(Avignon) La justice française a condamné jeudi Dominique Pélicot à la peine maximale de 20 ans de prison et déclaré coupables l’ensemble de ses 50 coaccusés, après quatre mois d’un procès historique pour des viols en série aux répercussions mondiales, devenus un symbole de violence contre femmes.
David COURBET
Agence -
“M. Pelicot, vous êtes reconnu coupable de viol aggravé sur la personne de Gisèle Pelicot”, a déclaré le président du tribunal correctionnel du Vaucluse (sud-est de la France), Roger Arata, à l’homme qui a drogué sa désormais ex-épouse Gisèle pour un décennie sous anxiolytiques, pour en faire son objet sexuel et la livrer à des dizaines d’hommes recrutés sur internet.
Suite à la demande du parquet, il a condamné Dominique Pelicot à la peine maximale possible pour viol aggravé, soit 20 ans de réclusion criminelle, assortis d’une période de sûreté aux deux tiers. « Étourdi », le principal accusé, âgé de 72 ans, n’exclut pas de faire appel, selon son avocat.
Pour ses 50 coaccusés, des hommes âgés de 27 à 74 ans, dont aucun n’a été acquitté, le magistrat a ensuite énuméré une à une les peines prononcées. Celles-ci vont de trois ans, dont deux avec sursis, à 20 ans de prison.
Les enfants de Gisèle Pelicot se sont dits « déçus » des peines imposées aux 51 accusés, a commenté un membre de la famille qui a demandé à rester anonyme. Aucun membre de la famille n’a souhaité parler à Dominique Pelicot après sa condamnation : “il n’en est pas question”, a déclaré cette même source.
Fin novembre, le ministère public avait requis 10 à 18 ans de prison contre 49 des coaccusés, jugés pour viol aggravé ou tentative de viol, et quatre ans de prison contre le dernier, poursuivi pour « attouchements » Gisèle Pelicot. .
Où choquer
Ces réquisitions étaient plus sévères que la peine moyenne pour viol en France, qui était de 11,1 ans en 2022, selon le ministère français de la Justice.
“Le viol concerne les femmes partout dans le monde, c’est pour cela que le monde entier a les yeux rivés sur ce qui va se passer”, a expliqué à l’AFP une représentante du collectif féministe Amazones d’Avignon, alors que 180 médias, dont 86 étrangers, étaient présents pour couvrir l’événement.
Après trois mois et demi d’audiences, le tribunal correctionnel du Vaucluse est reparti pour délibérer lundi matin, après avoir donné une dernière fois la parole aux 51 accusés.
Les trois enfants du couple, David, Caroline et Florian, sont arrivés ensemble au tribunal jeudi vers 8h30 heure locale, se faufilant dans une foule de spectateurs, militants et journalistes. Leur mère Gisèle est arrivée séparément et souriante, sous des acclamations, un peu après 9 heures du matin, accompagnée de ses deux avocats.
Cette décision, dans un palais de justice d’Avignon sous forte protection policière, a été scrutée de près, en France et à l’étranger, tant ce procès a provoqué une onde de choc depuis son ouverture le 2 septembre, jetant une lumière crue sur le fléau des violences sexistes, sexuelles ou chimiques. soumission et a plus largement posé la question du consentement dans les relations homme-femme.
Dans son réquisitoire, Laure Chabaud, l’une des deux représentantes du parquet, espérait que la décision du tribunal permettrait de surmonter le sort de ces prévenus et d’adresser « un message d’espoir aux victimes de violences sexuelles ».
A l’inverse, les avocats de la défense avaient formulé une trentaine de demandes d’acquittement pour leurs clients qui étaient selon eux « manipulés » par le « monstre », le « loup » ou encore « l’ogre » Dominique Pelicot. Donc sans succès.
« Merci Gisèle »
La tension était palpable dans la salle d’audience, où un important dispositif policier était déployé. Reconnus coupables, plusieurs des 32 accusés qui comparaient libres devraient dormir jeudi soir derrière les barreaux.
Prêts à cette éventualité, la plupart étaient arrivés à l’audience avec un sac contenant quelques vêtements, a constaté un journaliste de l’AFP. En larmes, l’un d’eux a longuement serré sa compagne dans ses bras avant d’entrer dans la pièce.
Insolite par sa durée, le nombre d’accusés, mais surtout l’atrocité des actes reprochés, ce procès est déjà entré dans l’histoire. Dans les rangs des associations féministes et des parties civiles, l’espoir est grand de le voir changer les mentalités face aux viols, tentatives de viol et agressions sexuelles signalées chaque année par plus de 200 000 femmes en France.
Cette affaire aura aussi permis d’incarner le fléau des violences sexuelles, à travers la figure de Gisèle Pelicot, 72 ans, qui de victime anonyme s’est transformée au fil des semaines en une icône féministe exhortant les femmes « à ne plus se taire » pour que « la honte change de camp ».
“Merci Gisèle”, proclamait jeudi matin une banderole accrochée sur les remparts de la vieille ville d’Avignon, face au tribunal.