Henri-Paul Rousseau en est convaincu. La meilleure approche face à un Donald Trump bagarreur est de lui montrer que le Canada est son meilleur allié pour devenir plus indépendant de la Chine et plus prospère.
Publié hier à 7h30
L’ancien PDG de la Caisse de dépôt et placement a longtemps enseigné l’économie, à Québec et à Paris. Il entretient de nombreux contacts dans les milieux économiques et financiers. Il occupe aujourd’hui le poste de délégué général du Québec à Paris.
«Ce que j’entends de la part de mes connaissances à New York, à Washington et ailleurs, compte tenu de la personnalité combative de Donald Trump, c’est que plus nous aurons une approche de partenariat à long terme, plus nous serons entendus. »
En d’autres termes, adoptez votre slogan MAGA, mais ajoutez le mot Nord faire Rendre sa grandeur à l’Amérique du Nordfait valoir M. Rousseau.
Certes, les mesures de rétorsion doivent faire partie de l’arsenal canadien, convient M. Rousseau, mais le Canada aurait davantage intérêt à vanter les atouts qu’il apporte aux États-Unis pour alimenter sa croissance, que ce soit en termes de ressources naturelles, ou financières, technologiques. ou des ressources humaines.
“M. L’objectif ultime de Trump est de rendre les États-Unis moins dépendants de la Chine. Nous devons démontrer que nous pouvons l’aider à le faire encore plus rapidement en travaillant ensemble», a déclaré M. Rousseau, qui n’a pas commenté la suggestion de Laurent Ferreira, PDG de la Banque Nationale, de créer un Loi Acheter au Canada.
M. Rousseau donne l’exemple de l’aluminium et de l’acier. Depuis l’accord de 2019 avec les États-Unis, le Canada s’est doté d’un système de traçabilité sophistiqué, qui lui permet de démontrer qu’aucun de ces métaux en provenance de Chine ne transite par le Canada.
Selon Henri-Paul Rousseau, le mur tarifaire envisagé par Donald Trump vise principalement à ramener des capitaux aux États-Unis pour y stimuler la croissance. C’était au cœur du discours de Trump à Davos, en Suisse : « Venez fabriquer aux États-Unis, sinon vous paierez des droits de douane », a-t-il déclaré à l’auditoire.
A ces menaces tarifaires, Donald Trump conjugue une vague de déréglementation à venir aux Etats-Unis, que ce soit dans l’environnement, dans le travail, dans l’énergie ou dans la protection des consommateurs, dont l’objectif est de rendre plus attractifs les investissements.
En fait, certaines organisations ont déjà promis d’injecter des milliards aux États-Unis. Jeudi 23 janvier, le prince Mohammed ben Salmane d’Arabie Saoudite a annoncé l’intention de son royaume pétrolier d’investir 600 milliards d’ici 4 ans aux Etats-Unis.
Mi-décembre, c’était le cas de l’institution japonaise SoftBank (100 milliards en 4 ans, notamment dans l’intelligence artificielle).
«Nous devons rapidement ramener le débat au cœur de l’objectif global de Trump. Si on négocie point par point et industrie par industrie, ce ne sera pas forcément à notre avantage», estime M. Rousseau.
Critique sévère de l’analyse de Miran
Par ailleurs, plusieurs économistes ont sévèrement critiqué l’analyse de Stephen Miran, dont j’ai parlé dans ma chronique de vendredi.1.
Celui qui est devenu le principal conseiller économique de Trump a publié en novembre un texte démontrant les avantages de droits de douane élevés et d’une dévaluation du dollar américain.
Dans le quotidien parisien Le Mondele 23 janvier, deux des économistes cités par Miran pour justifier son analyse se montrent cinglants : imposer des droits de douane élevés « est une très mauvaise idée ».
-Les professeurs Arnaud Costinot (du MIT) et Andrés Rodríguez-Clare (de Berkeley) estiment que des droits de douane élevés, par exemple 20 %, risquent d’augmenter la valeur du dollar américain et donc le prix des exportations, nuisant ainsi à la balance commerciale. .
Surtout, elles entraîneront nécessairement des mesures de rétorsion, notamment de la part du Canada, qui feront des perdants des deux côtés de la frontière.
Le taux optimal proposé dans leurs travaux (20 %) a servi d’outil pédagogique basé sur le modèle économique le plus simple possible, écrivent-ils, et non de suggestion de politique économique.
«Les tarifs douaniers ne sont pas l’outil puissant qui résoudra tous les problèmes, comme le croit la nouvelle administration Trump. Conserver la domination dans les secteurs de haute technologie, regagner une place dans les nouveaux secteurs verts et restaurer la prospérité dans les régions en difficulté sont des priorités clés», écrivent-ils, jugeant que les tarifs douaniers pourraient, au mieux, jouer un rôle auxiliaire.2.
D’autres économistes se sont empressés de lire certains des raccourcis de Miran. C’est le cas de Luc Vallée, qui a été successivement économiste en chef de la Caisse de dépôt, de la Banque Laurentienne puis de l’Institut économique de Montréal (IEDM).
«Absolument aucun des arguments ne tient la route», selon M. Vallée, également titulaire d’un doctorat en économie du MIT.
Le déficit du compte courant, explique-t-il, provient autant, sinon plus, de l’énorme déficit du gouvernement américain que de celui des consommateurs.
Les États-Unis peuvent réaliser des gains limités avec le Canada sans se nuire, estime Luc Vallée, notamment en ce qui concerne nos dépenses militaires, notre contribution à l’OTAN et la gestion de l’offre. pour les produits laitiers.
« Le coût d’une guerre tarifaire pour y parvenir dépasserait de loin les gains escomptés dans les deux pays. En fin de compte, les États-Unis mèneraient un combat difficile contre les Chinois sans le soutien de leurs alliés et à des coûts énormes», juge M. Vallée.
De son côté, l’économiste Jean-Pierre Aubry constate que M. Trump et ses disciples semblent vouloir créer beaucoup d’emplois. Or, « le taux de chômage est très faible (4 %) et nous nous préparons à renvoyer de nombreux travailleurs immigrés dans leur pays d’origine. Il y a là une énorme incohérence.
Espérons que les conseillers de Trump parviendront à assouplir sa position sur les droits de douane, comme le montre un article paru dans New York Times que ce soit compris3.
1. Lire la chronique « Droits de douane et économie : dans la tête de Donald Trump »
2. Lisez la colonne de Monde sur les tarifs proposés par Donald Trump (abonnement requis)
3. Consultez la newsletter New York Times sur la politique tarifaire de Donald Trump (en anglais)