugale, j’attendais avec impatience dans mon demi-lit qu’il me fasse signe de le rejoindre dans le sien. Je prendrais grand soin de le faire jouir dans les règles de l’art. Même si parfois j’aurais un peu amusant Aussi ! Mais c’est facultatif !

Naturellement, je ne pourrais plus vous écrire dans un média comme je le fais actuellement. Mais on s’en fiche ! À quoi ça sert ? RIEN ! Peut-être que si mon mari était extrêmement ouvert d’esprit et attentionné, il me laisserait écrire un petit encadré dans le journal local Traditionville une fois par mois. J’essaierais, tant bien que mal, dans toutes mes limites intellectuelles, de parler d’un produit ménager que j’affectionne particulièrement. Bien sûr, mon mari aurait lu et approuvé le petit texte avant que je le présente au rédacteur en chef. Il va sans dire.

Nous aurions même une page Instagram commune à laquelle seul Anatole aurait accès ! Cela ne me dérange pas car je n’y comprends rien à la technologie ! On verrait des photos d’Anatole en Speedo pêchant, en Speedo chassant, en Speedo devant le barbecue, en Speedo tondant et en Speedo lavant sa voiture tout seul.! De temps en temps, je pouvais poster une photo de mon potager, mais sans que je sois sur la photo.

Bien que nous pratiquions plus que régulièrement et que le sperme de mon mari soit aussi fort, sinon plus fort, que celui d’un mâle alpha hétérosexuel, nous ne pouvons pas concevoir d’enfant. Mon mari et moi n’avons donc d’autre choix que de nous inscrire sur la longue liste de la crèche des Sœurs de Compostelle de Traditionville.

En attendant de pouvoir adopter un enfant conçu par un pécheur de Sodome, nous sommes allés chercher un joli chien à la fourrière. Un beau berger allemand que l’on appelait « Docteur Mailloux » car Anatole était un grand ventilateur du médecin ! J’aurais préféré un caniche, mais mon mari dit que ça ressemble à un tabarnak ! Evidemment, un berger allemand me fait un peu peur, mais je m’y habitue ! Et comme dit Anatole : Va l’emmener faire un tour l’après-midi, ça t’évitera de te retrouver avec un gros cul ! Il est tellement drôle. Je l’aime !

Je sais que je rêve en ce moment, mais j’espère vraiment avoir la chance de voir Traditionville de mes propres yeux ! Bien sûr cette semaine, comme le veut la tradition, celui qui se marie prend son nom, alors je signe mon papier avec mon nouveau nom…

M. Anatole Babin.

PS : Ce texte a été lu et approuvé par mon mari.

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Note de l’éditeur : ce contenu est un article d’opinion qui aurait dû être inclus dans notre Section Chroniques. Pour plus d’informations, consultez les normes éditoriales de Noovo Info.

 
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