Les jeunes préfèrent envoyer des SMS

«Je déteste le téléphone», avoue d’emblée Maxim Larouche, 23 ans.

Pour l’animateur de radio de Lévis, tout vaut mieux que de parler au téléphone. « J’adore recevoir et envoyer des e-mails, ou mieux encore, tout ce qui peut être résolu par un simple SMS. » Maxim dit même préférer recevoir un message vocal ou rencontrer son interlocuteur en personne plutôt que de parler au téléphone.

Maxim n’est pas un cas unique. La jeune génération évite les conversations téléphoniques, qu’elle juge imprévisibles, intrusives et pas assez directes. Pour certains, cela influence même leur choix de métier. Employeurs, soyez prévenus ! Pour comprendre pourquoi, La presse est entré en contact avec trois jeunes adultes touchés par ce phénomène – par SMS, bien sûr.

Nos conversations se sont déroulées, au choix des trois jeunes adultes, par messages vocaux, sur Équipes et par FaceTime.

PHOTO PASCAL RATTHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE

Jérémy Fillion, étudiant au baccalauréat en communications à l’Université Laval

Jérémy Fillion, 23 ans, avoue que le facteur « téléphone » ne l’a pas incité à conserver un ancien emploi. De son côté, Gabrielle Dufour, 24 ans, apprécie son travail d’infirmière auxiliaire car, entre autres, elle n’a jamais besoin d’utiliser son téléphone à moins de devoir écrire rapidement quelque chose.

Leurs raisons sont variées. Un SMS permet par exemple de répondre quand vous avez le temps, d’aller droit au but et de planifier votre intervention. Un appel vidéo, pour mieux comprendre les intentions de l’autre grâce à ses expressions faciales.

Mais, le téléphone… Tout le monde a immédiatement soulevé l’imprévisibilité de la chose. Un appel inattendu peut provoquer de l’anxiété, ou du moins un peu de stress, explique le Dconcernant Emmanuelle Bastille-Denis, psychologue spécialisée dans les troubles anxieux et les troubles du sommeil.

« Est-ce une mauvaise nouvelle ? » Bonnes nouvelles? Est-ce grave ? », demande Jérémy, étudiant au baccalauréat en communications à l’Université Laval. Selon une enquête réalisée en 2024 par Uswitch, un comparateur de prix anglais, plus d’un adulte sur deux âgé de 18 à 34 ans considère qu’un appel inattendu est une mauvaise nouvelle.

Le Dconcernant Bastille-Denis, qui réalise des capsules pédagogiques sur sa chaîne TikTok, a également publié une vidéo sur le sujet, qui cumule plus de 50 000 vues. Parmi les commentaires, certains internautes ont confié que leur métier ne serait pas le même s’il s’agissait de parler au téléphone – ce qui n’a pas surpris la psychologue. « De manière générale, les personnes anxieuses peuvent essayer d’éviter leur peur », ajoute-t-elle.

C’est le cas de Gabrielle Dufour, qui explique elle-même son mal-être par l’anxiété sociale. D’autres, comme Maxim Larouche, sont tout simplement gênés d’interagir au téléphone si les gens autour peuvent entendre. Ce qui ne l’empêche pas de partager sa vie au grand jour sur les réseaux sociaux.

PHOTO FOURNIE PAR EMMANUELLE BASTILLE-DENIS

Le Dconcernant Emmanuelle Bastille-Denis, psychologue spécialisée dans les troubles anxieux et les troubles du sommeil

Il y a des gens qui savent très bien connaître les codes d’une conversation, mais qui ont une forme d’anxiété de performance.

Le Dconcernant Emmanuelle Bastille-Denis, psychologue spécialisée dans les troubles anxieux et les troubles du sommeil

Différences générationnelles

La génération est un facteur, oui. Mais pas le seul, observez les professionnels des ressources humaines avec lesquels La presse ont pris la parole, dont Annie Boilard, présidente du cabinet spécialisé en ressources humaines Annie Réseau RH, qui confirme que les employeurs sont conscients de l’aversion des jeunes travailleurs pour le téléphone, même si un outil de travail considéré comme essentiel ne l’était pas il n’y a pas si longtemps.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE ARCHIVES

Annie Boilard, présidente du cabinet spécialisé en ressources humaines Annie Réseau RH

Parfois nous demandons [aux plus jeunes] pour entrer en contact avec les clients, il y a alors beaucoup de réticences. Ce n’est pas facile non plus de les faire appeler, même lorsque cela fait partie de leur tâche, de leur responsabilité.

Annie Boilard, présidente de la firme en ressources humaines Annie Réseau RH

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Les générations plus âgées ne comprennent souvent pas pourquoi un employé a envoyé un SMS ou un e-mail au lieu de composer un numéro, a-t-elle remarqué dans son cabinet.

PHOTO PASCAL RATTHÉ, COLLABORATION SPÉCIALE

Pour la jeune génération, envoyer un SMS est souvent considéré comme plus simple et moins intrusif qu’un appel téléphonique.

Imaginez le patron dont l’appel est ignoré par son salarié en télétravail, illustre Mmoi Boilard. « Il est censé travailler, pourquoi ne me répond-il pas ? », peut se demander l’employeur. Et le salarié, de son côté, pourrait lui envoyer un SMS, et se retrouver également confronté à une absence de réponse.

Mais est-il vraiment plus négatif d’emprunter la voie des SMS ? D’après les observations de M.moi Boilard, on pourrait même avoir une réponse plus rapide, car la personne à l’autre bout du fil pourrait aussi préférer ce contact : « C’est plutôt une évolution dans la façon de communiquer », conclut-elle.

Catherine Légaré, cofondatrice et présidente d’Élo, plateforme de mentorat professionnel, abonde dans le même sens. L’automne dernier, l’entrepreneur, qui possède également une formation en psychologie, a présenté une conférence sur la façon d’adapter sa gestion aux différentes générations. Le plus gros constat : le téléphone est intrusif, aux yeux de beaucoup.

Selon lui, il existe certes des différences générationnelles, mais il faut aussi prendre en compte les changements dans nos comportements au travail en général.

Sur ce point, Gabrielle Dufour est tout à fait d’accord : « C’est plus simple, un SMS, parce que je peux faire autre chose en même temps », constate la jeune femme. De son côté, Jérémy voit même l’avantage de réfléchir davantage à une réponse adéquate.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE ARCHIVES

Catherine Légaré, cofondatrice et présidente d’Élo, plateforme de mentorat professionnel

Il y a vraiment une volonté de gérer sa productivité, d’avoir le contrôle sur ses communications, de ne pas avoir de conversations froides.

Catherine Légaré, cofondatrice et présidente d’Élo, plateforme de mentorat professionnel

M.moi Légaré est également le fondateur d’Academos, une plateforme qui permet aux jeunes de découvrir le monde du travail grâce à des mentors.

La pression d’être connecté à tout moment

Conclusion : la génération Z fait son entrée sur le marché du travail… à l’heure où les moyens de communication ne cessent de se multiplier.

Depuis la pandémie, la population se sent plus obligée de répondre très rapidement à ses SMS, emails et appels téléphoniques alors qu’elle était cloîtrée chez elle, constate le Dconcernant Emmanuelle Bastille-Denis, quel que soit son âge. Cet événement a pu avoir pour effet d’exacerber la pression et l’anxiété ressenties par certaines personnes au travail.

La psychologue souligne cependant que les autres ne peuvent ressentir ce petit stress que dans leur vie personnelle : « Il y a parfois un cadre mieux défini [au travail]. J’appelle un client, ça va se passer comme ça. Il y a la notion de prévisibilité, moins d’incertitude », conclut-elle.

Apprendre encore plus

  • 19 %
    Proportion des adultes québécois âgés de 18 à 34 ans ayant éprouvé des symptômes d’anxiété entre 2020 et 2023. Il s’agit du groupe d’âge le plus touché.

    Observatoire de la santé et du bien-être au travail de l’Université de Montréal

    6 sur 10
    Proportion d’adultes de 18 à 34 ans qui préfèrent recevoir un SMS plutôt qu’un appel téléphonique en 2024

    Uswitch

 
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