La méthode la plus intuitive utilisée par les astronomes pour déterminer si une exoplanète possède une atmosphère consiste à observer son transit – passant devant son étoile hôte (bloquant partiellement la lumière de l’étoile pendant environ 30 minutes) – à différentes longueurs. forme d’onde pour détecter quelles parties de la lumière sont transmises ou non, indiquant la présence de molécules.
Cependant, des problèmes de contamination stellaire se posent pour les planètes en orbite autour d’étoiles très froides. En effet, ces étoiles ne sont pas homogènes et présentent des points chauds et froids à leur surface. Ces spots ont leur propre spectre, qui peut polluer le spectre de transmission des planètes en transit et imiter les caractéristiques atmosphériques. Un tel phénomène a été observé à plusieurs reprises avec le JWST lorsqu’il observait des transits de planètes autour d’étoiles froides.
Le spectacle à la rescousse
Une solution pour pallier cette contamination stellaire et obtenir des informations sur la présence (ou l’absence) d’une atmosphère est de mesurer directement la chaleur de la planète en observant une baisse de flux lors du passage de la planète derrière l’étoile (événement appelé occultation). En observant l’étoile juste avant et pendant l’occultation, on peut déduire la quantité de lumière infrarouge provenant de la planète.
JWST est particulièrement efficace pour réaliser ce type d’études spectroscopiques détaillées de petites planètes rocheuses en orbite autour d’étoiles naines rouges. Dans ce contexte, l’étoile naine rouge TRAPPIST-1, qui abrite sept planètes rocheuses de la taille de la Terre, dont trois situées dans la zone habitable de l’étoile (Gillon et al., 2017), apparaît comme une cible idéale. En particulier, sa planète la plus proche, TRAPPIST-1 b, a été largement observée dans l’infrarouge moyen, à une longueur d’onde de 15 microns, par JWST (octobre 2022, novembre 2022, juillet 2023, novembre 2023).
Le cas non résolu de TRAPPIST-1 b
A partir de cette première cohorte de données, une étude menée en 2023 par Greene et al. avait suggéré qu’une atmosphère épaisse, riche en CO2, était peu probable sur TRAPPIST-1 b.
Mais ces conclusions sont nuancées par la même équipe, à la lumière de nouvelles données désormais disponibles à 12,8 microns sur le flux de la planète. Le 16 décembre 2024, elle rapportait dans le journal Astronomie naturelle une analyse complète de toutes les données infrarouges collectées sur TRAPPIST-1 b. Dans cette nouvelle étude menée par Elsa Ducrot, alors postdoctorante à l’Observatoire Paris-PSL (et actuellement astronome au CEA), les auteurs ont procédé à une analyse globale de l’ensemble des données JWST disponibles et comparé ces observations avec des modèles de surfaces et atmosphères afin d’identifier le scénario qui correspond le mieux aux données.
Dans le scénario « roche nue et sombre » proposé par Greene et al. (2023), la température attendue à 12,8 microns était d’environ 227°C. Cependant, la mesure réelle a montré une température inférieure de 150°C.
Pour expliquer un tel écart, les auteurs ont exploré différents modèles de surface et d’atmosphère. Ils ont découvert qu’une surface nue composée de roches ultramafiques (roches volcaniques riches en minéraux) pourrait expliquer ces observations. En effet, les roches ultramafiques émettent moins de rayonnement thermique à 12,8 microns qu’une surface sombre classique.
Les auteurs ont également constaté qu’une atmosphère riche en CO2 et dans les brumes pourraient expliquer les observations. Les brumes sont de minuscules particules ou gouttelettes en suspension dans l’atmosphère d’une planète, souvent créées par des réactions chimiques, l’activité volcanique ou le rayonnement solaire. Ces particules peuvent diffuser et absorber la lumière, ce qui affecte l’apparence de l’atmosphère et sa température. Par exemple, des brumes sont présentes dans l’atmosphère de Titan, la célèbre lune de Saturne.
Il est surprenant qu’une atmosphère brumeuse et riche en CO2 correspond aux données, car on pensait que le CO2 n’était pas cohérent avec l’émission élevée observée à 15 microns. Cependant, les brumes peuvent changer la donne. Ils réfléchissent beaucoup de lumière et peuvent rendre la haute atmosphère plus chaude que les couches inférieures, créant ainsi une inversion thermique similaire à celle de la stratosphère terrestre. Cela amène le CO2 émettre un rayonnement au lieu de l’absorber, ce qui entraîne un flux plus élevé à 15 microns par rapport à 12,8 microns — un résultat inattendu par rapport au comportement du CO2 sur Terre ou Vénus.
Les auteurs notent cependant que ce modèle atmosphérique, bien que compatible avec les données, reste moins probable que le scénario de roche nue. Sa complexité et les questions sur la formation de brume et la stabilité climatique à long terme sur TRAPPIST-1 b en font un choix difficile.
Des recherches futures, notamment une modélisation 3D avancée, seront nécessaires pour explorer ces questions. Plus généralement, l’équipe souligne la difficulté de déterminer définitivement la composition de la surface ou de l’atmosphère d’une planète en utilisant uniquement des mesures avec des filtres à large bande, tout en proposant deux scénarios convaincants qui seront explorés plus en détail avec les futures observations de la courbe de phase TRAPPIST-1 b. , qui représente la variation de la luminosité d’une exoplanète au cours de son orbite, provoquée par des changements dans la partie éclairée visible depuis la Terre. Cela fournit des informations sur l’atmosphère de la planète, les propriétés de la surface et la répartition des températures.
Et maintenant ?
Bien que les deux scénarios restent viables, les auteurs expliquent que les récentes observations de la courbe de phase de TRAPPIST-1 b, qui suit le flux de la planète tout au long de son orbite, pourraient aider à résoudre le mystère. En analysant l’efficacité avec laquelle la chaleur est redistribuée sur la planète, les astronomes peuvent déduire si une atmosphère est présente. Si une atmosphère existe, la chaleur devrait être distribuée du côté jour de la planète vers son côté nuit ; sans atmosphère, la redistribution de la chaleur serait minime. Les investigations devraient donc se poursuivre.
Une méthode adoptée pour le programme d’observation STScI « Rocky Worlds » Le Space Telescope Science Institute (STScI) a récemment approuvé un programme de - discrétionnaire du directeur (DDT) de 500 heures appelé «Mondes rocheux» pour étudier les atmosphères d’un grand nombre d’exoplanètes terrestres en orbite autour d’étoiles naines rouges. A noter que ce programme utilise exactement la même approche que les auteurs, via des observations d’occultation, mais à 15 microns seulement. |
Dernière modification le 16 décembre 2024