Pas de blague. Registre laveur dans la barre de recherche du site RONA. Vous ne rencontrerez plus de machine à laver, mais plutôt des rondelles ou des bagues métalliques qui se placent entre la vis et l’écrou. Faites le même exercice avec Césarcontraction de Swazallpour voir un inventaire de scies alternatives étalé devant vous.
La campagne de la quincaillerie qui fête cette année ses 85 ans et qui appartient depuis février dernier au fonds d’investissement américain Sycamore Partners, spécialisé dans le commerce de détail (Bureau en gros, Aéropostale, Jones New York), se déploie depuis 4 novembre sur les réseaux sociaux.
Faites-vous comprendre en ligne et en magasin
Publicité Au Québec on parle de réno montre des rénovateurs en herbe qui n’ont aucun mal à se faire comprendre en magasin, mais qui se heurtent jusqu’à présent à un mur lorsqu’ils utilisent les mêmes termes lors de leurs achats en ligne.
La vidéo, qui dure plus d’une minute, démystifie le nouvel outil et invite les consommateurs québécois à enrichir eux-mêmes le lexique. Ce faisant, leurs suggestions pourraient s’ajouter aux 150 termes déjà indexés lorsque l’entreprise a « rénové » son moteur de recherche.
«Dans le cadre de notre 85e anniversaire, l’équipe de direction basée au Québec, notre agence de création Sid Lee, a décidé de rendre hommage à nos racines en lançant sur les réseaux sociaux : La Langue de chez nous», a indiqué à Soleil par courriel à l’équipe des relations médias de RONA.
La quincaillerie continue en soulignant le caractère unique du jargon québécois, et que cela est encore plus vrai en rénovation. «L’objectif est de faciliter le processus de recherche des Québécois qui visitent notre site Internet, améliorant ainsi leur expérience de magasinage», affirme la bannière.
Guy « L’Ayatollah du langage » Bertrand, linguiste à la retraite qui était jusqu’en juin dernier conseiller linguistique à Radio-Canada, a d’abord accueilli le concept avec méfiance. “A l’époque, je me suis dit : on est en train de niveler par le bas”, a-t-il déclaré dans un entretien à Soleil. Je vois cela un peu comme un correcteur orthographique. Vous écrivez quelque chose par le son, mais il vous l’écrira comme il se doit.
Rapprocher le jargon et le langage soutenu
Pour le linguiste, la démarche est en quelque sorte une manière de démocratiser le monde de la rénovation. C’est une façon de donner aux gens un outil – littéralement ! – qui ne sait pas mieux. “C’est un jeu équitable”, ajoute-t-il, indiquant que c’est une chose tout à fait correcte et logique. Il compare également le monde de la rénovation et son lexique à celui des garagistes et se réjouit qu’aujourd’hui, les bons termes français soient clairement affichés dans les garages, même si les salariés communiquent dans leur propre jargon.
« Comme ça, on ne harcèle personne », insiste Guy Bertrand. Oui, vous ne connaissez peut-être pas le bon mot français. Mais il ne faut pas oublier qu’il fut un temps où ces produits nous étaient vendus uniquement en langue anglaise et que c’est ce savoir-faire qui se transmettait de génération en génération. C’est ainsi que le mot rondelle est devenu québécois en laveur.
Se rapprocher des Québécois malgré le contrôle américain
En fouillant dans ses souvenirs, ce dernier se remémore les matinées passées chez feu Pascal à Trois-Rivières avec son père.
« La quincaillerie qui sentait le caoutchouc et le métal », se souvient-il. Mais quand même, si tu voulais avoir laveurs et vous avez demandé des rondelles au commis, il n’aurait jamais compris.
Difficile de ne pas voir ici une tentative de RONA de se rapprocher de sa clientèle de Fleurdelsée. Après que le fleuron québécois soit passé aux mains d’intérêts américains en 2016, l’attachement à la marque s’est quelque peu érodé. À l’irritation provoquée par la fermeture des magasins en 2019 puis au début de 2024 s’est ajoutée l’an dernier une enquête de l’Office québécois de la langue française.
Québécois plutôt qu’espagnol ou anglais
En janvier, le Journal de Montréal avait révélé que le propriétaire de la marque exigeait l’utilisation d’une plateforme numérique, CommerceHub, accessible uniquement en anglais ou en espagnol. Une plateforme que tous les fournisseurs, fabricants ou fabricants souhaitant proposer leurs produits dans ses magasins étaient alors contraints d’utiliser.
Une obligation que le gouvernement québécois avait alors fermement dénoncée. Jean-François Roberge, le ministre responsable de la Langue française, a qualifié le tout de déplorable tout en évoquant le manque de considération de la direction de RONA envers les Québécois francophones.
« Notre moteur de recherche propose désormais des synonymes utilisant la correspondance de mots. Nous donnons par la même occasion un coup de pouce à l’intelligence artificielle puisqu’elle ne comprend pas encore notre langage, explique l’équipe des relations médias. On lui permet d’être encore plus intelligent en terme de jargon québécois. Les Québécois peuvent suggérer de nouveaux mots à ajouter. Il leur suffit de commenter nos publications sur Facebook et Instagram et de nous faire part de leurs suggestions.
Reste à savoir si cette démarche de francisation à la québécoise fera oublier les déceptions du passé et renforcera l’attachement des consommateurs à une marque qui, malgré tout, continue d’accompagner les Québécois dans leurs projets de rénovation.