Par
Théo Zuili
Publié le
19 janvier 2025 à 7h16
Les projets de transports en commun se multiplient dans la métropole de Lyon, mais certains quartiers sont « oubliés » durant cette mandature, notamment l’ouest de Lyon et le Val de Saône au nord selon Etienne Faugier, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Lyon 2 et spécialiste de l’histoire des mobilités.
Le réseau TCL est le meilleur de France après Paris, mais l’amélioration de l’offre de transports en commun reste un enjeu majeur pour réduire le trafic automobile. Cet expert apporte son analyse et des éléments de réponse.
Une « conception hypercentrique » de la Métropole
Bus à haut niveau de service (BHNS) entre la Part-Dieu et Sept-Chemins, tram T9, T10, navettes fluviales… Le Grand Lyon mène de nombreux projets visant à améliorer la mobilité de ses citoyens. Des solutions qui « restent hyper ciblées », fustige toutefois Etienne Faugier.
Il faut en finir, dans les mentalités, avec le « petit Lyon ». Les élus comme les habitants doivent penser à plus grande échelle, car nous vivons depuis une trentaine d’années sur un territoire beaucoup plus vaste, tant pour nos loisirs que pour notre travail.
Dans l’ouest et le nord de Lyon, zones « oubliées » en matière de transports en commun durant cette mandature, l’offre de bus est très étoffée. « Quels sont les péchés la fréquencemais dans ces zones, les BRT seraient difficiles à rentabiliser. »
Le spécialiste analyse une « inégalité assez flagrante » entre l’ouest et l’est de Lyon : « On a aménagé un périphérique et des TCL à l’est, là où, pour l’ouest, on envisageait de finir le périphérique au XXIe siècle uniquement avec le Ring de la Science. . »
Un manque de projets structurants dans le nord
Le BRT de 28 km entre Lyon et Trévoux (Ain), créé par la Région Auvergne-Rhône-Alpes, sera lancé en 2030. Mais d’ici là, pas de nouveau projet structurant pour le nord de Lyon et du Val de Saône, outre la création d’un nouveau parc-relais à la gare de Saint-Germain-au-Mont-d’Or par la Métropole. «C’est bien, mais ce ne sera pas suffisant», estime le spécialiste.
“Je pense qu’il faut un retour du train bleu [ce tramway qui circulait entre Lyon et Neuville-sur-Saône fermé en 1957, NDLR]. Il y a tout un patrimoine ferroviaire latent, pourquoi pas reprendre ces axes négligés les rendre structurants ? »
Le dernier kilomètre est un problème
Interrogé, Vincent Alamercery, adjoint à la mobilité de Neuville-sur-Saône, s’est dit « très satisfait » du nouveau corridor de bus livré par la Métropole en 2023. « L’offre est assez riche le long de la Saône, contrairement aux hauteurs. Ce qui pose problème, c’est le dernier kilomètre, celui qui sépare la gare du lieu de travail ou de résidence.
Il faut travailler sur les services de bus locaux : avec une fréquence aussi faible, ce n’est pas une solution. En arrivant à la gare TER d’Albigny-Neuville, comment accéder aux lieux d’activité ? C’est quelque chose qui reste à résoudre.
« Nous avons aussi droit à des aménagements cyclables et nous voyons les usages exploser lorsqu’ils sont qualitatifs et sécurisés », assure l’élu.
-Le réseau ferroviaire sous-exploité ?
Pour ces derniers, les investissements de la Région Auvergne-Rhône-Alpes dans le réseau ferroviaire devraient être multipliés. «C’est le moyen de transport le plus efficace et pratique aller à Lyon, mais il est victime de sa réussite. Nous demandons des trains plus longs, ils sont saturés aux heures de pointe. »
Vincent Alamercery réclame notamment une amélioration de la fréquence et des plages horaires élargies en soirée. « Les équipements sont obsolètes, les retards sont fréquents, une bonne partie de la ligne reste à électrifier… Il y a encore beaucoup à faire et les investissements de la région ne sont clairement pas suffisants. »
Difficultés à l’Ouest
A l’ouest de Lyon, « où les élus ne semblent pas pas tous d’accord avec les mêmes projets », le Tramway Ouest Lyon Express (Teol) annoncé pour 2032 est le seul grand projet prévu après l’abandon du métro E et du téléphérique Lyon – Francheville. “Quel que soit le scénario de surface, il ne pourra pas s’intégrer à la ville”, a réagi Pascal Charmot, maire de Tassin-la-Demi-Lune.
Teol est indispensable même si « certains n’en veulent pas, peut-être par crainte d’une augmentation des terres ou de leur population », rapporte Etienne Faugier.
Cette solution semble être la plus agile, bien moins chère qu’un métro. On dit déjà qu’on pourrait prolonger ce tramway jusqu’à Craponnes, ça fait du bien de voir que ce projet peut être pensé plus largement. Le réseau de bus pourrait être réarticulé autour de cette infrastructure structurante avec des BRT pour le relier aux différentes communes.
Cette forme d’opposition en ce qui concerne ces transports en commun s’explique-t-elle par le niveau de vie de ces territoires de l’Ouest, plus riches qu’à l’Est ?
Un refus des transports en commun ?
Pour Etienne Faugier, cela ne fait aucun doute : « Les habitants de l’ouest lyonnais ne voient pas forcément un besoin de plus de transports. La culture du voyage est là principalement automobile et au cours de son histoire, il y a eu un rejet des transports publics qui persiste aujourd’hui. »
Etienne Faugier appelle l’ouest lyonnais à « sortir de sa bulle ». Pour l’expert, la difficulté d’y parvenir pourrait trouver des raisons dans « une peur de la population marginale amenée par ces arrangements. Cette idée existe depuis plusieurs décennies, plusieurs siècles.
Un lien à renforcer avec le TER : « C’est l’avenir »
Pour ce faire, le spécialiste n’a aucun doute sur la marche à suivre. « L’avenir est là : il nous faut une carte d’abonnement commune à un forfait TER – TCL. La Région comme la Métropole doivent faire un geste envers les populations. » Un avis que partage l’élu de Neuville.
Les discussions sont complètement au point mort et le dossier Serm, ces projets de trains métropolitains pour un RER lyonnais comme à Parisn’avancez pas.
« Pourtant, c’est le modèle idéal. Les richesses sont concentrées dans les métropoles et il devient de plus en plus compliqué d’y accéder avec la ZFE, la piétonnisation, les pistes cyclables… Il faut penser le territoire à l’échelle du département, voire plus loin », prévient Etienne Faugier. Vincent Alamercery est d’accord : « Ce serait un inévitable avoir un réseau efficace. En attendant, ce sont les habitants qui trinquent. »
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