Des milliers de Sud-Coréens ont manifesté samedi 4 janvier à Séoul dans un contexte politique de plus en plus chaotique, au lendemain d’une tentative infructueuse d’arrestation du président Yoon Suk Yeol, accusé de rébellion pour avoir tenté d’imposer la loi martiale au début du mois dernier.
Détracteurs et partisans se sont rassemblés séparément dans les avenues de la capitale et devant le domicile de M. Yoon, les uns réclamant son arrestation, d’autres l’annulation de sa destitution votée par l’Assemblée nationale.
« Si le président Yoon est destitué et que Lee Jae-myung [chef de file de l’opposition] devient le nouveau président, notre pays pourrait être menacé de « communisation » et d’absorption par la Corée du Nord (…). Je ne peux pas laisser ça arriver »a déclaré Jang Young-hoon, un manifestant de 30 ans, interrogé par l’Agence - (AFP).
Dans le camp des partisans du président, la plus grande intersyndicale sud-coréenne (KCTU) avait entrepris une marche vers sa résidence, mais la police, qui a fait état de plusieurs blessés et de deux arrestations, s’y est opposée.
La veille, militaires et services de sécurité avaient bloqué les enquêteurs venus au domicile de l’ancien procureur de 64 ans pour l’emmener, l’opération lancée tôt le matin ayant été annulée après environ six heures de négociations infructueuses et de tensions.
L’arrestation de Yoon Suk Yeol, qui reste président en attendant que la Cour constitutionnelle confirme ou annule sa destitution, adoptée par les députés le 14 décembre, serait la première d’un chef d’Etat sud-coréen en exercice.
Lire aussi | Article réservé à nos abonnés La crise politique en Corée du Sud, entre polarisation et institutions dépassées
Lire plus tard
Suspendu de ses fonctions et cloîtré chez lui, il est accusé d’avoir ébranlé la jeune démocratie sud-coréenne dans la nuit du 3 au 4 décembre en proclamant la loi martiale à la surprise générale, un coup d’État qui a ravivé le douloureux souvenir de la dictature militaire.
Le Monde mémorable
Testez votre culture générale avec la rédaction du « Monde »
Testez votre culture générale avec la rédaction du « Monde »
Découvrir
Au Parlement, entourés de militaires, un nombre suffisant de députés ont réussi à se rassembler pour voter une motion réclamant la levée de cet état d’exception. Sous la pression de l’Assemblée, de milliers de manifestants et contraint par la Constitution, Yoon Suk Yeol a dû l’abroger quelques heures après l’avoir déclaré. L’impopulaire chef de l’Etat fait l’objet de plusieurs enquêtes, dont une pour rébellion, un crime théoriquement passible de la peine de mort.
La décision de la Cour constitutionnelle attendue d’ici mi-juin
Vendredi, les enquêteurs venus procéder à son arrestation ont été tenus en échec par quelque 200 militaires et gardes présidentiels. Ils sont repartis vers 13h30 (5h30 à Paris), sous les yeux de centaines de partisans du président. “Il y a eu des altercations physiques mineures et majeures” entre les deux camps, a rapporté un responsable du Bureau d’enquête sur la corruption de hautes personnalités. L’agence a jusqu’à lundi pour exécuter le mandat d’arrêt émis par le tribunal. La publication de ce document représentait déjà une première pour un président sud-coréen en exercice. Les enquêteurs pourront en demander un nouveau si le premier expire sans avoir été appliqué.
Ils ont également appelé le président par intérim Choi Sang-mok à soutenir le mandat actuel dans un communiqué publié samedi.
De son côté, la Cour constitutionnelle a fixé au 14 janvier l’ouverture du procès en destitution de Yoon Suk Yeol, qui poursuivra son cours même sans lui. Le tribunal doit se prononcer d’ici la mi-juin. M. Yoon a jusqu’à présent ignoré toutes les convocations liées à son coup d’Etat et ses gardes ont fait obstacle à plusieurs perquisitions. Samedi, deux agents chargés de sa protection ont refusé de se présenter devant la police, invoquant la nature “sérieux” de leur mission, selon un communiqué de la sécurité présidentielle transmis à l’AFP.
Les avocats de M. Yoon dénoncent, de leur côté, une tentative d’arrestation “illégal” et a promis d’engager une procédure pour la contester. Le président dont les pouvoirs ont été suspendus reste convaincu du bien-fondé de sa décision de début décembre, malgré les graves troubles politiques qu’elle a provoqués, le premier président par intérim ayant également été démis de ses fonctions avant l’entrée en fonction de Choi Sang. -mok.
Lire aussi | Article réservé à nos abonnés La mémoire du massacre de Gwangju au cœur de la mobilisation contre la loi martiale en Corée du Sud
Lire plus tard
Dans une lettre distribuée mercredi à ses partisans les plus radicaux, rassemblés en grand nombre devant son domicile, M. Yoon a promis de “battre jusqu’au bout” et a encore une fois attaqué les éléments internes et externes “menaçant” La Corée du Sud, qu’il avait déjà remise en cause en déclarant la loi martiale.
Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, est attendu lundi en Corée du Sud pour rencontrer son homologue, Cho Tae-yul, et « réaffirmer l’alliance inébranlable » entre Washington et Séoul, selon le Département d’État américain. Les discussions devraient également porter sur les troubles en cours et la menace posée par la Corée du Nord.