Acte premier de la transformation drag, la séance de maquillage. Ce qui peut durer près de deux heures. Pour obtenir de l’aide en fonction du nombre de participants au cours, Venom Roger s’est entouré d’un professeur de maquillage en la personne de Miss Martine, une amie drag.
Chacune a sa propre technique, mais dans les deux cas, le résultat est bluffant.
Lors des ateliers, les deux amies expliquent à leurs stagiaires d’une journée comment cacher leurs sourcils. Enduisez-les d’abord de colle à papier, brossez-les, aplatissez-les puis séchez-les au sèche-cheveux. Et recommencez une seconde fois. Il faut ensuite les poudrer grossièrement puis les masquer ainsi que l’ensemble de votre visage avec du fond de teint.
Une fois cette étape réalisée, place au maquillage des yeux. Il faut redessiner des contours supérieurs, les colorer… Et la couleur n’a pas d’importance, pourvu qu’il y ait une ivresse.
« Nous ferons le maquillage selon nos humeurs, selon nos envies, selon nos inspirations. C’est comme une toile que nous allons peindre »explique Mademoiselle Martine.
Et Venom pour compléter : « Le drag, c’est avant tout l’art de cacher ses erreurs. C’est une forme d’art comme une autre, c’est très thérapeutique.
Pour moi, le drag est une extension de toi-même
Pour Brandon/Venom, c’est une manière de se retrouver et aussi de s’affirmer : « Ce que j’aime dire quand on met les gens en drague, c’est qu’on crée des monstres. On ne sait jamais ce qui va sortir. Cela désinhibe des parties que nous n’avions jamais imaginées.
Pour Nadège, l’une des deux étudiantes du cours ce jour-là, ce fut une révélation : “Je ne me maquille généralement jamais, j’ai l’impression d’avoir retrouvé ma féminité.”
Une fois le maquillage terminé, on enfile notre tenue. Faux seins, fausses hanches, robes des mille et une nuits à paillettes, couleurs flashy, bijoux scintillants, voire flashy, en drag rien n’est par manque de goût, tout s’accepte. Et surtout personne n’est jugé.
L’ouverture d’esprit et la bienveillance sont des valeurs que Brandon et Etienne souhaitent véhiculer haut et fort à travers leur compagnie de théâtre et de performance.
« Ce qui me motive personnellement, c’est de pouvoir faire comprendre aux gens, de permettre à nos proches, à notre entourage de laisser ceux qu’on aime pouvoir être qui ils sont, de les mettre à l’aise et de leur permettre d’être eux-mêmes. Parce que nous avons le droit et que nous pouvons être qui nous voulons.
Nous travaillons sur des valeurs essentielles telles que l’inclusivité et la bienveillance
Etienne Capart alias RowenCo-fondateur de la société Pink and Blue
Deuxième acte, apprendre à marcher avec des talons. Au moins dix cm de préférence.
« La technique des talons, contrairement à ce qu’on pourrait avoir le réflexe de faire, c’est de faire talon-pointe et non pointe-talon », Venom précise.
« Et surtout, on pense marcher comme si on était sur une corde raide. Très confiante, très “mauvaise salope”, explique la traînée, le regard malicieux. C’est à dire déterminé, dynamique avec un look précis. L’œil sait où il va, alors il faut avancer avec détermination.
Une expérience appréciée par les deux apprentis drag du stage : “C’est quand même un peu compliqué, parce que c’est assez élevé, ça demande un petit effort”dit Salomé.
“Avoir des talons m’a donné envie d’avoir une certaine attitude”confides Nadège.
Et Venom ajoute : « C’est normal les filles, et s’il n’y a pas de semelle plateforme, ça fait mal aux pieds, on a des ampoules le lendemain, c’est horrible. Si vous trouvez la bonne chaussure, vous pouvez tenir le coup et être à l’aise. ». Chaque détail compte.
Troisième acte : Une fois maquillés, les élèves drag peuvent apprendre à se laisser aller sur la musique de leur choix, à danser et chanter en playback au rythme et à la chorégraphie.
Un seul objectif : se faire plaisir, lâcher prise, lâcher prise.
« Le plus important, c’est d’en profiter, même si on peut se dire « ah, le maquillage aurait pu être plus joli, ah le look, c’est pas génial », pour peu qu’on aime ça. amusez-vous, c’est tout ce qui compte, tant que vous en profitez, c’est le plus important”, Venom insiste.
Pour Miss Martine aussi, c’est une expérience libératrice.
« Nous vivons dans une société où nous devons toujours nous contenir. Vous ne devriez pas pleurer devant les gens, vous ne devriez pas vous mettre en colère devant les gens. Il ne faut pas trop rire, sinon cela sera dérangeant. Dans la société, il faut toujours se contenir.
-En tant que drag queen, on peut tout faire, les gens adorent ça. Et c’est très libérateur.
Pour Miss Martine, être travestie, c’est aussi envoyer un message.
« Dans un spectacle, la priorité est de faire passer un message. Cela peut être un message d’amour, un message comique, mais il faut envoyer un message. Personnellement, je ne suis pas une personnalité LGBT qui va aux extrêmes, mais je fais partie de ces personnes qui prouvent à la nouvelle génération qu’elle peut être libre, qu’elle peut se sentir comme elle veut.
Nous ne sommes pas des porte-parole, mais nous agissons
Et peut-on vivre du drag ?
Cela reste difficile, comme l’explique Miss Martine. « Le drag coûte cher, en maquillage déjà et puis lors des représentations que j’ai pu faire, je gagne souvent juste de quoi rembourser mes frais de déplacement. De temps en temps, des conseils ou astuces supplémentaires sont appréciés. Mais nous avons tous un travail en parallèle. Je suis dans les ressources humaines. Le drag reste une passion à côté pour le moment.
On ne vit pas du drag, à moins d’être extrêmement célèbre
En Vendée, département plutôt conservateur, créer une école de drag queen était un pari audacieux. Mais cela n’a pas découragé le jeune couple lucide.
C’était un peu difficile au début de marquer l’occasion du drag en Vendée, car peu de gens connaissent le sujet
Etienne Capart alias RowenCo-fondateur de la société Pink and Blue
» Mais ceci dit, le drag existait encore à La Roche-sur-Yon avant, notamment avec Eva au Macumba Club de La Roche-sur-Yon, qui instaure depuis au moins vingt ans des soirées drag. nous a beaucoup aidé »explique Etienne.
La plus grande difficulté, ce sont les mentalités des gens qui n’en ont pas conscience
Etienne Capart alias RowenCo-fondateur de la société Pink and Blue
Et Venom ajoute avec humour : «Personnellement, j’en ai marre de voyager tout le temps à Nantes pour pouvoir faire des scènes et c’est vrai que jouer local, c’est plus agréable. En fait, c’est venu naturellement, on s’est dit, hé, c’est peut-être le moment. Il est peut-être temps que les choses changent et évoluent en Vendée !
Mademoiselle Martine est d’accord : « Avec cet art, je veux prouver aux gens qu’il est possible de tout faire. Que même si on ne s’aime pas, même si on n’aime pas son corps, on peut être magnifique. J’ai eu beaucoup de mal à m’accepter en tant que drag queen parce que je n’aimais pas mon corps, je n’aimais pas mon visage. Et en allant vers l’extrême féminité, j’ai réalisé que finalement, j’étais très bien comme j’étais.
C’est grâce à une extrême féminité que j’ai réussi à embrasser aussi mon côté très masculin.
Ce qui a beaucoup aidé les drag queens yonnais, c’est aussi l’émission de télé-réalité française « Drag race France », lancée à partir de 2021 sur France 2. Inspirée d’un show model américain, il s’agit d’un concours de drag queen pour sélectionner la drag queen française.
« C’est à la sortie de Drag Race France en 2021 que je me suis dit, fonce. Sinon, je ne pourrais pas me lancer, de peur que dans la région, ce soit trop fermé, de peur d’être jugé, d’être critiqué. Grâce à ce spectacle, cela a permis d’ouvrir davantage les esprits.
Dès février 2025, en partie au club Macumba de La Roche-sur-Yon, au centre de la ville, les Loireurs seront émerveillés : place aux cours de drag queen de la compagnie Rose et Bleue.
« Dans notre école, nous proposerons des cours réguliers, des cours d’initiation, par exemple en maquillage, nous pourrons aussi faire un cours plus spécifique autour de ce qu’on appelle le lip-sync, donc play-back des chorégraphies. On va aussi, pourquoi pas, travailler le stand-up, la marche en talons », Brandon termine.
“Ça va être plein de petites notions comme celle du drag qu’on va exploiter le temps d’après-midi ou de week-end dans le but d’aider les gens à se révéler d’une manière ou d’une autre et à explorer cette nouvelle phase artistique qui n’a pas encore été réalisée. travaillé en Vendée.
The report by Juliette Poirier, Damien Raveleau, Louis-Julien Pannetier, Valérie Brut
Retrouvez-nous sur nos réseaux sociaux et sur france.tv