L’adhésion du Sénégal à la Norme ITIE dans ce contexte a permis au pays d’évaluer ses textes et ses pratiques par rapport aux bonnes pratiques internationales, offrant une opportunité de référence avec plus de cinquante (50) pays. Après dix (10) années de mise en œuvre de l’ITIE et malgré les efforts d’intégration, l’ITIE reste la première source d’informations de qualité sur le secteur extractif (paiement des entreprises, données de production et d’exportation, déclaration de gestion financière, statistiques sur l’emploi et les transactions avec les fournisseurs, contribution au PIB, etc.) ; ce qui contribue à renforcer le débat public. Dès lors, un certain nombre de réalisations sont perceptibles :
• Engagement des parties prenantes au plus haut niveau (administrations, société civile et secteur privé) ;
• Réduction de l’asymétrie de l’information dans le secteur extractif ;
• Accès des citoyens à des informations fiables et exhaustives sur l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur extractif à travers la publication de rapports annuels ;
• Amélioration substantielle des systèmes d’information dans les secteurs miniers, pétroliers et gaziers, ainsi qu’au niveau des autorités financières ;
• Mobilisation des revenus extractifs et leur comptabilisation effective dans le budget de l’Etat ;
• Deux validations réussies avec une progression satisfaisante en 2018 et un score très élevé en 2021 ;
• Impulsion de plusieurs réformes juridiques dans le secteur extractif (bénéficiaires effectifs, fiscalité minière, fonds de péréquation et de soutien aux collectivités locales, contenu local, etc.) ;
• Mise en place d’un registre des bénéficiaires effectifs des sociétés extractives ;
• Une reconnaissance internationale matérialisée par la tenue à Dakar de la première conférence mondiale de l’ITIE en Afrique à l’occasion du 20ème anniversaire de l’ITIE internationale en 2023.
Cependant, compte tenu de sa position transversale et du rôle central des données dans la planification et le suivi des politiques publiques, le Sénégal pourrait bénéficier bien davantage de cette grande institution qu’est l’ITIE, dont la valeur inestimable des données fournies n’a pas d’égale sa contribution à l’ITIE. à la gouvernance des secteurs minier, pétrolier et gazier, voire au pilotage de la politique économique du pays.
En effet, pour réaliser pleinement son potentiel, l’ITIE ne doit pas se limiter à produire des rapports destinés à contrôler les exigences de la Norme. De même, il ne peut pas continuer à supporter le débat sur le secteur extractif face à un public de plus en plus exigeant et une presse engagée. Il peut jouer un rôle consultatif auprès de l’État dans les processus de révision des contrats ; renforcer l’analyse des exigences globales de l’ITIE (déclaration des bénéficiaires effectifs, divulgation des coûts et des réserves, analyse des scénarios budgétaires, etc.) ; aider à la mise en œuvre et au suivi des Fonds que le Sénégal peine à mettre en œuvre ; assurer le suivi des investissements réalisés à partir des fonds intergénérationnels ; identifier les réformes à mettre en œuvre pour renforcer la régulation, éviter les conflits sociaux ou relever les défis émergents liés à l’exploitation pétrolière et gazière, etc.
En plus d’élargir le périmètre des entreprises et des entités déclarantes permettant à l’État d’avoir une vision globale du secteur ; L’ITIE peut être un cadre de dialogue avec les administrations, permettant également d’exprimer les préoccupations des investisseurs.
De telles orientations ne seraient possibles que si les nouvelles autorités envisageaient les mesures suivantes :
• Transformer la structure de l’ITIE en une autorité administrative indépendante ayant l’obligation de soumettre des rapports détaillés et à jour sur l’évolution de la dynamique du secteur pétrolier, gazier et minier ;
• Institutionnaliser l’ITIE en tant qu’organisme consultatif et partenaire clé des ministères (mines, finances, environnement) dans l’évaluation des politiques publiques extractives ;
• Favoriser les partenariats avec l’Assemblée nationale, les communautés de recherche et les Centres d’excellence pour l’innovation et l’expérimentation de projets pilotes impliquant les communautés ;
• Utiliser les ressources offertes par le mécanisme ITIE pour servir la nouvelle vision stratégique du secteur extractif orientée vers la maximisation des avantages socio-économiques tant au niveau national que régional ;
• Élargir la portée et l’impact des données collectées en intégrant des mécanismes d’analyse prédictive pour anticiper les tendances du secteur (par exemple, les flux de revenus ou les besoins en infrastructure). Cela pourrait se faire à travers des partenariats avec des institutions de recherche, telles que l’ANSD ;
• Utiliser l’ITIE pour capter la valeur ajoutée et le développement durable.
Par : Elhadj Amath Diallo, Secteur privé, ancien membre du Comité national ITIE
Abdou Aziz Diop, Société Civile, ancien membre du Comité National ITIE
Dr Moustapha Fall, Enseignant-chercheur, ancien Responsable Affilié. Légal de l’ITIE
Cheikh Tidiane Touré, Consultant, ancien Secrétaire Permanent de l’ITIE