Grand-père et grand-mère se battent

Grand-père et grand-mère se battent
Grand-père et grand-mère se battent

Ferdinand est un homme épuisé et apparemment inoffensif. Les épaules voûtées, il peine à bouger, marche en boitillant. Enfouie dans un manteau d’hiver sombre, sa silhouette hésitante respire la peur et la panique. Il est alors autorisé à s’asseoir pour répondre à ses juges. A 76 ans, Ferdinand comparaît devant le tribunal pour la première fois de sa vie et ce n’est pas de la partie. Il écoute, stupéfait et hébété, la présidente exposer à grands traits les faits qui lui sont reprochés. Et peu à peu son visage se fige.

C’est à Noël que tout se joue, que tout explose. Maudit jour de Noël, sans trêve, sans miracle, celui qui laisse un goût amer dans la bouche et le moral dans les abysses. Le 25 décembre, une bagarre éclate entre papy Ferdinand et mamie Jacqueline, sa compagne depuis 47 ans. Une dernière scène domestique, une de plus, une de trop. Pas une querelle vite oubliée. Non, une violente altercation. Ce sera le dernier. Jusqu’à présent, grand-mère s’était résignée au chagrin, à sa présence, au point de l’accepter sans broncher. Cette fois, la coupe débordera et rien ne pourra arrêter le tsunami de ressentiments trop longtemps réprimés, de rages trop longtemps apprivoisées par l’abnégation et le silence. A ce moment-là, Ferdinand ne s’en doute pas, mais sa vie va changer. Le point de rupture est arrivé.

Ainsi, le couple revient d’un déjeuner familial partagé avec leur fils lorsque Jacqueline se rend compte qu’elle a oublié son téléphone au domicile de la filiale. Elle veut aller le chercher, mais c’est l’étincelle qui va mettre le feu. Ferdinand s’emporte, lui interdit de sortir et le frappe. Il frappe. Les photos montrent Jacqueline assez frappée avec des bleus partout. Tout ça pour ça ? Oui. Ce n’est pas la première fois, c’est juste un classique si l’on en croit les enfants. “Un jour, je vais t’écraser, et ce ne sera pas un seul coup, tu me connais”, a même crié le prévenu, selon son partenaire. Elle réclame une mesure de protection de la part des policiers appelés à la rescousse.

“S’il vous plaît, Madame, je veux rentrer à la maison”

En réalité, cette spirale a commencé il y a très longtemps avec des irritations dans le couple, des sautes d’humeur désagréables, pour se poursuivre avec des cris et des gifles, et se terminer par des violences et des douleurs de nez. cassé et avec un oeil au beurre noir. Il y avait des disputes « dix à vingt fois par jour », avoue grand-père. Sans y voir le mal. Tellement habitué à cette routine !

Là immédiatement, contraint au silence, Ferdinand serre les poings et secoue brusquement la tête en signe de frustration et d’agacement. Qu’importe, bien décidé à crever l’abcès, son fils va enfoncer le clou. “Il est jaloux, possessif, il traite notre mère comme une esclave et elle n’a jamais rien dit”, explique-t-il. Lentement mais sûrement le portrait de Ferdinand peint par ses proches ressemble à un méchant, pas très sympathique. Mais il a quand même une réponse, notamment dans l’adversité lorsqu’il se fait piquer. C’est simple, Ferdinand nie tout catégoriquement. « Tout est faux, ce n’est pas vrai, Madame la Présidente. Ils sont tous en colère contre moi », éclata-t-il avec une énergie accrue, déterminé à se défendre.

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En garde à vue, il a pourtant tout avoué, il le reconnaît et s’embourbe un peu dans les sables mouvants de son histoire. Il voulait sortir vite de cette impasse, c’est tout. « Ce qui est vrai, c’est qu’on se dispute souvent pour rien. Combien de fois m’a-t-elle déjà fait ce truc de téléphone ! », s’énerve-t-il. Avant de poursuivre : « Je ne l’ai pas poussée, elle est partie et elle a trébuché. Ils étaient tous d’accord, ils voulaient ma mort. » Seul contre tout le monde.

Cependant, Ferdinand finira par comprendre qu’il est au milieu d’un naufrage. Jacqueline a atteint le point de non-retour, elle a porté plainte, souhaite se séparer, mettre un terme à ces 46 années de vie commune. « Cela n’arrivera plus jamais, plus jamais, plus jamais, toutes ces engueulades. Je ne peux pas vivre seul », se plaint grand-père, essoufflé. Brusquement, il implore comme s’il avait enfin senti le vent maléfique se lever. “S’il vous plaît Madame, par pitié, je veux rentrer à la maison.” » Ses enfants non plus ne veulent plus de lui. Ferdinand ne vieillira plus avec sa famille. C’est fini.

Il a écopé de quatre mois de prison avec sursis, d’une interdiction de contact et de comparution au domicile conjugal pendant 18 mois.

 
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