Ramsés : « L’humanité est la seule arme contre la barbarie »
Quand j’ai entendu la nouvelle et vu les vidéos, cela m’a fait le même effet que les tours jumelles. J’étais sous le choc, abasourdi… Sans vraiment comprendre ce qui venait de se passer. Je connaissais deux ou trois noms dans la liste des victimes. Et voir ce terroriste achever quelqu’un comme ça, en pleine rue, m’a glacé le sang.
Quelques heures plus tard, je me suis assis et j’ai commencé à dessiner sur mon téléphone mon premier dessin. Charlie Hebdo, qui fut ensuite publié dans Courrier international. Je ressens toujours cette montée d’adrénaline à chaque fois que je vois ce dessin. Il représentait un caricaturiste jetant de l’encre sur un terroriste.
Le dessin que je présente aujourd’hui est un David dont l’humanité est la seule arme contre la barbarie. C’est aussi une métaphore de ma vie.
Ramsès Morales, né en 1970, diplômé de l’Académie des Arts de Trinidad en 1996. Depuis février 2016, il vit en Suisse. Ses dessins sont publiés dans Courrier international et de nombreux journaux et magazines étrangers, ainsi qu’à Cuba.
Pierre Kroll : « Les islamistes ont gagné la guerre des images »
Le 7 janvier 2015, j’ai été appelé à la télévision pour commenter en direct au journal télévisé de 13 heures sur RTL en Belgique les noms des victimes, qui arrivaient au compte-gouttes. Je connaissais personnellement chacun des caricaturistes assassinés.
Même si tout n’est pas justement la conséquence de cet attentat islamiste, le 7 janvier 2015 marque le début de nouveaux temps dans ma profession. Finie à jamais la négligence avec laquelle nous dessinions parfois. L’humour est une question de collusion, et nous pensions savoir à qui nous parlions. C’est fini. C’est comme si les frères Kouachi avaient montré à quiconque est choqué par quelque chose qu’il a le droit de se faire interdire ou de se venger. L’humour a été perdu.
Et d’ailleurs les islamistes, s’ils n’ont pas gagné la guerre totale contre l’Occident, ont gagné cette guerre des images. Quel journal publiera, juste pour documenter l’histoire, les dessins qui sont censés avoir déclenché tout cela ?
Pierre Kroll est né en 1958 à Gwaka, dans l’ancien Congo belge. Il est diplômé de l’école de La Cambre à Bruxelles en 1981. Caricaturiste officiel du quotidien Le soir depuis 2002, ses dessins ont été reproduits dans de nombreux journaux internationaux. Il publie également régulièrement des albums de ses dessins chez Les Arènes.
Kichka : “Je suis Charlie plus que jamais”
Mercredi 7 janvier 2015, il neigeait à Jérusalem. L’Académie Bezalel, où j’enseigne, sur le Mont Scopus, est restée fermée. J’en ai profité pour mettre de l’ordre sur ma table de travail lorsque notre fils David m’a appelé de Tel Aviv. “Papa, allume les infos sur la France, il se passe quelque chose Charlie Hebdo ! » Les chaînes ont diffusé en boucle une vidéo filmée depuis un toit où criaient deux personnages noirs brandissant une Kalachnikov. « Nous avons vengé le Prophète ! » au milieu de la rue de Paris. Impossible d’en savoir plus.
J’ai appelé mon ami Plantu, qui m’a dit qu’il y aurait des morts. J’écrivis aussitôt à mon ami Tignous : “Dites-moi que vous êtes sain et sauf.” Mon email est resté sans réponse. J’avais l’impression que le monde était à nouveau sens dessus dessous.
Le 11 janvier, la place de la République, les rues de Paris et de France étaient bondées de monde. “Je suis Charlie” était devenu un cri silencieux. Cet élan de solidarité de Français qui pour la plupart n’avaient jamais lu Charlie m’a touché à ce moment-là. Malheureusement, ce n’est pas l’assassinat des quatre clients juifs de l’Hyper Cacher deux jours plus tard qui aurait généré un tel élan. Pas en 2015. Et encore moins en 2025.
Je suis Charlie plus que jamais. Chaque fois que je fais un dessin, je le ressens comme une dette envers mes collègues Cabu, Wolinski, Honoré, Tignous et Charb, et toute l’équipe du journal. Vers la liberté et la démocratie, la laïcité et le droit au blasphème. Je n’ai pas le droit de baisser ma garde, de céder à la terreur, de
