Plus ““Le principal problème est ailleurs.” prévient Loïs Miraux, ingénieure aérospatiale et énergétique, chercheuse sur les questions environnementales liées aux activités spatiales. En effet, ces calculs de cycle de vie ne prennent pas en compte le lancement lui-même.
Trois à cinq ans dans l’atmosphère
« Pour placer sa charge utile en orbite, une fusée devra traverser toutes les couches de l’atmosphère. C’est la seule activité humaine à faire cela. En effet, toutes les activités humaines émettent dans les couches les plus basses de l’atmosphère. l’atmosphère (qui est la troposphère), y compris l’aviationexecutive Loïs Miraux. Le problème est que les lanceurs émettront une grande variété de produits, compte tenu de la grande variété de carburants utilisés. On retrouvera donc différents gaz à effet de serre, des particules réchauffant l’atmosphère et d’autres molécules qui vont détruire l’ozone. L’effet d’une substance sur le climat et sur l’ozone varie en fonction de son altitude. Émis dans les couches les plus élevées de l’atmosphère, chaque composé produit par les fusées restera en suspension beaucoup plus longtemps que lorsque ce composé est émis par le reste des activités humaines au sol ou aux altitudes où volent les avions. Ces composés auront donc beaucoup plus de temps pour exercer leur pouvoir réchauffant ou destructeur d’ozone sur le climat. Le temps de séjour de ces particules émises dans la stratosphère par les lanceurs est de l’ordre de 3 à 5 ans alors que lorsqu’elles sont émises par le reste des activités humaines dans la troposphère, il est plutôt de l’ordre de quelques jours ou quelques semaines. au plus.
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Des particules fines comme celles des voitures
Parmi ces particules figurent la suie ou carbone noir (70 %), une sous-catégorie de particules fines, comme celles émises par les voitures et issues de la combustion des carburants. « La suie est la principale cause de l’impact des lancements sur le climat. Les lanceurs sont particulièrement émetteurs de ce type de particules. Le carburant le plus utilisé par l’industrie des lanceurs, le kérosène, émet ces agrégats d’hydrocarbures brûlés. C’est le carburant le plus problématique car il émet beaucoup de suies. Le pire moteur de fusée au kérosène émettra 1 000 fois plus de suie qu’un moteur d’avion. C’est notamment le cas de la fusée Falcon 9 de SpaceX, qui fonctionne au kérosène.
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Ces suies sont également émises par le méthane, un nouveau carburant, qui sera sans doute de plus en plus utilisé, sans pour autant faire disparaître le kérosène. Le méthane alimente notamment la célèbre méga-fusée Starship de SpaceX. Si ce carburant émet moins de suies que le kérosène, la science ne sait toujours pas dans quelle mesure. “Cela va être un gros problème si le Starship doit effectuer de nombreux lancements. Ces fusées gigantesques pourraient dominer toutes les émissions produites, estime Loïs Miraux. Sachant qu’une étude a estimé que, émis dans la stratosphère, un kilogramme de suie a un effet réchauffant 500 fois plus important que s’il avait été émis par le reste des activités humaines qui émettent également des suies.
Besoin de simulations
De manière générale, poursuit le chercheur, « Les modèles estimant l’effet des lancements sur le climat montrent que les émissions dans la stratosphère la réchauffent avec un effet correspondant au dixième de celui de l’aviation sur la couche la plus basse, la troposphère. On est donc très loin de ces 0,01% initiaux qui concernaient les activités au sol.» Cependant, une nuance importante doit être apportée : « Les études sur les émissions des lanceurs se sont jusqu’à présent concentrées sur la stratosphère car c’est là que s’accumulent l’essentiel des émissions, avec une multiplication de leur effet. L’effet sur cette stratosphère est un réchauffement, un forçage radiatif positif sur cette couche. Par contre, cela ne nous dit rien à ce stade sur l’effet sur la troposphère où s’opère ledit « réchauffement climatique », ce qui est ce qui nous intéresse principalement. puisque nous vivons là-bas ! underlines Loïs Miraux.
Il faudrait donc faire des simulations pour comprendre ce qui va se passer à notre échelle, mais ce travail reste encore à faire. “C’est là que les études scientifiques restent prudentes et commentent qualitativement : le réchauffement de la stratosphère dû aux émissions du lancement entraînerait des changements complexes dans la circulation atmosphérique, qui pourraient conduire à un refroidissement des zones et des zones au sol. échauffement. Bref, on ne sait pas encore vraiment quelles seront les conséquences précises sur le climat. Ce que l’on sait, c’est que l’ampleur de l’effet quantifié sur la stratosphère est loin d’être négligeable et est préoccupante compte tenu de la croissance rapide (lire ci-dessous) du secteur. Et dans tous les cas, il s’agit d’une intervention sur l’équilibre radiatif de l’atmosphère, qui apporte rarement du bien.»
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Quoi qu’il en soit, des recherches commencent à être lancées par les universités et agences spatiales européennes pour mieux comprendre l’impact des lancements sur l’atmosphère. Mais établir ces connaissances prendra du temps : «Une crainte partagée par de nombreux spécialistes du sujet est que l’industrie avance beaucoup plus vite que la science. Mais la régulation ne peut réellement se faire que sur la base de données scientifiques précises.»
Sous-papier : Un secteur en croissance impressionnante
Le secteur spatial connaît une croissance impressionnante. Un chiffre évocateur : entre le premier lancement de Spoutnik en 1957 et le début du lancement de la constellation internet Starlink en 2019, 9 000 satellites ont été placés en orbite. Et rien qu’entre 2019 et aujourd’hui… 9 000 aussi ! Entre 2019 et 2023, la masse de carburant consommée par les lanceurs dans le monde a également triplé. « Cela est presque principalement dû à Starlink, lancé par le Falcon 9, qui utilise du kérosène et est donc un gros émetteur de suie. Aujourd’hui, 6 000 satellites Starlink sont en orbite. La configuration totale en prévoit 42 000, ayant une durée de vie de 5 ans et qui doit donc être renouvelée. Si l’on ajoute à Starlink les autres constellations annoncées (Amazon, trois constellations chinoises de plus de 10 000 satellites, etc.), on se rend compte qu’on pourrait arriver très rapidement. avec un impact climatique équivalent à celui de l’aviation, dans 10 ou 20 ans SpaceX domine actuellement complètement les lancements. Si l’on regarde les ordres de grandeur, peut-être que SpaceX deviendrait l’entreprise la plus polluante de la planète. .»
Aujourd’hui et depuis plusieurs années, la majorité des activités spatiales – et donc des impacts environnementaux – concernent les télécommunications et les grandes constellations de satellites de type Starlink, constate le chercheur.. « Missions d’observation scientifique qui servent à fournir des informations sur l’évolution du climat et de l’environnement. (du type Copernic, NDLR) apportent un bénéfice environnemental indéniable à un coût environnemental beaucoup plus modéré. Soyons perspicaces. Les missions spatiales ont un impact, mais certaines ont un impact bien plus positif que d’autres sur la société. Il faut s’interroger sur nos usages du numérique et d’Internet, car ces grandes constellations de satellites vont faire exploser l’empreinte du secteur.»
Épinglé : Et les retours ?
Après les lancements, il y a aussi… les retours, lorsque les étages du lanceur et les satellites en fin de vie sont volontairement descendus dans l’atmosphère pour y être brûlés. Quelles pourraient être les conséquences environnementales ? « Les étages des lanceurs, en général, se décomposent peu dans l’atmosphère lors de leur rentrée, contrairement aux satellites. Les satellites lancés en orbite finissent par retomber et se désintègrent presque complètement. Celui-ci va émettre dans les couches les plus élevées de l’atmosphère des particules métalliques qui n’y sont pour rien. Une étude a retrouvé des traces de ces métaux provenant des satellites dans 10% des particules d’aérosols mesurées. Cependant, cela peut avoir des effets sur le calque. l’ozone a potentiellement aussi un impact sur le climat et ses 42 000 satellites représenteraient 9 000 tonnes de métaux entrant dans l’atmosphère chaque année.