Dans Folichonnerieslong métrage qu’il a co-écrit et réalisé, Eric K. Boulianne incarne François, un homme qui vit avec sa compagne Julie, interprétée par Catherine Chabot, la joie et la maladresse du couple ouvert. La presse a parlé avec le duo lors d’une… journée de tournage amusante.
Sur le lit d’une chambre d’hôtel, François est agenouillé face à un couple, leurs trois visages très proches l’un de l’autre. Assise sur une chaise, Julie les observe, tandis qu’une conversation érotique (et à la fois très, très drôle) s’engage entre les membres du trio. Tout le monde est en peignoir. L’échange est savoureux.
Une fois le dialogue terminé, tout le monde dans la salle éclate de rire. La petite équipe technique qui tourne le film Folichonneries est entassé dans cette chambre d’un hôtel de la Rive-Sud et répète le placement avant le tournage. La scène sera tournée en lieu fermé plus tard dans la journée, les peignoirs pourraient donc tomber une fois les caméras en place…
Voilà donc ceci (parmi bien d’autres choses), Folichonneries. Pour son premier long métrage de fiction en tant que réalisateur, Eric K. Boulianne n’a pas hésité à bousculer les habitudes du cinéma québécois.
Il aborde la sexualité de manière brute et réaliste. Celui à qui l’on doit des scénarios de films populaires (Le plongeur, Menteur ou De père à flic 2) tout comme les textes de projet plus à gauche (fabricant, Les Barbares de La Malbaie) a fait ses armes, tant dans l’écriture de scénarios que dans la réalisation et le jeu d’acteur.
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La scène à laquelle nous assistons est intimiste. D’autres dans le scénario le sont encore plus. Les personnages de François et Julie sont ensemble depuis plus de 15 ans, ont deux enfants, et décident d’ouvrir leur relation pour tenter de se retrouver, individuellement et en couple.
Ils explorent le polyamour, le libertinage, le BDSM – « ce n’est pas du porno non plus ! », précise Catherine Chabot en entrevue, précisant que les scènes de nudité et de sexe sont présentées sans détour, mais avec une certaine modération.
Mais pour créer cette proximité sensuelle à l’écran, aucune place n’est laissée à l’improvisation. Comme on le voit de plus en plus dans nos productions, un coordinateur d’intimité participe activement à la mise en scène.
« Tout est chorégraphié », témoigne Catherine Chabot, qui a également eu accès à la coordination de l’intimité sur le film. Lignes de volqu’elle a co-écrit et co-réalisé. « Cela vous donne plus de confiance et vous vous sentez plus à l’aise. Tout est bien mis en place pour que vous vous sentiez bien. »
«Ça permet d’avoir une ambiance plus saine et bienveillante sur les plateaux, précise Eric K. Boulianne. Quelqu’un surveille cela, on parle de nos limites, et du coup, ça donne envie aux gens d’aller plus loin et de se donner. »
Un nouveau scénario
« Chaque matin, quand je me lève, je me rends compte qu’on est en train de filmer et c’est un peu incroyable. C’est un projet assez ambitieux, avec un petit budget », décrit le réalisateur.
“En plus, faire tout ça avec Cath est un charme”, ajoute-t-il, tout sourire, en se tournant vers son partenaire de jeu et ami.
Le duo a collaboré à plusieurs reprises sur différents projets auparavant, mais jamais de manière aussi étroite. Au printemps dernier, le réalisateur a contacté l’actrice (également scénariste et réalisatrice) avec ce scénario. Tout s’est mis en place très rapidement.
Et les voilà déjà en plein tournage, quelques mois plus tard. Une aubaine pour Eric K. Boulianne, qui a souvent vu ses films prendre vie des années après l’idéation. Il est très enthousiasmé par ce projet tout frais sorti de sa tête et de celle de son co-scénariste, Alexandre Auger (Les Barbares de la Malbaie).
De son côté, Catherine Chabot se dit « une fan totale » d’Éric K. Boulianne. Son scénario est aussi « tellement représentatif des couples avec enfants ». L’actrice s’est reconnue dans les scènes et dans son personnage, a-t-elle déclaré.
Si aucun d’eux n’est en relation libre, leurs relations longues respectives (près de 20 ans pour Eric !) et leur parentalité leur donnent une compréhension particulière de ce que signifie entretenir la flamme sur le long terme.
« En fait, c’est un couple qui essaie de se reconnecter en ouvrant la relation. Leur sexualité leur permet d’ouvrir toute une dimension de leur personnalité, d’eux-mêmes, qui était dans leur troisième sous-sol intérieur», explique Catherine Chabot.
Le sexe à l’écran au Québec
Assis avec son partenaire de jeu dans une autre pièce de l’hôtel, Eric K. Boulianne a sur la tête une casquette rouge marquée du mot « mumblecore ». LE marmonner est un genre de cinéma qui se concentre sur la vie intime des personnages, dans une esthétique sans artifice, réaliste, très propre aux films indépendants. C’est ainsi que le réalisateur conçoit son long-métrage et l’énergie créatrice qu’il y injecte.
Une démarche qui résonne chez Catherine Chabot qui, dans son travail, représente aussi souvent l’intimité dans son côté « plus vrai que vrai, en hyperréalisme, en énergie brute ».
« Tout est super encadré, mais Catherine est toujours sans filet et très volontaire. Nous n’aurions pas pu réaliser ce genre de projet sans ce dévouement de sa part. »
L’actrice lui rend immédiatement la pareille : « Nous sommes sur un plateau tellement bienveillant. L’écriture est tellement humaine, tendre et féministe de la part d’Eric, je trouve. C’est sans jugement, c’est doux et il y a une observation sensible de la réalité de ce couple. Il y a tellement d’amour dans l’écriture, cela se reflète également sur le plateau. »
Cela se reflétera également sur l’écran. C’est ce qu’ils veulent. Folichonneries ira là où le cinéma québécois va très rarement.
«Je trouve ça amusant d’amener ça ici», déclare le réalisateur. J’ai vu cela fonctionner à l’échelle internationale et je pense que nous pouvons également aller dans cette direction. Je fais confiance à notre sensibilité et à notre humanité dans le processus. Et nous nous adressons à un public adulte, à qui nous montrons le quotidien. »
Quelque chose dans l’universalité – « chacun a une sexualité », résume Eric – détient ce pouvoir de toucher le public.
Folichonneries will be released in 2025. Ambre Jabrane, Étienne Galoy, Éric Robidoux, Ève Landry, Fayolle Jean Jr and Julie Le Breton are also part of the film’s cast.
Une première version de ce texte mentionnait qu’Alexandre Auger avait écrit The Sticky, ce qui n’est pas le cas et qu’Isabelle Brouillette faisait partie du casting. C’est plutôt Ève Landry. Nos excuses.