Les Québécois s’enrichissent, malgré l’inflation

J’ai été surpris par les conclusions sur le pouvoir d’achat des Québécois, autant que vous le serez après avoir lu cette chronique.

Les faits chiffrés sont incontestables : malgré la pandémie et l’inflation, les travailleurs québécois ont considérablement augmenté leur pouvoir d’achat au cours des dernières années, plus que la plupart des contribuables du monde. Et ce constat s’applique à presque toutes les strates salariales.

L’analyse a été réalisée par des chercheurs de la Chaire de recherche en fiscalité et finances publiques de l’Université de Sherbrooke. L’étude ratisse large en analysant la situation de huit ménages types dans 31 pays, plus le Québec.

Elle compare la croissance du revenu disponible des travailleurs adultes à - plein âgés de 65 ans et moins entre 2019 et 2023, soit entre l’année précédant la pandémie et celle suivant sa fin. Le revenu disponible représente la part du revenu dont disposent les particuliers une fois les impôts et les cotisations payés, à laquelle s’ajoutent les transferts reçus.

En résumé, le pouvoir d’achat des célibataires avec un salaire moyen a augmenté de 8,9 % entre 2019 et 2023 au Québec, une fois l’inflation prise en compte.

Cette augmentation place le Québec au 3e classement mondial dans les comparaisons. Pour l’ensemble du Canada, la hausse est de 7,1 %.

La situation des Québécois et des Canadiens contraste avec celle de la plupart des grands pays industrialisés. Une fois l’inflation supprimée, le pouvoir d’achat stagne en et aux États-Unis, tandis qu’il baisse de 3,2 % en Italie et de 6,1 % en Suède.

Ce constat sur le pouvoir d’achat – largement médiatisé en France – est probablement un des facteurs expliquant les tensions politiques dans ces pays, la classe moyenne ayant le sentiment que la situation économique et géopolitique lui a fait perdre ses plumes.

Attention, ce classement ne signifie pas que les Québécois ont un pouvoir d’achat plus élevé qu’ailleurs. Il mesure la croissance de ce pouvoir d’achat sur quatre ans pour huit ménages types, depuis les familles monoparentales jusqu’aux célibataires aisés.

Pour faire la comparaison, les chercheurs ont d’abord extrait le salaire moyen des travailleurs à - plein âgés de 18 à 65 ans à partir des données de Statistique Canada. En 2023, ce salaire moyen s’élevait à 82 648 $ au Québec (88 130 $ en Ontario).

Ce salaire est supérieur à celui fréquemment véhiculé dans les médias car il exclut les travailleurs à - partiel, ainsi que les jeunes de moins de 18 ans et les retraités de 65 ans et plus, dont les bas salaires abaissent nettement la moyenne.

Tous les ménages analysés ont vu leur pouvoir d’achat augmenter, c’est-à-dire que leur revenu disponible a augmenté plus que l’inflation sur la période.

Alors que le célibataire ayant un revenu moyen a vu son pouvoir d’achat augmenter de 8,9 % en quatre ans, les couples avec deux enfants et deux salaires ont vu le leur augmenter entre 4,7 % et 7,6 %, selon leur tranche de revenus. revenu et la famille monoparentale avec deux enfants, de 2,5%.

Bref, quelle que soit la situation, le pouvoir d’achat a augmenté.

Comment expliquer cette hausse, que beaucoup contesteront, compte tenu de la hausse marquée des loyers, des remboursements hypothécaires et du prix des paniers d’épicerie ?

Diverses raisons expliquent cette situation, selon l’économiste Luc Godbout, l’un des coauteurs de l’étude.

Premièrement, les salaires ont fortement augmenté, en moyenne, en raison notamment de la pénurie de main d’œuvre. Ensuite, le régime fiscal a été entièrement indexé, tout comme le versement de mesures sociales ailleurs (allocation familiale, crédit de taxe de vente, RRQ, etc.).

Enfin, les situations difficiles vécues par certains ménages avec leur crédit immobilier ou leur loyer ne touchent pas toutes les familles, seulement certaines, si bien qu’en moyenne, le pouvoir d’achat augmente.

Par exemple, les locataires qui ne déménagent pas – la grande majorité – ne voient pas leur loyer augmenter autant que ceux qui changent de logement.

« Les consommateurs ont l’impression de s’appauvrir, mais en moyenne, ce n’est pas le cas. Les choses ne sont pas aussi mauvaises qu’on le croit, surtout lorsqu’on se compare au reste de la planète», m’a dit Luc Godbout, qui constate que les ménages fulminent quand le prix de l’essence augmente, mais ne s’extasient pas. quand il tombe.

Les Européens ont été les plus touchés par la hausse des prix de l’énergie et des fournitures provoquée par la guerre en Ukraine.

Et plusieurs administrations fiscales n’indexent pas les tables d’imposition ou les transferts sociaux comme au Québec.

Ceci dit, il est possible que les ménages du quintile de revenu le plus faible au Québec n’aient pas vu leur pouvoir d’achat augmenter, mais l’étude s’est concentrée sur le cas type qui gagne 67 % du salaire moyen, soit 55 374 $.

Les chercheurs ont également estimé l’évolution du pouvoir d’achat des Québécois pour l’année 2024, qui se terminera bientôt avec un taux d’inflation de 1,9 %. Et ils constatent que le pouvoir d’achat s’est encore apprécié par rapport à 2023, entre 0,7% et 1,3%, selon les 8 cas types analysés. Cette fois, les augmentations dans le secteur public sont incluses.

Ce pouvoir d’achat s’est apprécié davantage au Québec entre 2019 et 2024 (sur cinq ans) que dans les autres provinces dans 5 cas sur 8. Et l’année 2025 s’annonce prometteuse.

Les chercheurs ne sont pas les seuls à avoir fait ce constat. Le directeur parlementaire du budget (DPB) a conclu dans une étude récente que le pouvoir d’achat a augmenté entre 2019 et 2023, et plus au Québec (3,9 % sur quatre ans) qu’ailleurs.

Le DPB a noté des différences selon le niveau de revenu. « Au premier trimestre 2024, le quintile supérieur présente une augmentation du pouvoir d’achat de 6% par rapport au dernier trimestre 2019, tandis que le troisième quintile présente une augmentation de 5% et le quintile inférieur présente une petite augmentation de 1%» , explique le DPB.

Bref, c’est une sacrée surprise, je vous l’ai dit.

Consultez l’étude « Comparaisons internationales et canadiennes du pouvoir d’achat des salariés-CFFP »

 
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