Quelle est la genèse de ce livre ?
Philippe Le Guillou : Le livre n’est pas né d’une commande, mais d’un ressort libre, sous les auspices d’une grande liberté ! C’est l’accomplissement de la complicité et de l’amitié. Nous aurions pu nous rencontrer dans le Finistère, puisque nos maisons ne sont pas très éloignées, mais j’ai découvert le travail photographique de Benjamin Deroche à l’église Saint-Eustache à Paris, et j’ai été immédiatement conquis.
Benjamin est l’initiateur de ce projet ; il voulait cartographier, photographier mon univers imaginaire, mental et émotionnel. C’était quelque chose d’un peu périlleux qui aurait pu me déposséder ou me trahir, mais pas du tout : le résultat est très beau.
Benjamin Déroche : Je connais le travail de Philippe Le Guillou depuis longtemps. Ses écrits me donnent des impressions d’éternité. Sa relation avec la littérature m’a ouvert l’esprit sur mon lien avec le visuel. Philippe habite au Faou (29), et moi à Irvillac (29). Nous partageons ces lieux. En tant qu’artiste, j’ai toujours recherché le sacré dans mes photos. Et derrière notre amitié, il y a pour moi une garantie très puissante grâce à la libération dans son œuvre de cette question de religion.
Comment avez-vous choisi les lieux photographiés ?
Philippe Le Guillou : C’est une sorte d’état des lieux provoqué par le regard de Benjamin. Je ne voulais pas que ce soit complet, ni encore moins un catalogue. Il s’agissait de ne pas prétendre à l’exhaustivité. C’est un aperçu des endroits que j’aime et qui me tiennent à cœur. Ils peuvent être en intérieur, comme ma maison, ou en extérieur, avec des paysages qui me sont chers. C’est très fidèle à ce que j’aime.
Benjamin Déroche : Le livre contient une vingtaine de pages écrites par Philippe, de Paris. Puis, une première série de photos intitulée « Paysages spirituels » qui symbolisent le pays de son enfance. Autre série de photos, « Domestic Landscape », où l’on entre dans sa maison, sa solitude d’écrivain. Et enfin, une troisième série, encore intitulée « Paysages spirituels », au cœur des monts d’Arrée qui est peut-être le pays de ses peurs.
-Philippe Le Guillou vous écrivez que votre grand-père vous a transmis les mythes et légendes bretonnes. Pensez-vous que nous devrions puiser notre force à leurs sources ?
Philippe Le Guillou : je pense que c’est indispensable ! Je crois fondamentalement au pouvoir de la narration. Il faut le dire ! C’est pourquoi je suis romancier. L’histoire est supérieure à l’analyse. Il faut avoir une part de rêverie et d’imagination. Mon grand-père me racontait la légende de la ville d’Ys ou les histoires dans les forêts… Ce sont des choses que j’ai trouvées en lisant « La Légende de la Mort » d’Anatole Le Braz, mais mon grand-père ne l’avait jamais lu. A l’origine, j’ai découvert tout cela par la simple présence des lieux.
Chaque paysage secrète-t-il un imaginaire ?
Benjamin Déroche : J’ai une obsession pour ce qu’on ne peut pas voir dans une image. Il y a peu d’endroits où j’ai retrouvé la lumière du Finistère. A partir des écrits de Philippe, de nos échanges, j’ai essayé de faire ressortir les micro-contraste que l’on peut avoir visuellement dans nos forêts, au bord des rivières, sur une haie, le matin. Ils génèrent du mystère.
Benjamin Deroche – Philippe Le Guillou. “The memory of places – The photographer and the writer”. Éditions du Parapluie Jaune. €30.