« 50 € d’amende pour oubli de scanner un panier de courses inférieur à 1 € »

Selon notre témoin, tout est en place pour attraper les contrevenants : « Il y a quelqu’un à la caisse du hall qui est là pour surveiller. Mais s’il constate que quelque chose a été oublié sur son écran de contrôle, il ne le signalera pas. Il attendra que le client passe le portail pour le vérifier. Puis les patrons arrivent, ils vous emmènent au bureau et menacent d’appeler la police si vous ne payez pas l’amende. Les gens ont peur de la police et paient donc l’amende. le plus souvent.” Selon Vincent, cette situation n’est pas exceptionnelle et arrive régulièrement : “Il y a beaucoup de clients qui se font tromper” il dénonce.

En effet, le magasin fait l’objet de nombreuses plaintes similaires sur internet, comme en témoignent les retours clients sur Google : « Soyez prudent avec l’auto-analyse. Un oubli peut coûter cher. J’ai dû payer une amende de 50 € pour avoir oublié de scanner un sac de courses coûtant moins de 1 € », tourmente un client.

Une autre cliente a eu moins de chance puisqu’elle a dû payer 250 euros : « Après près de 30 ans de fréquentation de ce Delhaize et sachant que c’était mon premier contrôle non conforme depuis des années, ça fait très mal. J’ai vraiment l’impression d’avoir été trompé. elle fulmine. Certains témoignages soulignent également l’absence de reçu ou de trace bancaire pour ces paiements, car ils s’effectuent souvent en espèces.

Règlement intérieur

Nous avons contacté la direction de Delhaize Chazal à Schaerbeek pour obtenir des éclaircissements sur ces différentes réclamations. Lorsqu’on lui demande si des amendes sont imposées en cas d’oubli, le magasin est catégorique : « Lorsqu’il est évident qu’il y a un oubli, nous conseillons au client d’être attentif et de ne pas hésiter à demander l’aide des collaborateurs présents sur place. Dans ces cas-là, il n’y a pas d’amende », gère le magasin.

Les amendes ne sont donc appliquées que dans les cas plus graves, lorsque la quantité ou le nombre d’éléments non scannés est trop important pour être considéré comme une simple erreur. « Par exemple, 5 articles scannés sur 10 ou 4 articles scannés à 1 euro et le 5ème à 20 euros non scannés »entraînerait une amende car, selon Delhaize, “Il est clair qu’il ne peut pas s’agir d’une erreur lors du processus de paiement.”

Concernant la base juridique de ces amendes, elles se fondent sur la « règlement intérieur établi par Delhaize », on nous dit. Dans certains cas, “La police conseille également d’imposer des amendes dissuasives.” Dans ce règlement affiché à l’entrée du magasin, il est stipulé qu’en cas de vol, « Delhaize peut convenir d’un règlement à l’amiable avec le client sans y être contraint. Dans ce cas, une somme forfaitaire est calculée en plus des biens volés.

Quant aux montants des amendes, qui peuvent varier considérablement, le magasin explique qu’ils sont déterminés en fonction du nombre d’articles non scannés et de leur valeur. “Par exemple, 30 articles dans le panier, dont 16 non scannés, pourraient entraîner une amende de 250 euros, car il est clair qu’il ne peut pas s’agir d’une erreur et que le montant est élevé”, on nous dit.

Delhaize réfute également les allégations selon lesquelles les amendes doivent être payées en espèces ou par téléphone, sans reçu : « Les clients paient comme ils le souhaitent, certains en espèces, d’autres par banque, Visa et autres. Ils reçoivent un reçu avec le montant payé et la signature du gérant. Même si Delhaize admet que les erreurs d’auto-scan sont courantes, “ce n’est pas le cas de celles qui conduisent à payer des amendes.” Pour éviter ces oublis, le magasin a mis en place plusieurs mesures, parmi lesquelles l’affichage du règlement intérieur à l’entrée et dans la zone de paiement, ainsi que la présence accrue des collaborateurs de Delhaize.

Enfin, concernant une éventuelle flexibilité dans certaines situations d’inattention ou d’oubli, le magasin se veut rassurant. « Nous avons un grand nombre de clients, plus de 20 000 visites par semaine, ce sont donc quelques cas isolés. Nous sommes très flexibles avec nos clients, nous comprenons que des erreurs d’inattention et/ou oublis sont possibles, mais dans ces cas-là, nos équipes travaillent à les sensibiliser et à l’importance d’être attentif lors de l’utilisation de nos caisses. Toutefois, les amendes concernent généralement « récidivistes », souligne le magasin, tout en prétendant être « toujours disponible et à l’écoute de nos clients qui ont pu vivre une mauvaise expérience. »

Affaires civiles et pénales

Dès lors, les clients peuvent-ils être soumis à ce type d’amendes ? “Tout dépend de ce sur quoi on se base” explique Audrey Dereymacker, porte-parole de la zone de police de Bruxelles-Nord. Si le magasin considère l’incident comme un vol, et donc une infraction pénale, “Ce n’est pas quelque chose que le magasin ou même la police peuvent redonner vie.” En effet, si la police peut faire un constat, “Ce sont les tribunaux qui ont le pouvoir d’imposer une amende dans ce type de situation.”

En revanche, si l’infraction est considérée comme administrative, la décision d’infliger une amende appartient à la commune et donc à un responsable de la sanction. Dans le cas du magasin, le porte-parole de la zone de police de Bruxelles-Nord explique que cette situation semble relever davantage du domaine civil : « Le fait qu’ils affichent ce règlement est une manière de dire que lorsque vous entrez dans le magasin, vous acceptez ce contrat. Nous sommes donc en droit civil. Ainsi, l’affichage du règlement intérieur implique un accord entre le client et le magasin.

En cas de suspicion de vol, le magasin dispose de deux options. Soit il porte plainte, auquel cas “on passe à la procédure pénale”, soit il propose un règlement à l’amiable en demandant au client de payer une amende. Quant à la légalité de ce type de transaction, Audrey Dereymacker précise que ce n’est pas à la police de se prononcer là-dessus.

On ne connaît même pas les modalités et le prix, donc c’est plus que discutable

Chez Test-Achats, nous estimons que ce règlement intérieur manque de clarté. “Bien sûr, nous pouvons toujours stipuler un accord à l’amiable, mais dans ce cas, nous ne connaissons même pas les conditions et le prix, donc c’est plus que discutable”, explique Jean-Philippe Ducart, porte-parole de Test-Achats, qui considère cette réglementation comme une clause injuste. “Les moyens prévus dans ce règlement intérieur frisent l’arbitraire et leur légalité est plus que discutable”, insiste-t-il.

Enfin, la légalité de ces amendes fait également débat aux yeux du SPF Justice. “La clause inscrite au règlement intérieur, qui propose soit le dépôt d’une plainte pénale, soit le versement d’une somme pour éviter cette plainte, n’est pas une sanction administrative, mais plutôt une clause d’indemnisation.», commente Christine-Laura Kouassi, porte-parole du SPF Justice. “La légalité d’une telle clause soulève des questions et devra être appréciée par le juge saisi de la question..» Ainsi, si ces personnes soumises à ce type de transaction décident de porter plainte, “ce sera au juge de déterminer si c’est légal”, conclut-elle.

 
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