Invoquant la gravité de la crise de l’itinérance et l’arrivée d’un froid intense, la Ville de Montréal ouvre en urgence un relais thermique près de l’hôtel de ville. Le gouvernement du Québec n’a pas encore accordé de financement au projet, mais Montréal lui enverra la facture, a déclaré la mairesse Valérie Plante. Voici pourquoi.
Pourquoi la Ville ouvre-t-elle cette ressource d’urgence ?
Les quelque 100 places en refuges ouvertes depuis le début de l’hiver sont remplies au maximum presque tous les soirs, tout comme les refuges pour sans-abri, indiquent les organismes communautaires qui les gèrent. Surtout quand il fait très froid, ils doivent refuser des dizaines de personnes qui doivent dormir dehors, dans les entrées des entreprises ou sous des tentes. «Nous avons fait les travaux à plein régime avec le Service d’incendie de Montréal», a expliqué Valérie Plante jeudi en conférence de presse dans les locaux municipaux réaménagés. « La Ville pose un geste humanitaire en dépassant son champ de compétence pour permettre l’ouverture de ce lieu. Nous choisissons de protéger des vies, de protéger les plus vulnérables cet hiver. » Le mercure pourrait descendre jusqu’à -20°C la nuit pendant le week-end.
Lisez notre reportage « Crise de l’itinérance à Montréal : une chaise pour la nuit… et plus »
Pourquoi Montréal veut-il faire payer le gouvernement du Québec ?
La lutte contre l’itinérance est une responsabilité provinciale. Québec finance des organismes communautaires offrant des services aux sans-abri, tels que des refuges, des refuges et de l’aide à la recherche de logement. De nombreux sans-abri sont toxicomanes et ont besoin de soins de santé mentale, qui relèvent du réseau de la santé. La Ville avait proposé il y a quelques semaines deux sites pour l’installation de centres de chauffage, mais aucun financement provincial n’a été accordé. Valérie Plante estime que l’intensité de la crise et l’insuffisance des ressources nécessitent l’intervention de la Ville. « Nous n’avons toujours pas l’appui du gouvernement du Québec, mais pour nous, il n’était pas question d’attendre plus longtemps », a-t-elle expliqué.
Où s’arrête la chaleur ?
À l’arrière de l’édifice municipal Lucien-Saulnier, dans le Vieux-Montréal, à deux pas de l’hôtel de ville. Ce bâtiment a servi d’hôtel de ville temporaire lors des travaux du bâtiment patrimonial de la rue Notre-Dame. Les locaux, qui ouvriront ce vendredi et seront accessibles de 19 heures à 7 heures, proposeront des chaises dans deux salles, une pour les hommes et une pour les femmes, ainsi qu’une petite salle à manger où des collations seront servies. La Ville avait proposé ce local pour une halte chaleureuse à l’organisme L’Itinéraire, qui l’avait refusé car il ne convenait pas à ses besoins. Il a ensuite été réaménagé par les services municipaux, au coût de 20 000 $, pour transformer les bureaux en grandes salles.
Qui administrera cette ressource ?
La Ville n’a pas trouvé d’organisme communautaire pour administrer le nouveau chauffage. Pour le moment, elle sera encadrée par des agents de sécurité privée et des intervenants de l’Equipe Mobile de Médiation et d’Intervention Sociale (EMMIS). «Nous espérons que le gouvernement du Québec nous donnera les ressources nécessaires pour le faire fonctionner tout l’hiver», a déclaré Valérie Plante. Elle a déploré que les acteurs communautaires, « à bout de souffle », doivent se soumettre à de douloureuses démarches bureaucratiques à la dernière minute pour obtenir des financements, tout en étant en première ligne de la crise.
Pourquoi proposons-nous uniquement des chaises ?
Il s’agit d’une assistance d’urgence et temporaire. Mais les élus municipaux ont réitéré que Québec doit financer davantage de logements sociaux et une aide adaptée aux besoins des sans-abri. «Ce n’est peut-être pas idéal, mais c’est mieux que de dormir dans une tente ou sous un pont, et de risquer de mourir de froid complètement isolé», a déclaré Robert Beaudry, responsable des sans-abri au comité exécutif.
Le gouvernement du Québec va-t-il payer la note ?
Nous ne le savons pas encore. Le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, a envoyé jeudi une brève déclaration écrite sur « l’importance de soutenir les efforts visant à offrir des abris temporaires pendant la période hivernale ». Il a rappelé que Montréal recevra 24 millions sur deux ans pour les sans-abri, provenant de fonds fédéraux transférés à la province après de longues négociations. Il a toutefois refusé de répondre à nos questions sur les sommes que le Québec lui-même consacrera à ce dossier et sur les solutions alternatives offertes aux sans-abri qui se voient refuser un refuge par - froid.
Quels autres endroits permettront aux sans-abri de rester au chaud ?
En plus des emplacements existants, le Centre de coordination des mesures d’urgence de Montréal déclenche son Plan spécial d’intervention – Grand froid, en raison des basses températures attendues cette fin de semaine. Elle ouvrira samedi, un centre d’hébergement temporaire de 50 places au YMCA Centre-Ville, sur la rue Stanley, entre 19 h et 7 h. L’UQAM a également annoncé l’ouverture de son centre d’accueil de 50 places samedi, dimanche et lundi, de 22 h à 7 h, au pavillon J.-A.-DeSève, rue Sainte-Catherine Est. Trois conférenciers de la Société de développement social (SDS) seront sur place. L’établissement d’enseignement s’attend à ce que la ministre responsable de la Solidarité sociale, Chantal Rouleau, annonce le financement du projet ce vendredi. L’arrêt de chaleur était ouvert 10 soirs l’hiver dernier. «Nous espérons pouvoir ouvrir plus de soirées que lors de la première édition», indique la directrice des communications, Caroline Tessier.