Victime de Marc-André Grenon | « Nous avons laissé dehors un prédateur meurtrier »

En 2000, Karine St-Denis subit une violente agression de la part de Marc-André Grenon. Le tueur et agresseur sexuel a été arrêté 22 ans plus tard. Un retard beaucoup trop long, dénonce-t-elle.


Publié à 1h50

Mis à jour à 5h00

Des années d’enquête ont été gaspillées par la Sûreté du Québec (SQ) dans le cas du tueur et agresseur sexuel Marc-André Grenon, une de ses victimes dénoncée aujourd’hui. Une période durant laquelle il aurait pu en commettre plusieurs autres, craint Karine St-Denis, qui vit toujours avec les séquelles de l’atroce attentat qu’elle a subi il y a 24 ans.

«Nous avons laissé dehors un prédateur meurtrier», raconte-t-elle lors d’un témoignage émouvant, quelques jours après la conclusion de son dossier.

Le 7 juin, Marc-André Grenon a finalement plaidé coupable de tentative de meurtre après s’être introduit par effraction dans son appartement de Sainte-Foy en juillet 2000.

PHOTO FOURNIE PAR LA SÛRETÉ DU QUÉBEC

Marc-André Grenon

Dans un scénario quasiment identique, le meurtrier avait attaqué la jeune Guylaine Potvin quelques mois plus tôt, un crime dont il avait été reconnu coupable en janvier dernier, après plus de 22 ans de liberté.

Un délai bien trop long aux yeux de Karine St-Denis, qui plaide aujourd’hui que la police détenait depuis des années suffisamment d’indices pour justifier la traque du suspect afin de récupérer son ADN et le comparer à celui, identique, retrouvé sur les deux scènes.

Un transfert nécessaire

Or, le « Projet Bélier », qui regroupait son dossier et celui de Guylaine Potvin, est resté trop longtemps sous la responsabilité de la Division des crimes contre les personnes de la SQ, dit-elle, de 2001 à 2018.

« Ce sont des gens qui enquêtent sur des meurtres, des agressions sexuelles, c’est le quotidien. Ils prennent les appels à la volée, du 9-1-1, ils suivent les nouvelles du jour. Le dossier vieux de quatre ou cinq ans, et pire encore, celui de 18 ans, se trouve au bas de la pile. […] C’est pourquoi la division de cas froids existe», explique Karine St-Denis.

C’est au prix de procédures parfois « dures » qu’elle dit avoir obtenu, en 2018, le transfert souhaité à la Division des disparitions et des dossiers non résolus, également connue sous le nom de Division des disparitions et des dossiers non résolus. cas froids. Dix-huit ans après les faits.

Je suis monté très haut dans les structures de la SQ, j’ai porté plainte auprès de presque toutes les autorités, j’ai ouvert toutes les portes. Je ne suis pas entré poliment pour dire : s’il vous plaît.

Karine St-Denis

C’est à partir de ce moment que le dossier va véritablement démarrer.

Lorsque le dossier est repris par la division de cas froids, en 2018, 322 sujets d’enquête ont été ciblés et 300 d’entre eux ont été exclus après avoir accepté de fournir leur ADN. Marc-André Grenon a refusé de le faire en 2006 et déclinera de nouveau une offre en ce sens en 2021.

“Nous le connaissions”

Il est toutefois apparu très tôt sur le radar des enquêteurs, soit dès 2001, puisqu’il résidait dans un appartement directement derrière la maison de Guylaine Potvin. Il avait été arrêté trois jours avant le meurtre de la jeune femme pour vol de bijoux. Il a également des antécédents d’introduction par effraction.

PHOTO ARCHIVES LE QUOTIDIEN

Guylaine Potvin a été retrouvée sans vie à Jonquière en avril 2000.

«On le connaissait», s’insurge aujourd’hui Karine St-Denis. « Il est dans un dossier qui implique des crimes contre la personne et nous ne l’avons pas innocenté, nous ne l’avons pas éliminé. »

Mais ce n’est qu’à l’été 2022, après la reprise de l’enquête par la Division des crimes non résolus, qu’il deviendra un « sujet prioritaire » grâce à une technique d’analyse génétique innovante connue sous le nom de « projet PatronYme ».

Les enquêteurs le suivent ensuite au cinéma pour récupérer un gobelet en papier qu’il a jeté à la poubelle, une manière d’obtenir son ADN par la méthode dite de « l’abandon ».

Mais pourquoi ne pas avoir donné suite plus tôt ? Karine St-Denis se pose encore la question. « Il ne s’agit pas de l’enfermer à vie sans preuves ni de saisir ses biens. Mais pour fouiller ses poubelles, ramasser une paille, aller chercher une bière et boire un verre, comme dans [une opération d’infiltration] monsieur grand ? »

Nous avons donné la supériorité à son droit de refus au détriment de la sécurité de la population.

Karine St-Denis

Invitée à réagir, la SQ a indiqué qu’elle ne ferait aucun commentaire sur le dossier, étant donné que les procédures judiciaires dans ce dossier ne sont pas officiellement terminées.

“Pas une minute”

Karine St-Denis a aussi un goût amer de la peine de 15 ans de prison que son agresseur a écopée le 7 juin dernier. Une peine qu’il purgera concurremment avec celle de la prison à vie, soit un minimum de 25 ans, qu’il devra purger. derrière les barreaux pour le meurtre au premier degré de Guylaine Potvin.

« Ce type ne passera pas une minute en prison pour ce qu’il m’a fait », déplore-t-elle, encore marquée par la violente agression dont elle a été victime il y a 24 ans.

Une attaque si soudaine, en pleine nuit, alors qu’elle était au lit, qu’elle a déclaré aux enquêteurs qu’elle croyait avoir été attaquée « par un ours ».

Lorsqu’elle se réveille enfin, confuse, le visage enflé, elle ne peut pas appeler le 911 car le cordon sectionné de son téléphone a disparu. Elle sortira et frappera aux portes des voisins jusqu’à ce qu’ils lui ouvrent à 6 heures du matin.

Je n’ai plus jamais eu une nuit complète de sommeil.

Karine St-Denis

Elle ajoute qu’elle attend toujours une réponse de la Direction générale de l’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) pour prendre en charge ses frais de consultation psychologique.

Karine St-Denis nuance également ses critiques envers les enquêteurs du dossier. «L’équipe de cas froids ont fait un travail incroyable à partir de 2018. Le problème est qu’ils ne l’ont pas fait avant. »

Toujours actif

Sa gorge se serre au souvenir du policier qui s’est occupé d’elle dans les semaines qui ont suivi son agression. « Je n’ai pas manqué un seul jour d’école. C’est l’enquêteur qui m’appelait chaque semaine pour s’assurer que j’avais fait mes courses. »

Si les deux condamnations de Marc-André Grenon lui ont procuré une certaine satisfaction, elle reste persuadée qu’il a fait d’autres victimes. «Il n’a pas commis ces deux crimes si près pour arrêter», insiste aujourd’hui Karine St-Denis.

Deux jours après son arrestation, en octobre 2022, la SQ a publié un communiqué affirmant que son enquête « tend à démontrer que le suspect aurait pu faire d’autres victimes mineures ou adultes ».

«Je sais que c’est toujours actif», affirme Karine St-Denis. Nous devons nettoyer tous les dossiers non résolus. »

 
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