Jeudi, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour avoir statué qu’une femme qui a refusé les relations sexuelles à son mari était en faute en cas de divorce. À moins que le gouvernement français ne demande un renvoi, il ne sera donc plus possible d’accorder un divorce de faute sur cette base en Europe.
Un snob. La France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CECH), jeudi 23 janvier, pour avoir considéré qu’une femme qui a refusé le sexe à son mari était “défectueux” en cas de divorce. «J’espère que cette décision marquera un tournant dans la lutte pour les droits des femmes en France»a réagi le demandeur dans un communiqué de presse. Quelles conséquences cette décision aura-t-elle? Franceinfo a examiné les tenants et aboutissants de cette décision majeure.
Une décision de la Cour française basée sur une interprétation de «devoir conjugal»
Revenons. Après 28 ans de mariage et quatre enfants, HW a demandé le divorce pour «faute» en 2015. Elle pense que son partenaire, JC, a «A privilégié leur carrière professionnelle au détriment de leur vie de famille» En se montrant “Irascible, violent et blessant”Rappelle la CEDH. Pour sa part, JC croit que la fin de leur union est la faute de sa femme, qui «Résumé du devoir conjugal pendant plusieurs années» Et qui a “Échoué dans le devoir de respect mutuel entre les conjoints en faisant des accusations calomnieuses contre lui”.
En 2018, le juge des affaires familiales de la Haute Cour de Versailles n’a reconnu aucun de ces griefs, mais a prononcé le divorce pour une «modification permanente de la caution conjugale». L’ex-femme fait appel de ce jugement. En 2019, la Cour d’appel de Versailles a cette fois considérée que son refus des relations intimes constituait «Une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant la vie continue intolérable Commun »Selon les termes du code civil.
Encore, «Le« devoir conjugal »n’existe pas dans le droit français, mais il découle d’une interprétation des juges, en particulier de ce que la« communauté de la vie »dans les moyens du mariage»Explique à Franceinfo Nicolas Hervieu, avocat spécialisé en droit public et européen. Le code civil prévoit en fait que «Les conjoints se lient mutuellement à une communauté de vie». «C’est une interprétation que les juges ont fait régulièrement depuis 1804» Et qui est «Une réminiscence des origines religieuses du mariage civil»Julie Mattiussi, maître de conférences, a déjà expliqué à la France Télévisions. À l’époque, il avait noté onze cas où la faute des conjoints avait été reconnue dans des cas similaires à celui de HW
Cette jurisprudence en «obligation conjugale» a même été confirmée en 1997 par un jugement de la Cour de cassation, qui considérait que «L’abstention prolongée des relations intimes attribuées à la femme» était susceptible de justifier la déclaration du divorce pour des raisons de faute. Sauf dans le cas de «Des raisons médicales suffisantes». Dans le cas de HW, la Cour de cassation a confirmé la décision de la Cour d’appel en rejetant l’appel qu’il avait déposé en 2020.
La CEDH considère que la France n’a pas respecté la «liberté sexuelle»
L’année suivante, le joueur de soixante ans a saisi la CECH. Une décision favorable ne lui permettra pas de réexaminer la cause de son divorce, mais elle considère que la position de la justice française est «Indigne d’une société civilisée»et souhaite établir qu’il y a une violation de son droit «Ne pas consentir aux relations sexuelles»Elle explique dans un communiqué de presse.
Dans le jugement rendu jeudi, la CEDH «Observe qu’il résulte de la jurisprudence ancien mais cohérente de la Cour de cassation que les conjoints sont liés par un devoir conjugal et que sa non-performance peut constituer une faute justifiant le divorce». Cependant, elle considère que le «devoir conjugal» a ainsi consacré «Ne prend pas en considération le consentement aux relations sexuelles». «L’existence même d’une telle obligation matrimoniale est contraire à la fois à la liberté sexuelle, au droit de disposer de son corps et de l’obligation positive de la prévention qui pèse sur les États contractants dans la lutte contre la violence domestique etinsiste sur le tribunal.
«Le consentement au mariage ne peut impliquer le consentement des futures relations sexuelles. Une telle justification serait susceptible de supprimer la nature répréhensible du viol conjugal. »
La Cour européenne des droits de l’hommedans un jugement du 23 janvier 2025
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Bien que le consentement ne soit pas explicitement mentionné dans le droit français, le viol conjugal a été reconnu en France par la Cour de cassation depuis 1990. De plus,«La CEDH considère que le droit de respect de la vie privée, garanti par [l’article 8 de] La Convention européenne sur les droits de l’hommeinduit le droit à la liberté sexuelle et à éliminer son corps »underlines Nicolas Hervieu. La Cour a donc condamné la France pour non-conformité de cet article.
Cette décision rendra le divorce impossible pour la violation de la «fonction conjugale» dans 46 pays à partir de fin avril
Le gouvernement français a trois mois pour demander un renvoi de l’affaire à la Grande Chambre de la CEDH, sinon le jugement rendu jeudi deviendra définitif. Lorsqu’on lui a demandé, le ministère des Affaires étrangères, qui garantit la défense de la France à la CEDH, n’avait pas fait connaître sa décision de Franceinfo au moment de la publication de cet article. Mais plusieurs déclarations de membres du gouvernement suggèrent que l’exécutif ne contestera pas le jugement rendu par la Cour.
«Je suis ravi de cette conviction»a réagi vendredi sur la France 2 Aurore Bergé, le ministre délégué en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes, dénonçant un «Décision injuste et anachronique» de justice française. «Nous sommes libres d’avoir ou de ne pas avoir des relations sexuelles, et si nous devons clarifier [le Code civil]Nous le ferons »Elle a ajouté. “De toute évidence, nous irons dans la direction de l’histoire” ET «Nous allons adapter notre loi»a également déclaré le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, interrogé par la presse sur la touche d’un voyage à Agen.
Emmanuelle Piet, directrice du Feminist Collective Against Rape (CFCV), qui a soutenu le demandeur, plaide également auprès de l’AFP pour «Le fait que la France note que la Cour européenne des droits de l’homme considère que le mariage n’implique pas une obligation de relations sexuelles entre les conjoints» et modifie le code civil.
En réalité, cette modification n’est même pas “nécessaire”Étant donné que le «devoir conjugal» n’est pas mentionné dans le texte, mais est une interprétation, rappelle le juriste Nicolas Hervieu. En résumé, “Dès que le jugement de la CEDH est définitif” fin avril«Les juges français ne pourront plus maintenir un divorce pour la faute en fonction de cette notion de« devoir conjugal »»Il souligne-t-il. De plus, le jugement a rendu jeudi «Valable pour les 46 États parties à la CEDH». «Toute femme ou homme en Europe pourra invoquer ce jugement» dans le contexte d’un divorce et de l’interprétation adoptée par la Cour dans l’affaire française “Va s’imposer”.
«Cette décision met définitivement une fin au« devoir conjugal »dans le mariage.»
Nicolas Hervieu, professeur de droit public et européenà Franceinfo
L’impact de cette décision pourrait même être plus élevé, croit l’avocat. «En réaffirmant l’importance du consentement et de la liberté sexuelle, la Cour offre un point de soutien aux juges français et au législateur» qui s’interrogent précisément sur l’évolution du droit pénal sur la question. Au début de la semaine, une mission parlementaire a conclu qu’il était nécessaire de modifier la définition du viol et de l’agression sexuelle en intégrant la notion de non-consentement. Un projet de loi à cette fin a depuis été déposé par les écologistes élus et le camp présidentiel.