Bayrou, l’aventurier de Koh-Lanta

Le nouveau gouvernement français a été dévoilé lundi dernier, en fin d’après-midi, suscitant immédiatement de vives critiques. Sa composition est un équilibre précaire entre poids lourds politiques, figures recyclées et nouveautés timides. Avec Elisabeth Borne à l’Éducation, Manuel Valls à l’Outre-mer et Bruno Retailleau à l’Intérieur, le Premier ministre François Bayrou s’est appuyé sur des personnalités expérimentées mais controversées.

Cette « coalition de l’échec », comme la décrit Jordan Bardella (RN), semble symboliser davantage un pacte de survie dans un paysage politique fracturé qu’un projet ambitieux. Le choix de personnalités comme Gérald Darmanin à la Justice ou Eric Lombard à l’Economie reflète une priorité : contenir les crises plutôt que les résoudre. Mais ce casting expérimenté peut-il suffire à rassurer une Assemblée fragmentée, où aucune majorité claire ne se dégage ? L’expérience politique de Bayrou, son sens du dialogue et sa capacité à naviguer en eaux troubles lui permettront-ils de survivre dans un environnement aussi délétère ?

Pas si sûr. D’autant qu’en refusant immédiatement de demander un vote de confiance sur sa déclaration de politique générale, il montre qu’il sait pertinemment que sa base à l’Assemblée nationale est évanescente et reste insuffisante pour affronter les tempêtes à venir. . La insoumise (LFI) a déjà annoncé une motion de censure. Les Républicains (LR) n’ont apporté qu’un soutien conditionnel. Et le Rassemblement national (RN), prêt à souffler le chaud et le froid, pourrait bien être l’arbitre de ce jeu de dupes. Pour ne rien arranger, l’opposition de gauche voit dans ce gouvernement une provocation : un gouvernement de droite, et pire encore, sous l’influence supposée du RN.

Quant à la droite traditionnelle, elle dénonce une méthode autoritaire et des promesses non tenues. Dans ce contexte, chaque vote à l’Assemblée s’annonce comme une épreuve. Le premier test de force sera le budget 2025. Avec un déficit prévu de 6,1% du PIB, il n’y a aucune marge de manœuvre. Bayrou a promis de ne pas utiliser le 49.3 sauf blocage absolu. Mais cette garantie de transparence ne fait qu’ajouter une pression supplémentaire sur ses épaules.

Comme Michel Barnier avant lui, il risque de voir son gouvernement tomber sur un dossier budgétaire. Les oppositions, bien que idéologiquement opposées, pourraient s’allier pour déposer une motion de censure. Dans ce cas, Bayrou n’aurait aucune issue et son gouvernement pourrait bien battre un record de brièveté. Son mandat risque de se terminer aussi vite que celui de Michel Barnier. Mais l’échec de Bayrou aurait des conséquences bien plus graves : il emporterait avec lui une partie du crédit politique de Macron, et la question d’une démission présidentielle deviendrait alors inévitable. Par ailleurs, l’autre grand front se situe au sein du couple exécutif.

La relation Macron – Bayrou oscille entre admiration mutuelle et luttes d’influence. Si Bayrou se présente comme un Premier ministre autonome, Macron n’a pas l’habitude de partager le pouvoir. Le président, confronté à d’énormes défis, notamment la gestion post-cyclonique à Mayotte, pourrait vite se lasser des sorties insoumises de son allié. Le conflit latent autour de la formation du gouvernement, où Bayrou a imposé certains de ses amis proches, illustre cette tension. Une telle cohabitation risque de paralyser l’action gouvernementale.

A la première crise majeure, ce couple politique, déjà fragilisé, pourrait se disloquer. Dans ce contexte exécrable, caractérisé par une Assemblée nationale hostile, un président réticent au partage du pouvoir et des défis économiques titanesques, Bayrou doit, tel un aventurier de Koh-Lanta, jongler entre alliances stratégiques et défis imprévisibles pour espérer rester en lice.

Pendant ce temps, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen attendent leur heure. L’un, prêt à transformer la rue en instrument de pression politique ; l’autre, espérant capitaliser sur la méfiance à l’égard des élites. Ce duel à distance pourrait bien façonner la prochaine élection présidentielle.

 
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