(Québec) « L’instabilité économique est à nos portes. Les décisions politiques de Donald Trump constituent une menace pour la stabilité économique du Québec. »
On pourrait croire que ce sont les propos du premier ministre François Legault. Ce sont plutôt ceux de son prédécesseur, Philippe Couillard, en 2018.
Le président américain Donald Trump venait d’imposer des droits de douane de 25 % sur l’acier et de 10 % sur l’aluminium en provenance de l’étranger – ils seraient levés pour le Canada l’année suivante.
« Nous sommes face à quelqu’un qui adopte des voies jamais vues auparavant en termes de politique internationale. Il faut des gens sérieux, des gens qui sont capables de mettre les mains sur le volant et de s’assurer de diriger l’économie du Québec en toute sécurité », a ajouté l’homme d’affaires Alexandre Taillefer, qui présidera la campagne électorale du Parti libéral du Québec (PLQ) quelques mois plus tard. .
Les libéraux ont alors adopté la recette de Jean Charest. En 2008, à la tête d’un gouvernement minoritaire, il a convoqué des élections et fait valoir l’importance d’avoir « les deux mains sur le volant » pour faire face à la « tempête économique » redoutée en raison de la crise. financier.
Les stratégies de MM. Charest et Couillard étaient à peu près semblables (mais le résultat était différent). Ils essayaient de tirer un avantage politique d’une crise. Ils n’ont rien inventé : un vieux dicton dit qu’il ne faut jamais laisser passer une bonne crise.
Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, l’a bien compris aujourd’hui. Il a enfilé la cape de Capitaine Canada et a fait fureur mercredi avec sa casquette Le Canada n’est pas à vendre (« Le Canada n’est pas à vendre »). Il prévoit des élections générales anticipées.
Si François Legault dit écarter un tel scénario et s’en tenir à des élections à date fixe en 2026 (ses sondages ne sont après tout pas favorables comme ceux de M. Ford, et les libéraux n’ont pas de chef), il est aussi bien conscient des opportunité qui s’offre à lui avec les menaces de Donald Trump : se poser en défenseur des intérêts du Québec pour regagner les faveurs populaires. Mais les choses sont plus compliquées qu’il n’y paraît.
La situation change
Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et, surtout, l’imposition probable de tarifs douaniers sur les produits canadiens sont susceptibles de changer la donne politique au Québec.
-La semaine prochaine, tous les partis politiques réunissent leur caucus pour préparer la rentrée à l’Assemblée nationale le 28 janvier. Mais tous les regards seront tournés vers Washington, où Donald Trump prêtera serment lundi. Quels seront ses premiers décrets ? Quels tarifs douaniers seront imposés ? Le menu de la séance parlementaire sera relégué au second plan. La réaction de François Legault prendra beaucoup de place ; ses adversaires auront fort à faire pour se démarquer.
Depuis un an, le Parti québécois de Paul St-Pierre Plamondon est en tête des intentions de vote. Le contexte économique pourrait-il inverser la tendance et conduire les électeurs à se rallier derrière le Premier ministre ? demandent les caquistes.
Ne soyez pas surpris si François Legault rappelle qu’il a déjà géré des crises – la COVID-19 – et que le temps n’est pas venu d’ajouter de l’instabilité avec un référendum sur la souveraineté.
Au-delà de ce positionnement prévisible, ce n’est pas si simple. François Legault l’a démontré en modifiant son discours depuis les menaces proférées par Donald Trump fin novembre.
Unité canadienne
Dans un premier temps, François Legault a surtout insisté pour dire que les craintes du président désigné concernant les frontières étaient « légitimes » et qu’il partageait ses inquiétudes. Il en a profité pour faire pression sur Ottawa dans ce dossier. Et comme la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, il a écarté l’idée de réduire ou de limiter les exportations d’énergie en représailles.
Mercredi, François Legault n’a pas exclu de recourir à l’hydroélectricité pour répondre à Donald Trump. Et il s’est présenté aux côtés de Justin Trudeau et d’autres premiers ministres pour tenter de montrer un front uni alors que le Canada prépare son arsenal. Danielle Smith a rompu les rangs en refusant de permettre à Ottawa de réduire ses exportations de pétrole pour nuire aux Américains.
François Legault acceptera-t-il de jouer le jeu encore longtemps ? Le 26 novembre, il soulevait lui-même les risques pour le Québec que pourraient représenter les futures négociations avec Donald Trump.
« Il faut faire attention à ce que le gouvernement fédéral ne vienne pas proposer des compromis au détriment de l’économie québécoise, en disant par exemple : “D’accord, on protégera le pétrole, on protégera les automobiles, mais on ne protégera pas l’aéronautique, ni le bois”. , ou de l’aluminium. » Les partis d’opposition ne manqueraient pas de lui reprocher un manque de leadership dans un tel scénario.
François Legault estime que 100 000 emplois seraient perdus au Québec si Donald Trump imposait des tarifs douaniers de 25 %. Selon le scénario « catastrophe » du ministre des Finances, Éric Girard, le Québec connaîtrait une récession, avec une baisse du PIB de 1 %. Les finances publiques seraient encore plus dans le rouge. Pas de quoi se réjouir en cette fin de second mandat.
Profiter d’une crise peut être plus facile à dire qu’à faire.