888 enfants ont été hospitalisés pour l’une de ces deux causes depuis 2015. Et l’incidence est en augmentation depuis 2020, sans doute liée à de plus grandes difficultés socio-économiques, estiment les chercheurs.
C’était une maladie oubliée, que l’on croyait réservée aux marins qui passaient autrefois de très longs mois en mer. Mais le scorbut semble faire un triste retour en France : 888 enfants ont été hospitalisés pour ce motif ces neuf dernières années, et le nombre de cas a augmenté de 35 % depuis mars 2020, marqué par les débuts de la pandémie de Covid-19. associée à une augmentation des difficultés socio-économiques, puis de l’inflation, calcule une équipe de chercheurs français. La malnutrition sévère est en hausse de 20 % dans la même période post-Covid, estiment des chercheurs de l’hôpital Robert-Debré AP-HP, de l’Inserm, de l’université Paris Cité et du service de pédiatrie de l’hôpital de Cayenne en Guyane.
Le scorbut est la forme extrême de carence en vitamine C, ou acide ascorbique. Une vitamine essentielle à l’assemblage des fibres de collagène, vitale pour l’intégrité de la peau, des vaisseaux sanguins et des os notamment ; il joue également un rôle dans l’immunité et l’absorption du fer. Cependant, l’homme est incapable de produire ou de stocker cette vitamine C, il doit donc la trouver dans son alimentation, principalement dans les fruits et légumes. Sans apport suffisant, des hémorragies, des troubles de la cicatrisation, mais aussi des défauts du système immunitaire et de l’absorption du fer apparaissent au bout de 3 mois. Si les apports recommandés en vitamine C sont de 100 mg par jour pour un adulte, le scorbut n’apparaît que lorsqu’ils sont bien en dessous de ce seuil, autour de 10 mg par jour.
Si le risque est connu pour les personnes en grande précarité, l’amélioration des conditions de vie de la population avait fait quasiment disparaître la maladie, hormis quelques cas sporadiques chez des individus peu défavorisés et ne consommant jamais le moindre fruit ou légume. Mais « La pandémie de COVID-19 (…) a des inégalités sociales accrues et les grands conflits socio-géopolitiques, comme la guerre en Ukraine, qui ont suivi (…) les ont exacerbés »écrivent les chercheurs dans la revue The Lancet Régional Santé – Europe . Dans ce contexte, la hausse du coût des denrées alimentaires pourrait avoir limité « accès à des aliments frais et variés » et « conduire à une augmentation des taux de scorbut et de malnutrition. »
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Les auteurs interrogent le Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), qui permet de mesurer l’activité des établissements hospitaliers en France. Ils ont recherché des enfants de moins de 18 ans hospitalisés pour le scorbut ou pour une malnutrition sévère (pas nécessairement associée à une carence en vitamine C). Ils utilisaient comme « indicateur de statut socio-économique faible » l’éligibilité à la Couverture Maladie Universelle (CMU), basée notamment sur des seuils de revenus. Leurs recherches ont été menées sur deux périodes : de début 2015 à mars 2020, début de la pandémie de Covid-19 (soit 63 mois), puis d’avril 2020 à novembre 2023 (soit 44 mois).
[L’augmentation du nombre de cas de scorbut] était plus prononcée chez les enfants âgés de 5 à 10 ans, avec une augmentation cumulée de 200,8 %
Résultats : durant la première période, 352 enfants ont été hospitalisés pour scorbut et 74 278 pour malnutrition ; dans la deuxième période, ils étaient respectivement 536 et 61 082. Au total, 4 enfants hospitalisés pour scorbut et 1059 enfants hospitalisés pour malnutrition sont décédés. Les données collectées montrent un “changement de pente” significative depuis la pandémie, avec une augmentation de 1,9% par mois. « Cette augmentation a été plus prononcée chez les enfants de 5 à 10 ans, avec une augmentation cumulée de 201 %, et chez les filles (augmentation cumulée de 66 %).écrivent les auteurs.
La situation est différente pour la malnutrition : alors que les formes graves ont augmenté de 20 %, la malnutrition modérée a diminué de 11 %. « Les changements les plus importants ont été observés chez les adolescents âgés de 11 à 17 ans, qui ont connu une réduction de la malnutrition légère et modérée, mais une augmentation de la malnutrition sévère. »observent les auteurs, qui trouvent également « une augmentation significative de l’incidence des carences en fer ».
Une hausse « corrélée aux variations de l’indice général des prix à la consommation »
Les chercheurs notent également, parmi les enfants hospitalisés pour scorbut ou malnutrition, une augmentation de la proportion de ceux dont les parents bénéficient de la CMU (+33 % pour le scorbut, +16 % pour la malnutrition). En outre, l’incidence du scorbut, de la malnutrition sévère et de la carence en fer a été « corrélé de manière significative et positive aux variations de l’indice général des prix à la consommation et de l’indice des prix à la consommation des produits alimentaires ».
Malgré certaines faiblesses de l’étude que reconnaissent les auteurs, et notamment le fait que ces résultats doivent être confirmés dans d’autres pays européens confrontés aux mêmes difficultés socio-économiques que la France, « nos résultats soulignent la nécessité d’intensifier les programmes alimentaires et d’assistance sociale »soulignent-ils. Mais aussi la nécessité de “une meilleure formation clinique (…) pour assurer une détection précoce du scorbut et un dépistage proactif des populations à risque”.