La Cour pénale internationale (CPI) a émis jeudi des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant et le chef de la branche armée du Hamas Mohammed Deif pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
M. Netanyahu a immédiatement qualifié la décision du tribunal d’« antisémite ».
« Israël rejette avec dégoût les actions absurdes et les fausses accusations qui lui sont adressées de la part des [CPI] » dont les juges « sont animés par une haine antisémite envers Israël », ajoute un communiqué diffusé par son bureau.
Ce mandat d’arrêt limite théoriquement les déplacements du Premier ministre israélien, puisque n’importe lequel des 124 Etats membres de la Cour serait obligé de l’arrêter sur son territoire.
« Les États-Unis rejettent catégoriquement la décision de la Cour d’émettre des mandats d’arrêt contre de hauts responsables israéliens », a répondu jeudi un porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche.
“Nous restons profondément préoccupés par l’empressement du procureur à demander des mandats d’arrêt et par les erreurs troublantes du processus qui a conduit à cette décision”, a-t-il ajouté dans une réaction transmise à l’AFP, en répétant que selon Washington, “la CPI n’avait pas compétence légale en la matière ».
A l’inverse, l’Italie, par la voix de son ministre de la Défense, Guido Crosetto, s’est dite obligée d’arrêter le Premier ministre israélien ou son ancien ministre en cas de visite dans le pays, en vertu de ses engagements internationaux.
De son côté, le premier ministre Justin Trudeau a laissé entendre que le Canada l’arrêterait s’il mettait les pieds au pays. “Le Canada est l’un des fondateurs de nos systèmes de droit international et nous suivrons toujours les décisions et règlements de ces organismes”, a-t-il déclaré jeudi lors d’une conférence de presse à Toronto.
De son côté, le Hamas a estimé que les mandats d’arrêt contre des responsables israéliens constituent « un pas important vers la justice ».
La CPI a émis des mandats d’arrêt contre MM. Netanyahu et Gallant « pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis au moins entre le 8 octobre 2023 et au moins le 20 mai 2024, jour où l’accusation a déposé les demandes de mandats d’arrêt », selon un communiqué de presse.
Dans un autre communiqué, la CPI a annoncé avoir émis un mandat d’arrêt contre Mohammed Deif, chef de la branche armée du Hamas, « pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre présumés commis sur le territoire de l’État d’Israël et de l’État de Palestine depuis au moins le 7 octobre 2023. »
Ce mandat d’arrêt « est extrêmement important. Cela signifie que les voix des victimes sont entendues », a déclaré Yael Vias Gvirsman, qui représente les familles des 300 victimes israéliennes de l’attaque du Hamas du 7 octobre.
Selon Israël, Mohammed Deif a été tué lors d’une frappe le 13 juillet dans le sud de Gaza, bien que le Hamas nie sa mort.
Un mandat d’arrêt a toujours été émis contre lui car le procureur de la CPI n’a pas été en mesure de déterminer si Deif était mort, a indiqué le tribunal.
« Criminellement responsable »
La CPI a déclaré avoir trouvé des « motifs raisonnables » de croire que MM. Netanyahu et Gallant étaient « criminellement responsables » du crime de guerre de famine comme méthode de guerre, ainsi que des crimes contre l’humanité de meurtre, de persécution et d’autres actes inhumains.
Les deux hommes, selon la CPI, « sont pénalement responsables, en tant que supérieurs civils, du crime de guerre consistant à diriger intentionnellement une attaque contre la population civile ».
Ils « ont intentionnellement et sciemment privé la population civile de Gaza de choses essentielles à sa survie », notamment de la nourriture, de l’eau, des médicaments, du carburant et de l’électricité, a ajouté le tribunal.
Cette situation « a créé des conditions de vie susceptibles d’entraîner la destruction d’une partie de la population civile de Gaza », selon la CPI, ajoutant qu’elle a entraîné la mort de civils, dont des enfants.
“Sur la base des éléments présentés par l’accusation couvrant la période allant jusqu’au 20 mai 2024, la chambre n’a pas été en mesure de déterminer que tous les éléments du crime contre l’humanité d’extermination étaient présents”, a ajouté la Chambre. CPI.
Elle a toutefois déclaré qu’il existait des motifs raisonnables de croire que le crime contre l’humanité qu’est un meurtre avait été commis contre ces victimes.
Les mandats d’arrêt émis par la CPI sont “sans précédent, justifiés et tardifs”, a déclaré Reed Brody, avocat spécialisé dans les crimes de guerre.
Cela crée « un dangereux précédent » qui « encourage le terrorisme », a au contraire réagi l’ancien ministre israélien de la Défense Yoav Gallant, visé par un mandat d’arrêt.
« Secret classifié »
Les mandats d’arrêt ont été classés « secret » pour protéger les témoins et garantir le bon déroulement des enquêtes.
Mais la CPI « considère qu’il est dans l’intérêt des victimes et de leurs familles qu’elles soient informées de l’existence des mandats d’arrêt ».
Le procureur de la CPI, Karim Khan, a demandé en mai au tribunal d’émettre des mandats d’arrêt contre MM. Netanyahu et Gallant (qui a été limogé début novembre par le Premier ministre israélien) pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité présumés à Gaza.
M. Khan avait également demandé des mandats d’arrêt contre de hauts dirigeants du Hamas, dont Mohammed Deif, soupçonnés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
L’offensive militaire israélienne contre le Hamas dans la bande de Gaza a fait au moins 44 056 morts Palestiniens, selon les chiffres du ministère de la Santé du gouvernement Hamas, qui ne font pas de distinction entre civils et combattants.
Elle fait suite à l’attaque sans précédent des commandos du Hamas en territoire israélien le 7 octobre, qui a entraîné la mort de 1.205 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP basé sur des chiffres officiels israéliens.
Avec La Presse Canadienne