Il s’agit d’une scène inédite sur la place des Omeyyades, au centre de Damas. En Syrie, plus de dix jours après la chute de la capitale aux mains d’une coalition menée par des islamistes radicaux, plusieurs centaines de personnes ont manifesté jeudi 19 décembre pour demander au nouveau régime de respecter les droits des femmes et des minorités.
Comme les autres, Rita leva le poing vers le ciel. Elle a 21 ans, avec de grands yeux marrons qui pétillent, c’est la première manifestation de sa vie. «J’ai dit à mes amis que j’avais peur. Je ne voulais pas venir ! Nous ne sommes pas habitués à ce genre de rassemblement. Mais un groupe ne doit pas gouverner.
« Nous devons montrer notre présence pour qu’il y ait un avenir pour nous. »
Rita, manifestante à Damassur franceinfo
Rita la chrétienne craint les orientations islamistes du futur gouvernement. Et c’est pareil pour Youssef, 24 ans. Il est originaire de Qamishli, en terre kurde. Il souhaite que son peuple ait sa place à part entière dans la nouvelle Syrie. « La moitié des Kurdes ne sont pas reconnus comme citoyens syriens, ils étaient considérés comme des citoyens de seconde zone. En plus, nous disons « la République arabe syrienne », cela devrait être « la République syrienne », qui inclut tout le monde. Si les islamistes dominent, ils pourraient nous priver de nos droits. Imposer le port du hijab, par exemple. Pourtant, chez les Kurdes, 90 % des femmes ne sont pas voilées. ! »
Les rebelles ont beau assurer qu’ils respecteront les minorités ethniques et religieuses, les manifestants veulent que cela soit écrit noir sur blanc. « Nous voulons quelque chose de durable, » argumente Lama Hassaniye, professeur à l’Université de Damas et journaliste. Je n’ai pas beaucoup confiance, j’en ai peur. La religion est pour Dieu. Mais ici, la terre est pour tout le monde, pour tous les Syriens. Nous ne voulons pas de démocratie demain, ce n’est pas ça. Nous savons que même s’il y a des élections maintenant ou dans six mois, ce sont les islamistes qui seront là. Mais nous sommes Syriens, nous avons les mêmes droits, point barre. »
« Nous voulons une Syrie unifiée par les droits, par la Constitution, et non par les mots. »
Lama Hassaniïésur franceinfo
D’autres manifestations sont déjà prévues dans la capitale et en province pour faire pression sur les nouveaux maîtres du pays.
Une manifestation à Damas pour le respect des droits des femmes et des minorités : reportage d’Isabelle Labeyrie et Fabien Gosset
“>
écoute (2min)