Force est de constater qu’après plus de 66 jours de mer, nos solitaires de la dixième édition du Vendée Globe sont devenus de véritables bavards, qui n’ont de cesse de nous raconter des petites histoires ! Mais le plus drôle dans l’histoire, c’est que très souvent il s’excuse, se rendant compte à la fin du message enregistré qu’ils s’expriment un peu trop, mais au moins, que veux-tu, le sac est vide… et il faut l’avouer , on adore les entendre se confesser !
Il y en avait visiblement en stock dans le sac du jour de Romain Attanasio (Fortinet-Best Western, 14ème), qui a réussi à s’extirper le long des côtes brésiliennes pour enfin quitter compagnie à ce gros groupe d’adversaires revenus du diable Vauvert ! Attention, il ne revendique pas la victoire, “pour moi le juge de paix sera le Pot au Noir”, nous dit l’intéressé, qui en sait quelque chose en marin expérimenté :
« Ça m’est déjà arrivé de le passer sans m’arrêter, et le dernier Vendée Globe, à la remontée, j’étais coincé pendant trois jours ! Alors je ne m’enthousiasme pas ! Mais je suis content ! C’est parti d’une stratégie un peu solitaire, les autres ont fait autre chose… Quand on voit Jean Le Cam aller à droite et toi aller à gauche, il faut un peu de confiance, mais c’est fini ! Aujourd’hui encore une fois, les alizés sont tellement perturbés que tout peut arriver, on verra bien ! » Romain Attanasio, FORTINET – BEST WESTERN.
Photo envoyée depuis le bateau Fortinet – Best Western lors de la course à la voile du Vendée Globe le 16 janvier 2025© Photo du skipper Romain Attanasio / Vendée Globe
“Je criais de joie sur le bateau”C’est quand même un double soulagement pour le skipper de Fortinet-Best Western, qui en plus de s’être échappé, a réussi à résoudre ses problèmes d’hameçons qui lui avaient valu une petite montée… Allez, on ne résiste pas à l’envie de partager avec vous du 100% authentique gémissement de marin, aussi pur que possible :
« L’accrochage est un cauchemar ! En fait j’ai envoyé le gros gennak et je n’ai pas pu le descendre, j’ai passé trois jours avec, je suis monté au mât une première fois et je n’ai pas trouvé ce qui n’allait pas car tout était clair là-haut, en fait le le gros gennak est tout en haut et quand tu montes avec la drisse J0 tu es 30 cm plus bas, donc on ne voit pas par dessus le crochet, j’ai encore essayé, essayé encore, ça n’a pas marché, alors j’ai réessayé avec le grand gennak et c’était bien parce que de toute façon j’en avais besoin dans le soft, donc je me suis dit qu’à l’avant, je remonterais, mais évidemment c’était des conneries parce qu’à l’avant la mer devenait horrible, donc je commençais vraiment à flipper et je me dis que j’étais tellement con de ne pas l’avoir fait avant… Et puis j’ai réessayé une fois, deux fois, trois fois, un peu tordu, et puis ça s’est détaché. Là, on ne peut pas savoir le bonheur que j’ai ressenti, je criais de joie sur le bateau, c’était fou ! Alors j’ai tout posé, je n’ai jamais eu autant de plaisir à ranger une voile ! Et en fait, ce n’est pas le crochet qui pose problème, c’est une des petites pièces au dessus de la protection qui s’est coincée dans le crochet. Ce n’est pas la faute du crochet ! J’étais donc très respectueux ! Alors oui, j’ai à nouveau un bateau à 100% ! » Romain Attanasio, FORTINET – BEST WESTERN. Alors, vous vous amusez autant que nous à imaginer ce petit bonhomme complètement atomisé par la fatigue qui crie de bonheur au milieu de nulle part, avec au mieux quelques poissons pour seuls témoins ? Mais n’allez pas croire que les soucis s’arrêtent là, puisque quelques heures plus tard, au front, il y avait littéralement le feu à bord ! C’est la faute au câblage du bouton de démarrage moteur qui, en frottant sur le carbone, a provoqué un court-circuit ! « Heureusement, tout fonctionne, mais j’étais devant, à mettre du scotch pour isoler chaque fil, c’était de la foutaise », nous raconte le marin haut-savoyard, qui a quand même trouvé ce troisième tour du monde « particulièrement engagé » ! « Il y a des moments où il faut ralentir juste pour aller aux toilettes, c’est là qu’on en est ! », lâche-t-il finalement, alors que ses routages se terminaient en même temps que son message… « Cela me dit 14 jours mais une arrivée avec 50 nœuds de vent, ce n’est pas attractif en ce moment, allez, on verra bien ! », conclut Romain !« C’était vraiment dur pour le moral ! »Honnêtement, on le reprend, non ? Ça tombe bien, on en a de la marge, puisque Benjamin Dutreux (Guyot Environnement – Water Family, 11e) en avait également gardé sous la pédale, lui qui vient de sortir du Pot au Noir au coude à coude avec Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence, 12e) et suivi de près par Samantha Davies (Initiatives-Cœur, 13e). Une escorte dont il se serait bien passé avant de s’engager sur l’autoroute des alizés, lui qui avait espéré un instant faire une pause dans ce passage toujours épineux :
« Avec mon virage à l’Est, j’ai réussi à avoir plus d’espace pour slalomer entre les nuages et j’ai eu une bonne visibilité de la chose, j’étais plutôt content ! Jusqu’à un dernier nuage que j’ai un peu sous-estimé, j’ai cru que j’étais presque sorti et finalement j’ai été arrêté pendant 5 heures, donc c’était vraiment dur pour le moral ! Et du coup, nous sommes repartis presque à égalité… » Benjamin Dutreux, GUYOT ENVIRONNEMENT – WATER FAMILY.A quoi va ressembler la suite pour le skipper Ogien, qui vient de voir son ami Sébastien Simon (Groupe Dubreuil, 3ème) remonter le canal des Sables d’Olonne au petit matin ? Bonne question, d’autant qu’il y a quelques paramètres qui peuvent tout changer…
Parfois, voyez-vous, faire du bateau, c’est un peu comme essayer d’être à l’heure pour une sortie avec un bambin têtu. Mais pour ce trio un peu en retrait du groupe de tête désormais emmené par Sam Goodchild (VULNERABLE, 4ème), le timing sera primordial : parviendront-ils à être assez rapides pour se faufiler derrière la grosse dépression et prendre un raccourci le long du Portugal, au près et en mer, certes, mais presque en route directe ? Ou devront-ils lutter pour enfiler des chaussettes, changer trois fois de menu enfant et négocier la couleur du chapeau en cours de route ? En clair pour ceux qui ne sont pas (ou plus) jeunes parents : s’ils arrivent trop tard, ils devront attendre le prochain train, et dans ce cas faire un grand tour de la paroisse depuis l’Ouest en attendant de se faire bousculer. la prochaine dépression. Moralité? « Je ne sais pas trop à quelle sauce on va être mangé ! Pour l’instant, je me concentre sur la vitesse ! », nous raconte Benjamin Dutreux, qui avait encore quelques activités complémentaires :
-« J’ai dû bricoler quelque chose sur mon safran tribord récemment, et aujourd’hui j’ai fait beaucoup de couture ! J’ai laissé tomber le J3 dans l’eau, j’ai cousu une bonne partie de la tresse de chute, car il y a de fortes chances qu’on en ait besoin, j’ai donc préféré assurer mon collage avec quelques points de suture ! Rien qui me ralentisse vraiment, à part les algues ! Sargasses ! Benjamin Dutreux, GUYOT ENVIRONNEMENT – FAMILLE EAU. Car oui, le marin au large a de nombreux passe-temps ! Et quand il n’y a vraiment, définitivement plus rien à faire en attendant le vent, alors on peut faire comme Louis Duc (Groupe Fives – Lantana Environnement, 26e), qui avait lui aussi du pain sur la planche :
« Durant les trois jours qui viennent de s’écouler, j’ai trouvé le temps un peu long car on a vu les autres partir et on s’est mis quatre ou cinq jours en face. Et ça, c’est un peu dur pour le moral ! Mais bon, c’est accepté. J’ai donc démarré ma bibliothèque, que je n’avais pas ouverte depuis le début, et je viens de lire deux super livres ! » Louis Duc, Groupe Fives – Lantana Environnement. Alors vos prédictions, que lit un solitaire au moral bas ? Un petit Sénèque pour philosopher ? Un Tolkien pour s’évader dans d’autres comtés ? La poésie rimbaldienne pour renouer avec la beauté ? Mais non, vous n’y êtes pas : « Le premier, c’est Aurélien Ducroz qui partage son parcours de champion de ski à skipper, l’autre c’est l’ascension de Maxime Sorel jusqu’à l’Everest, que je viens de terminer ! Histoires de mer et de montagne ! »
Espérons en tout cas que cela aura remonté le moral du skipper normand, que l’Atlantique Sud semble avoir éconduit comme un videur de boîte de nuit ! Bloqué par l’anticyclone avec Sébastien Marsset (Foussier, 24e) Kojiro Shiraishi (DMG Mori Global One, 25e), Violette Dorange (Devenir, 27e) et Arnaud Boissières (La Mie Câline, 28e), le rookie n’a pas pu suivre ses petits camarades. devant, la faute notamment à une garde-robe qui pâlit :
« Nous avons peut-être été un peu prudents dans la dépression où Conrad Colman a été très rapide et a réussi à bien se positionner pour la suite. Quand j’ai dû renvoyer la toile, le problème était qu’il ne m’en restait plus. Sur huit voiles au départ, je n’en ai que quatre valables ! J’ai donc été obligé de naviguer à très basse vitesse, à un moment crucial pour passer cet anticyclone. » Louis Duc, Fives Group – Lantana Environnement.
Photo envoyée depuis le bateau Freelance.com lors du Vendée Globe à la voile le 4 janvier 2025.© Photo du skipper Guirec Soudée
Et il ne reste plus qu’à attendre de voir la barrière se lever… Mais même s’il y a de quoi être en colère, l’avantage de nos marins, c’est qu’ils ne sont pas rancuniers. Avec l’océan au moins. Et une fois leur sac entièrement vidé, ils retrouvent leur éternelle positivité. « Je pense que je vais vite retrouver mes marques, il reste encore trois belles semaines de mer et j’ai bien l’intention d’en profiter au maximum », conclut Louis Duc. En même temps j’ai envie d’arriver vite, et en même temps on vit encore quelque chose de grand et je redoute presque le retour à la réalité ! » Vous voulez dire qu’à un moment donné tout s’arrête et qu’il n’y aura plus rien à raconter ? On vous renvoie donc quelques messages pour en profiter encore plus, et continuer à le partager avec vous. Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre special report Vendée Globe.