Détecter le cancer de l’ovaire avant qu’il ne se propage

La lutte contre le cancer de l’ovaire n’a pas beaucoup progressé au cours des dernières décennies. Les chercheurs de l’Université McGill croient qu’ils sont sur le point de faire un grand pas en avant dans ce domaine.


Publié à 1h32

Mis à jour à 7h00

«Les cancers de l’ovaire sont généralement détectés très tard, au stade 3», explique Lucy Gilbert, directrice du département d’oncologie de l’Université McGill. « Avant, il n’y avait aucun symptôme. »

Chaque année, la Société canadienne du cancer enregistre 1 600 cas et 400 décès de cancer du col de l’utérus, comparativement à 3 000 cas et 2 000 décès de cancer de l’ovaire. La chanteuse Mélanie Renaud est par exemple décédée en mai d’un cancer des ovaires, à l’âge de 42 ans.

«Avant le test Pap, le cancer du col de l’utérus était le deuxième plus mortel pour les femmes au Canada», précise la gynécologue spécialisée en oncologie. Aujourd’hui, plus de femmes meurent du cancer de l’ovaire à Montréal que du cancer du col de l’utérus dans l’ensemble du Canada. »

En 2012, le DD Gilbert publié dans le Lancet Oncologie une étude qui a changé sa vision de la lutte contre le cancer de l’ovaire. Près de 1 500 femmes ont subi un dépistage sanguin et par échographie transvaginale de ce cancer. « Nous avons pu améliorer les résultats chirurgicaux des cas de cancer de l’ovaire, mais le stade de détection restait avancé. »

C’est alors qu’elle réalise que le cancer de l’ovaire migre vers d’autres organes à un stade précoce. « Dans le cas du cancer du côlon, par exemple, le patient présente des saignements et des douleurs avant que le cancer n’émerge du côlon. Le cancer de l’ovaire se propage de l’utérus, en passant par les trompes de Fallope, jusqu’à l’abdomen avant de provoquer des symptômes. Les symptômes sont liés à la présence de métastases du cancer de l’ovaire à l’abdomen. »

Analyses génétiques

Pour détecter le cancer de l’ovaire à un stade précoce, afin de réduire la mortalité, il est nécessaire de le dépister lorsqu’il n’est constitué que de quelques cellules, dans les ovaires.

PHOTO PRISE DU SITE DU CUSM

Le DD Lucy Gilbert, directrice du département d’oncologie de l’Université McGill

Les analyses de sang et les échographies ne suffisent pas. Les mutations du génome doivent être détectées dès qu’elles surviennent.

Le DD Lucy Gilbert, directrice du département d’oncologie de l’Université McGill

Juste avant la pandémie, le DD Gilbert a lancé le projet DOvEEgene pour le diagnostic précoce du cancer de l’ovaire. « Malgré l’interruption due à la pandémie, nous avons recruté 4 600 participants alors que notre objectif était de 3 600 », précise-t-elle. Environ 90 % d’entre elles n’avaient aucun antécédent familial de cancer de l’ovaire. » Des résultats préliminaires encourageants sont présentés ce printemps aux organismes subventionnaires.

Plus d’une vingtaine de mutations sont détectées par les analyses, suite à un prélèvement vaginal. Tous les cancers de l’ovaire sont provoqués par des mutations, précise le DD Gilbert.

Depuis l’automne dernier, Québec envisage d’utiliser un autotest pour le dépistage du cancer du col de l’utérus. Est-ce que cela serait possible pour le cancer de l’ovaire ? « Non, car si les cellules cancéreuses sont arrivées dans le vagin, où elles peuvent être collectées par autotest, le cancer est déjà à un stade avancé. Ce n’est pas le cas du cancer du col de l’utérus. »

En revanche, elle salue la volonté du Québec de mettre en place le programme d’autotest du cancer du col de l’utérus. « Le cancer de l’ovaire touche les catégories socio-économiques plus aisées, qui ont moins d’enfants, ce qui constitue un facteur de protection. Mais le cancer du col de l’utérus touche davantage les groupes les plus défavorisés. Il s’agit souvent de femmes qui n’ont pas de médecin ou qui n’ont pas le temps de consulter leur médecin et de passer un test Pap. Si on leur envoie un autotest facile à faire, avec un suivi téléphonique, cela devrait augmenter le taux de dépistage. Je crois que le Québec sera un leader sur ce point. »

Détecter un cancer sur une carte de crédit ?

De l’autre côté de l’Atlantique, un biologiste de l’Imperial College de Londres tente une autre approche. Début 2023 dans le magazine JMIR Santé publique et surveillance, il a montré qu’il est possible de prédire un diagnostic de cancer de l’ovaire à partir des données d’achat par carte de crédit. “Les achats d’analgésiques et d’antiacides augmentent dans les mois ou les années précédant un diagnostic”, explique James Flanagan, auteur principal de l’étude. Nous essayons maintenant de voir comment réaliser une étude prospective. Il y a évidemment des problèmes éthiques importants. Nous aurions besoin d’accéder aux données d’achat de milliers de femmes pour prouver qu’il s’agit d’une approche valable. »

Le DD Gilbert n’est pas convaincu que cette approche tiendra le coup. « Lorsqu’une femme a mal, le cancer de l’ovaire a déjà migré vers d’autres organes. Je ne pense donc pas que cela permettra de détecter les cancers à un stade précoce. »

Apprendre encore plus

  • 40 200
    Nombre annuel de décès par cancer chez les femmes au Canada

    Source : Société canadienne du cancer

    9800
    Nombre annuel de décès par cancer du poumon chez les femmes au Canada

    Source : Société canadienne du cancer

  • 5400
    Nombre annuel de décès par cancer du sein chez les femmes au Canada

    Source : Société canadienne du cancer

 
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