Vincent Macaigne sème la terreur à Vidy

Vincent Macaigne sème la terreur à Vidy

Publié aujourd’hui à 10h29

Vous avez dû voir, au moins une fois dans votre vie, un spectacle de Vincent Macaigne. Car… on ne sort jamais indemne d’une confrontation avec le monde brisé du réalisateur français, retournant à Vidy avec « Avant la terreur » (de Shakespeare et d’autres textes). Un spectacle chargé d’angoisse, de sang et de fureur, qui clôturera, au théâtre de Lausanne, une semaine remplie de beaucoup de douceur, entre les murmures de Yasmine Hugonnet et surtout les paroles politico-poétiques de Léonora Miano.

Assister à un spectacle de Vincent Macaigne, c’est comme être frappé en plein visage (et puissance 10) par tous les ingrédients présents dans l’art théâtral depuis ses origines. Une parole engagée, avant tout. Cathartique. Qui puise dans les textes originaux ce qui peut faire aboutir les thèmes choisis par le réalisateur – ici, entre autres, le moment de changement où une société s’oublie, les mécanismes du pouvoir, les excès d’un monde qui est sur le point de sombrer, mais aussi , peut-être, les conditions possibles d’un avenir meilleur.

Miroir de notre époque

« Before the Terror » passe ainsi au shaker « Richard III » du dramaturge anglais, pour en tirer une nouvelle histoire de notre humanité. Ou plutôt, tire de l’intrigue de Shakespeare le cercle vicieux dans lequel s’enfonce notre époque, dans le but de tendre un miroir à notre monde traversé de fausses informations, de guerres faites de morts mais aussi d’images, de chaos qui génèrent des monstres, des violences. qui perpétue d’autres violences à travers les générations.

« Cette pièce porte l’idée d’un monde qui arrête de penser, qui entre dans une vision rigoureuse du réel », observait Vincent Macaigne, attablé dans un café parisien il y a quelques semaines. Ce titre est un doux aparté. Nous avons toujours l’impression, aujourd’hui, d’être « dans » la terreur mais celle-ci, en fait, est généralement précédée de grands troubles. C’est dans ce monde où la négociation n’existe plus que le fascisme peut arriver, par exemple.»

C’est ce monde que l’artiste convoque sur scène, mélangeant les époques à coups de pinceau larges qui ne lésinent ni sur la boue ni sur le sang, à travers des peintures tantôt pop, tantôt burlesques, la plupart du temps très bavardes. , ultrasaturé de son, de musique, de lumière, de fumée…

Saturation et excès

Radical dans sa forme, son théâtre aime le spectacle total. Devant l’excès d’artifices déployés, impossible de rester insensible devant Vincent Macaigne. Scénographie démente, coups de tonnerre dans les allées, prise de tête du public… Cette grammaire – ne dites pas « style » car le créateur assure que cette œuvre formelle n’est pas au cœur de son identité artistique – maltraite son public. Quand certains savourent cet excès qui a bousculé certaines conceptions du théâtre, en territoire francophone du moins, d’autres le jugent comme un brouhaha compulsif et étouffant.

Depuis plusieurs années, en attendant de pouvoir réunir les fonds nécessaires à ses ambitieuses créations théâtrales, le réalisateur Vincent Macaigne multiplie les projets cinématographiques, au point de devenir un acteur incontournable tant pour les films d'art et d'essai que pour des productions plus confirmées. populaire. L'année dernière encore, il incarnait, avec retenue, le peintre Pierre Bonnard dans son biopic de Martin Provost ou un galeriste dévoué dans le film de copain « Un coup de maître ».

Rien de nouveau! A Lausanne, il y a dix ans, elle a attisé le débat en incarnant les changements esthétiques de la programmation souhaitée, dès son arrivée, par Vincent Baudriller. Le nouveau directeur de Vidy de l’époque confie à Macaigne la mission inaugurale (et provocatrice ?) de lancer sa première saison. Depuis ce premier « Idiot ! qui a passionné ou en colère en 2014il y a eu “Manquant” (en 2016) alors “Je suis un pays” (en 2017). C’était il y a longtemps! Sept ans déjà.

Le showoff s’essouffle

Voir Macaigne aujourd’hui est donc instructif pour comprendre les lignes de faille que Vidy a déplacées, en Suisse romande. Alors, certes, son « Avant la Terreur » devient presque caricatural à bien des égards. Celui que l’on voyait, il y a quinze ans, comme le nouvel enfant terrible du théâtre français – qui savait faire trembler la cour d’honneur du Palais des Papes d’Avignon – donne l’impression de se caricaturer.

Du sang, de l'eau, de la boue... une marque de fabrique des spectacles de Vincent Macaigne où la fureur de ses paroles est autant véhémente qu'elle souille la scène.

Son inventivité s’estompe et, dès qu’on gratte un peu les 2 heures et 45 minutes que dure le spectacle, l’éclat s’essouffle. On finit par trouver enfantin – « ennuyeux », diront certains, carrément « inconfortable », diront d’autres – d’entendre autant d’observations amassées sur les maux de notre société, délivrées dans le confort d’une création subventionnée. Pour une émission qui parle de guerre, « Before Terror » manque clairement d’émotion, surtout quand la réalité (à Gaza, après l’Ukraine) a dépassé la fiction.

Il n’en demeure pas moins que l’intégrité du fauteur de troubles apparaît toujours intacte. Et qu’il y a, désormais, un dernier et nouveau plaisir à évoquer, qui pousse à aller voir (ou découvrir pour la première fois) une de ses créations théâtrales : celui d’entrer directement dans l’univers foisonnant d’un artiste aux multiples facettes. qui est devenu, à 45 ans, l’un des acteurs incontournables du cinéma français.

Lausanne, Théâtre de Vidy, vendredi 19 et samedi 20 avril (19h), dimanche 21 (17h). Info: vidy.ch

Gérald Cordonier est chef de la section Culture et Magazines depuis 2017. Formé au sein de la section locale puis responsable de l’actualité politique lausannoise, il a codirigé la section Vaud et Régions de 2010 à 2013. En 2010, il est nominé pour le Prix suisse du journalisme. .Plus d’informations

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