Le canal Lachine à Montréal, qui a connu de nombreuses vies, fêtera son 200e anniversaire en 2025

Le canal Lachine, qui célèbre son 200ee anniversaire cette année, est en constante évolution. En deux siècles, elle est passée d’une importante artère industrielle et maritime à un bassin délaissé, puis à un parfait exemple de gentrification urbaine.

Autrefois, le soir du Nouvel An, les Montréalais qui habitaient au bord du canal Lachine ouvraient leurs portes, malgré l’hiver, pour entendre les sirènes des usines voisines retentir à minuit.

C’est l’une des histoires que l’historien Steven High a entendues à maintes reprises de la part des habitants des quartiers ouvriers le long du canal. La plupart de ces usines ont aujourd’hui disparu et le canal actuel, bordé de pistes cyclables et d’immeubles en copropriété, serait méconnaissable pour un Montréalais des années 1940 qui aurait voyagé dans le temps.

Il reste certains monuments familiers à de nombreux Montréalais, comme l’enseigne lumineuse de Farine Five Roses, près du Vieux-Port, par exemple, ou les silos délabrés de Canada Malting plus à l’ouest.

Le train traverse le pont qui enjambe le canal Lachine, près de la gare centrale de Montréal

Photo: - / Marc Godbout

Le canal est à la fois un emblème et un microcosme de Montréal, source de fierté et de débat. C’est l’endroit où ces forces sont les plus visibles à Montréal, estime l’historien Steven High, professeur à l’Université Concordia. Vous allez au canal et vous voyez la ville se transformer sous vos yeux.

L’idée d’un canal pour contourner les rapides de Lachine en amont de Montréal est presque aussi vieille que la ville elle-même. Néanmoins, les premières tentatives de construction d’un canal, dès la fin du XVIIe siècle, s’est soldé par un échec.

Ce n’est qu’en 1821 que les travaux débutent réellement, poussés par les marchands montréalais qui souhaitent faire de la ville un centre commercial important en ouvrant un passage sur le fleuve Saint-Laurent. Ils sentaient la menace du canal Érié, alors en construction, qui relierait les Grands Lacs au fleuve Hudson et transformerait la ville de New York en un port majeur.

Quatre ans pour la première tranche

Le canal Lachine, long de 14 kilomètres et inauguré en 1825, a été construit en grande partie par des immigrants irlandais qui se sont installés dans le secteur aujourd’hui appelé Griffintown, à l’ouest de la vieille ville. Les conditions de travail étaient très dures et un conflit de travail sanglant éclata lors de l’agrandissement du canal en 1843, faisant plusieurs morts.

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Le canal de Lachine a été agrandi à deux reprises au cours de ses 60 premières années de service pour accueillir des navires de plus en plus gros.

Photo : BAnQ

Mur à mur bordé d’usines

Le canal a été le premier maillon d’une série de canaux construits le long du fleuve Saint-Laurent pour permettre aux bateaux de naviguer entre les Grands Lacs et l’océan Atlantique, explique Émilie Girard, historienne à L’Usine à histoire(s), un organisme qui offre des services de consultation en matière de patrimoine.

La voie navigable a également suscité une vague de développement industriel à Montréal, avec l’apparition rapide d’usines le long de ses rives. Ils ont été attirés par la promesse de l’énergie hydraulique des écluses du canal… et par la commodité de déverser leurs déchets directement dans le canal.

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Le cargo Fairmount de la Canada Steamship Lines franchit les écluses du canal Lachine à Montréal sous les yeux de deux baigneurs en août 1948.

Photo : Fonds Conrad Poirier / BAnQ

Au début du 20e siècle, le canal était bordé mur à mur d’usines, d’un bout à l’autreexplique le professeur High. Il y avait de tout, des moulins à farine aux usines de textile et d’outillage en passant par l’immense raffinerie de sucre Redpath. Selon Parcs Canada, plus de 600 entreprises ont occupé des terrains le long du canal au cours de ses 200 ans d’histoire. Elle est devenue un centre névralgique pour l’ensemble de l’économie canadienneunderlines historian Émilie Girard.

L’âge d’or ne dure cependant pas : la voie navigable devient obsolète avec l’ouverture, en 1959, de la Voie maritime du Saint-Laurent, qui permet aujourd’hui aux navires de circuler dans un autre canal, dragué dans le fleuve, cette fois-ci.

Un navire avance sur l'eau juste à côté d'une bande de terre où plusieurs bassins sont en construction.

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Un cargo emprunte la Voie maritime du Saint-Laurent tandis qu’à Kahnawake, vous pourrez observer les travaux de construction dans la zone du futur marais.

Photo : avec l’aimable autorisation de KEPO

La plupart des usines ont fermé leurs portes dans les années qui ont suivi, dévastant les communautés ouvrières proches du canal. Mme Girard estime que 40 % des emplois du sud-ouest de Montréal ont disparu durant cette période, et de nombreux résidents se sont déplacés vers l’est, vers le port de Montréal.

Une renaissance signée Parcs Canada

Le canal a été définitivement fermé à la navigation en 1970 et, dans les années qui ont suivi, il n’était guère plus qu’un fosse de drainagesouligne Steven High. Une partie du canal a même été comblée.

L’histoire aurait pu s’arrêter là. Cependant, en 1978, Parcs Canada a pris possession du site dans ce que M. High a qualifié de tentative d’y planter le drapeau canadien après l’arrivée au pouvoir du Parti souverainiste québécois le 15 novembre 1976.

Le canal Lachine enfin désigné lieu historique national en 1996, et Parcs Canada a lancé un important projet de revitalisation l’année suivante. Le canal a rouvert à la navigation de plaisance en 2002 et les visiteurs peuvent désormais louer des kayaks en forme de cygne ou des pédalos pour naviguer dans ses eaux.

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Aujourd’hui, de grandes sections du canal sont bordées d’immeubles en copropriété haut de gamme, et d’autres sont encore en construction. Juste à côté des silos à grains, l’ancienne raffinerie de sucre Redpath en briques rouges a été transformée en lofts, pour ceux qui ont les moyens d’acheter un petit morceau d’histoire.

Une gentrification très rapide

Florian Mayneris, professeur d’économie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), soutient que la revitalisation du canal Lachine a mené à une gentrification du secteur plus rapidement que dans d’autres quartiers centraux de Montréal.

L’an dernier, la Ville de Montréal a lancé un nouveau projet visant à attirer les entreprises vers le canal, mais avec un 21e siècle. L’ère de l’industrie lourde est révolue : là où se trouvaient autrefois les usines, la Ville veut désormais attirer les start-up technologiques et les entreprises de l’économie sociale, mentionne Benoît Dorais, maire de l’arrondissement Sud-Ouest.

Photo d'un bâtiment recouvert d'une fresque géante représentant un cercle blanc.

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Une des façades du bâtiment du projet Haleco peinte par Marc Séguin

Photo: Ivanhoé Cambridge

Cette gentrification ne plaît pas à tout le monde. Une bataille de plusieurs années concernant les silos abandonnés de Canada Malting a vu un organisme communautaire faire pression en faveur de logements abordables au lieu d’un autre projet de condos proposé par un promoteur montréalais.

Mais la réalité est que ces promoteurs sont souvent les seuls à pouvoir se permettre de rénover d’anciens sites industriels. Il y a beaucoup de décontamination, souligne le maire Dorais. Et certains éléments du patrimoine doivent être préservés et restaurés. C’est extrêmement cher.

M. Dorais indique que le promoteur avait désormais tous les droits pour construire sur le site de Canada Malting, même si les travaux n’ont pas encore commencé.

Le résultat de toute cette restauration, selon le professeur High, est que les promoteurs préservent le caractère des anciens silos et des façades en briques rouges au profit de personnes qui n’ont aucun lien avec l’histoire ouvrière de la zone. Les gens avaient un lien multigénérationnel avec ces quartiers et ils n’ont désormais plus les moyens d’y vivre.

Deux cents ans plus tard, le canal Lachine a consolidé son héritage en tant que moteur du développement industriel de Montréal et élément clé du patrimoine de la métropole. Ce à quoi devrait ressembler son avenir est cependant moins clair.

Où repose le patrimoine ? demande M. High. Est-ce qu’on le trouve dans les briques et le mortier ? Ou réside-t-il réellement dans les communautés et dans les citoyens eux-mêmes ?

 
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