Face aux difficultés, l’agriculture gasconne exprime sa colère

l’essentiel
L’année 2024 restera marquée par des mobilisations sans précédent, de par leur durée et leur intensité. Les agriculteurs du Gers ont été les moteurs de ce mouvement, tandis que dans les exploitations agricoles, la situation n’était pas au beau fixe.

Une année pas épargnée par les épizooties

Une campagne de vaccination contre le FCO-3 a été lancée.
Photo DDM – Sébastien Lapeyrère

Cela faisait longtemps que cela n’était pas arrivé. L’année 2024 aura été une année sans grippe aviaire dans le département. Depuis la première campagne de vaccination des canards en 2023, puis la seconde l’année suivante, le Gers n’a connu aucun abattage préventif dans les élevages. Un soulagement pour les producteurs, qui ont ainsi connu les premières fêtes de fin d’année « normales » depuis des années.

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Malheureusement, l’année 2024 n’aura pas été sans épidémie. La maladie hémorragique épizootique (EHD), apparue en 2023, s’est répandue. Au 25 septembre, près de 500 élevages étaient infectés, même si la situation semblait “moins mauvaise” qu’en 2023, “sûrement due à l’immunité acquise chez certains animaux”, a observé Bernard Malabirade, président de la Chambre d’agriculture du Gers. .

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Quant à la fièvre catarrhale (BCF), à l’automne, près de 90 foyers ont été enregistrés, avec « des symptômes plus graves chez les ovins que chez les bovins ». Pour les deux épizooties, la vaccination se déploie lentement, avec parfois des difficultés d’accès au produit pour les éleveurs.


Barrages, brutalités, blocages… Le malheur agricole s’illustre

Le 26 janvier, une exploitation escargot s’installe entre Manciet et Eauze.
Photo DDM – Sébastien Lapeyrère

Alors que les actions avaient commencé quelques jours plus tôt autour de la Ville rose, c’est le 19 janvier que les agriculteurs gersois ont laissé exprimer leur colère et leur mal-être. L’initiative part du canton de Gimont-Saramon et le premier barrage est construit à L’Isle-Jourdain, sur la RN124. Trois jours plus tard, le 22 janvier, c’est à Dému que les agriculteurs de la Coordination rurale installent une tente et placent des engins agricoles au milieu de la route nationale, empêchant tous les véhicules de circuler. A quelques kilomètres de là, un nouveau barrage a été érigé à Manciet. Ils y resteront plusieurs jours.

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Parmi les revendications avancées par les agriculteurs, de meilleurs revenus, des aides pour faire face à la Maladie Hémorragique Epizootique (MHE, Covid de la vache) ou encore la détaxation du diesel non acheminé (GNR) et une simplification administrative.

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Des barrières filtrantes ont également été mises en place, notamment au rond-point de Pavie : les voitures peuvent passer, mais le fret des poids lourds est contrôlé. Les producteurs notent l’origine des denrées transportées. Haricots du Kenya, poulet du Chili, jambon de Bayonne d’Italie… « Nous sommes soumis à beaucoup de réglementations en matière de traçabilité, rappelle une manifestante, alors que les autres pays ne sont pas soumis aux mêmes critères ». Un autre agriculteur ajoute : « Nous sommes en train de mourir. Nous fabriquons des produits hyper contrôlés et la loi Egalim n’est pas appliquée.

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Une demande de « fermeté » adressée à l’État et délivrée également par les opérations des magasins Aldi à Pavie ou Lidl à Fleurance afin de s’intéresser à la traçabilité des produits. De Mirande, avec l’installation d’un barrage filtrant, à Paris – les Gersois de la Coordination rurale participent au convoi vers Rungis – la mobilisation se poursuit jusqu’aux annonces très attendues de Gabriel Attal. Le 26 janvier, alors que le Premier ministre devait s’exprimer dans la journée, les tracteurs gersois se sont élancés et se sont dirigés vers l’est jusqu’à l’aéroport de Blagnac et vers l’ouest jusqu’à Eauze.

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Pas d’augmentation du RNB, sanctions pour non-respect de la loi Egalim, simplification, aides aux éleveurs concernés par le MHE et à la filière bio… Les mesures annoncées par le gouvernement sont scrutées de près par les agriculteurs. Le barrage de L’Isle-Jourdain est levé samedi 27 janvier, suivi de ceux de Dému et Manciet en début de semaine. Mais la vigilance est de mise : les Gersois veulent s’assurer de l’application de ces « mesures intéressantes » et évoquent un éventuel retour sur les routes gersoises. L’acte I est terminé mais la mobilisation reste indispensable.


Mauvais temps pour les céréales

Exactes en 2023, les récoltes ont été mauvaises en 2024.
Photo DDM illustration – Sébastien Lapeyrère

Les mauvaises années se succèdent également pour les céréaliers avec une récolte 2024 bien inférieure à ce qu’ils auraient pu espérer. Les fortes pluies sont également les principales responsables : elles ont entraîné une mauvaise fertilisation et donc de faibles rendements. Pour le blé, la récolte a été « catastrophique », selon Stéphane Zanchetta, co-président de la FDSEA, avec des rendements oscillant entre 25 et 75 quintaux par hectare, quand ils sont, les bonnes années, entre 50 et 80 quintaux. Une tendance nationale : le service statistique du ministère de l’Agriculture estime la récolte en à moins de 30 millions de tonnes en 2024, contre plus de 35 millions en 2023.


Acte 2 : les agriculteurs se soulèvent contre le Mercosur

La Coordination rurale a mis en place un
La Coordination rurale a érigé un « Mur des cons » au rond-point Saint-Cricq, chaque botte représentant un député.
Photo DDM – Salomé Dubart

Le deuxième acte des mobilisations agricoles se préparait déjà depuis plusieurs mois. Tout l’été, les radars avaient été couverts dans le département. Mais c’est le 18 novembre que la première action d’envergure est organisée conjointement par les Jeunes Agriculteurs et la FDSEA. Des dizaines de tracteurs se donnent rendez-vous à Auch, d’abord au rond-point des Justes, puis à la Patte d’Oie.

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Ils estiment que leurs revendications du début de l’année n’ont pas été entendues et dénoncent l’accord de libre-échange avec les pays d’Amérique du Sud, le Mercosur, que la Commission européenne a signé alors qu’un peu partout en France suscite la colère des agriculteurs. L’incertitude qui plane également sur la France, suite à la dissolution de l’Assemblée nationale, pousse les agriculteurs à s’exprimer.

Dans le Gers, la mobilisation, également suivie par la Coordination rurale, s’est poursuivie pendant plusieurs semaines, tandis que le préfet, Laurent Carrié, apprécié des agriculteurs, a quitté son poste pour l’Elysée. Panneaux municipaux placés devant la cathédrale Sainte-Marie, barrage filtrant au rond-point Saint-Cricq, dépotoir de papier déchiqueté devant la préfecture… Les manifestants occupent les terrains et obtiennent un coup de pouce fiscal concernant la taxe foncière sur les terrains non bâtis (TFNB) , le 21 novembre.

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Pour les Jeunes Agriculteurs et la FDSEA, la mobilisation se poursuit à travers des échanges, des rencontres et des visites de terrain. Mais le 5 décembre, la Confédération paysanne s’est fait entendre à Paris, devant le Grand Palais, à l’occasion de la 64e Bourse européenne. La Coordination rurale poursuit ses actions à grande échelle. Le 12 décembre, un véritable mur a été érigé en quelques heures au rond-point Saint-Cricq à Auch, bloquant la circulation sur la RN124. Ce « Mur des cons », comme le surnomment les agriculteurs, est la dernière action de l’année dans le Gers. Malgré l’officialisation de la fin des négociations du Mercosur, les agriculteurs mobilisés nous assurent qu’ils ne rendront pas les armes.


Un millésime 2024 rare mais avec certaines qualités

La quantité n'était pas au rendez-vous mais les producteurs misent sur la qualité
La quantité n’était pas au rendez-vous mais les producteurs misent sur la qualité
Photo DDM illustration – Sébastien Lapeyrère

Épargnés par le gel et la grêle, les viticulteurs gersois espéraient pouvoir souffler en 2024, après plusieurs années très difficiles. Malheureusement, leurs espoirs furent déçus, tout comme le vignoble gersois. En juin, un orage apporte entre 100 et 200 mm de pluie. Une humidité excessive s’installe. Conséquence : les vignes subissent des phénomènes de coulure et de millerandage. Vincent Piquemal, président des Vignerons Indépendants de Gascogne, avait alors estimé, mi-octobre, la production pour 2024 à 1,35 million d’hectolitres de vin, quand le Gers a une capacité d’environ 1,8 million. Cela représente une perte de près de 25 %, « la récolte la plus faible que nous ayons connue au cours de la dernière décennie, voire des 20 dernières années », estime Vincent Piquemal. Le colombard est particulièrement concerné.

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Toutefois, si la quantité n’était pas au rendez-vous, la qualité semble l’être. Le soleil et la chaleur, sans être caniculaires, ont baigné les vignes gasconnes, favorisant « la synthèse par la plante de précurseurs aromatiques », a expliqué Alain Desprats, président du syndicat des Côtes de Gascogne. “C’est un millésime sur lequel nous fondons beaucoup d’espoir”, notamment dans un contexte économique et politique déjà compliqué. Aux vendanges difficiles s’ajoutent des événements extérieurs, comme les taxes chinoises sur l’Armagnac, la guerre en Ukraine ou encore les taxes « Trump ». Les viticulteurs gersois comptent donc sur la qualité du millésime pour reconquérir les marchés à l’export.

 
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