«Nous avons deux pistes possibles: l’apocalypse ou l’innovation», affirme Alain Giguère, président du cabinet-conseil CROP, dans le cadre du 200e épisode de podcast Question d’intérêt animé par Gérald Fillion.
Expert en psychologie du consommateur et de ses impacts sur les marchés, Alain Giguère sonde la population québécoise sur divers sujets depuis des décennies.
À l’affirmation Le monde va vers la catastrophe, on ne dépassera pas 10 ou 20 années sans qu’aucun bouleversement majeur ne se produise, 54 % des Québécois étaient d’accord avec cela il y a 10 ans. C’est à 66%
s’inquiète Alain Giguère, citant une étude menée par son cabinet auprès de 3 976 répondants au printemps dernier.
Par ailleurs, 41 % de la population se sent exclue de ce qui se passe. C’était 30% il y a 10 ans. Ces personnes ont vu leur statut social et économique se dégrader ces dernières années. […] Leur vie a perdu une partie de son sens
note-t-il. Cette tendance alimente selon lui une forme de fatalité au sein d’une grande partie de la population.
C’est une tendance que la PDG de l’Institut du Québec, Emna Braham, observe également : Je comprends tout à fait cette perception, cette perte de contrôle, ces peurs. Mais en réalité, on se heurte rarement à un mur.
Pour l’économiste, les perspectives ne sont pas si sombres. Tout ira bien. Je sais qu’on va me lancer des tomates parce que nous sommes tous traumatisés par cette expression. Oui, il y a des perturbations, des crises arrivent, mais 2050 sera aussi faite de ce que nous décidons collectivement.
L’avenir n’est ni dystopique ni utopique. De manière générale, je dirais même que nous allons dans le sens du progrès. Nous pouvons également changer la trajectoire de cet avenir.
Entre optimisme et pessimisme, la futuriste et stratège Joëlle Vincent décrit une vision nuancée des transformations que subira la planète d’ici 25 ans. Il y aura des effondrements qui ne nous mèneront peut-être pas à l’apocalypse, mais plutôt à une très grande simplification de notre monde. […] La fin de l’abondance.
Associée au groupe de conseil en gestion Coboom, Joëlle Vincent prédit que le Québec et le Canada devront faire face à de véritables disruptions. Nous n’échapperons pas aux grandes tendances. La fin de la croissance du PIB et tout ce qui touche à la démondialisation est en train de se produire. Il va y avoir une descente énergétique, une descente matérielle, c’est sûr.
En 2050, nous ne vivrons plus dans l’abondance matérielle que nous connaissons aujourd’hui. C’est la seule certitude que je puisse vous offrir pour 2050.
La fin d’une ère économique ?
Après des décennies de croissance économique, sommes-nous sur le point de nous heurter à un mur ?
Il est certain qu’un déclin nous attend en termes économiques. Nous avons vécu un feu d’artifice en termes économiques pour l’humanité. On arrive à la fin d’un modèle. Nous devrons pleurer
fait valoir Joëlle Vincent, qui croit en l’émergence d’un nouveau modèle économique, créé de toutes pièces, qui s’éloignerait du capitalisme et du communisme.
Emna Braham s’attend aussi, inévitablement, à un ralentissement de la croissance économique similaire à celui de la croissance démographique.
Nous avons déjà un niveau de développement important et la croissance démographique va ralentir. […] Il s’agit d’une question de finances publiques, car nous avons des services que nous souhaitons offrir à des citoyens de plus en plus âgés. Nous avons besoin d’une croissance économique pour générer des revenus et fournir ces services.
Avec une population qui va continuer de vieillir, un défi majeur se pose : Comment garantir que les contribuables [en nombre] suffisamment pour générer des revenus pour les soins de santé et les soins de longue durée pour les personnes âgées ?
Selon Emna Braham, au lieu d’augmenter perpétuellement la quantité de services offerts à la population, les gouvernements seront appelés à concentrer davantage de ressources pour améliorer leur qualité. Nous produirons peut-être davantage de biens et de services qui correspondent à nos besoins, qui seront davantage alignés sur les limites planétaires.
dit-elle.
Ce modèle sera-t-il celui du déclin ? Devons-nous abandonner les objectifs de croissance du PIB et de la productivité ?
Non
estime Emma Braham. Le taux de croissance sera plus faible. Déclin économique, je pense que c’est un concept qui peut être attractif en termes environnementaux, mais personne n’est prêt à perdre sa qualité de vie. Et c’est ce que signifie la décroissance.
De gauche à droite : Alain Giguère de CROP, l’animateur Gérald Fillion, PDG de l’Institut du Québec Emna Braham et Joëlle Vincent, futuriste, stratège et associée chez Coboom.
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-Vers un retournement démographique ?
La population du Québec devrait franchir la barre des 10 millions d’habitants en 2050. Comme on l’observe depuis le début du siècle, la part de la population âgée de 65 ans et plus continuera de croître au cours des prochaines années. années, passant de 21% en 2023 à 25% en 2050.
Aujourd’hui, nous observons le départ à la retraite de la cohorte des baby-boomers. Vieillir, on le ressent vraiment sur le marché du travail [avec] pénurie de main d’œuvre, pénurie de main d’œuvre, difficulté à recruter… Il y a plus de départs à la retraite que de jeunes entrant sur le marché du travail
explique le PDG de l’Institut du Québec.
Ce phénomène devrait s’inverser au cours des 25 prochaines années. Il y aura à peu près autant de jeunes qui entreront sur le marché du travail que de jeunes qui en sortiront.
prédit Emna Braham.
Pour elle, il faut s’attendre à ce que la démographie du Québec soit grandement influencée par les politiques d’immigration que les futurs gouvernements adopteront. L’immigration est actuellement le seul moteur de croissance de la population québécoise. Et cela continuera à être le cas.
Selon Alain Giguère, il faut s’attendre à ce que des facteurs tels que la crise climatique et les conflits armés poussent une partie importante de la population mondiale à se déplacer dans les décennies à venir. Sur la planète, jusqu’à 1,2 milliard (Nouvelle fenêtre) les gens pourraient devoir se déplacer en raison des effets du changement climatique d’ici 2050.
Par quels moyens les gouvernements parviendront-ils à contrôler un flux migratoire qui devrait être de plus en plus important ? C’est la question que se pose Alain Giguère. Il va y avoir un flux migratoire international vers des pays comme le nôtre et il va y avoir de terribles batailles politiques. Actuellement, la plupart des élections dans le monde sont dirigées par les immigrants.
Le passé sera-t-il garant de l’avenir ? La manière dont les gouvernements géraient auparavant les politiques d’accueil des immigrants sera-t-elle la même dans 25 ans ? La prospectiviste Joëlle Vincent en doute.
Nous ne devons plus nous baser sur ce que nous avons connu dans le passé pour créer nos scénarios d’avenir. Il est vrai que dans le passé, l’immigration était due à nos politiques d’accueil. À l’avenir, cela sera très probablement dû à des éléments indépendants de notre volonté.
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Des mains artificielles tapent sur un clavier d’ordinateur.
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Intelligence artificielle : serons-nous dominants ou dominés ?
Pour Joëlle Vincent, l’impact qu’aura l’intelligence artificielle (IA) sur la trajectoire de nos sociétés reste encore nébuleux. Dans les 10 prochaines années, l’IA progressera certainement. Ensuite, il y aura des transformations majeures sur le marché du travail, c’est certain. Jusqu’où ira-t-il ? C’est une jolie boîte surprise.
Au Canada, l’impact du développement de l’IA sur le marché du travail sera très important. Au Québec seulement, 810 000 personnes, soit environ 18 % de la population active de la province, occupent des emplois vulnérables aux progrès de l’IA, selon une étude de l’Institut du Québec.
On surestime souvent l’impact immédiat de cette technologie sur nos métiers et sous-estime les changements bien plus profonds qui vont s’opérer dans nos modèles économiques, dans nos façons de faire et qui transformeront progressivement nos métiers.
analyser Emna Braham.
Plusieurs préoccupations viennent à l’esprit d’Alain Giguère lorsqu’il est question d’IA. Je pense que nous devrions essayer de le réglementer. En sommes-nous capables ? Je pense que l’innovation va plus vite que la réaction de nos institutions. La première chose qui me vient à l’esprit, [c’est] comment allons-nous différencier le vrai du faux ?
L’incapacité de faire la différence entre la vérité et la fiction est également l’une des principales perturbations auxquelles le Canada pourrait devoir se préparer au cours des prochaines décennies, selon l’organisation fédérale de prospective stratégique Horizons de politiques Canada.
Attendez-vous à l’inattendu
D’emblée lors de l’entretien, les experts ont tenu à rappeler la difficulté de se projeter dans le futur dans un monde aussi incertain et volatile. La prévisibilité n’existe plus, il faut donc s’orienter vers la prospective. Il s’agit de scénarios futurs possibles qui nous permettent d’envisager ce qui s’en vient, puis de nous adapter en conséquence.
explains Joëlle Vincent.
En tant qu’économiste, nous aimons faire des prévisions, car nous avons besoin de connaître un peu les tendances démographiques, économiques, inflationnistes, du chômage… Il nous faut cette boussole pour savoir où vont les choses.
» estime le PDG de l’Institut du Québec, sans tenir pour acquis ses prévisions et tendances constamment mises à jour.
Je pense que nous pouvons faire des scénarios. D’un côté, il y a l’apocalypse, mais il peut y avoir des innovations qui changeront la donne. Mais nous pouvons faire plusieurs scénarios sur ce qui est possible
concludes Alain Giguère.